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Julie (en 12 chapitres), de Joachim Trier, présenté en compétition au Festival de Cannes 2021 et couronné par le Prix d’interprétation pour sa comédienne Renate Reinsve, à l’affiche

Oslo, de nos jours. Julie (Renate Reinsve) est une jeune femme pleine d’énergie et d’enthousiasme, mais, à la veille de ses trente ans, elle cherche encore sa voie et papillonne sans jamais vraiment s’attacher jusqu’au jour où elle rencontre Aksel, un dessinateur à succès de la culture crash underground, aimant et protecteur, plus âgé qu’elle de quinze ans et désireux de fonder une famille. Julie refuse l’enfant qu’il désire bien qu’elle pense avoir trouvé une stabilité auprès de lui. Quand elle le quitte pour le jeune et séduisant Eivind (Herbert Nordrum), qui a lui-même quitté sa compagne Sunniva (Maria Grazia Di Meoelle), Julie espère, une fois de plus, commencer une nouvelle vie sans trop s’attacher pour autant. Un éternel recommencement qui semble être intrinsèque à la personnalité de Julie, instable tant sur le plan professionnel que sentimental. Elle entame des études de médecine mais les interrompt pour se lancer dans a psychologie tout en s’adonnant régulièrement avec passion à la photographie. Après avoir été touche-à-tout sans trop de conviction, Julie se retrouve vendeuse dans une librairie. Enjouée, sympathique, libre, frondeuse et alerte, Julie ressemble à une éternelle adolescente, sans attache ni responsabilité, qui fait de son quotidien un tourbillon d’euphorie et de joie qui contamine ceux qui l’approche.

— Renate Reinsve – Julie (en 12 chapitres)
Image courtoisie Frenetic Films

Le nouveau film de Joachim Trier, présenté en compétition au Festival de Cannes 2021 et couronné par le Prix d’interprétation pour sa comédienne Renate Reinsve, ponte son public dans les méandres sentimentaux et les frasques de Julie qui mène, sans scrupules ni remise en question, une vie bohème. Dès la première séquence et de bout en bout, le personnage de Julie occupe tout l’écran et porte le film sur ses épaules. Composé d’un épilogue, de douze chapitres et d’un prologue, Joachim Trier nous livre une Julie alors qui flirte avec un ami d’études, puis son professeur, parmi d’autres prétendants. Les spectateurs la découvrent, insouciante et désinvolte, qui badine avec l’amour contrairement aux héros d’Alfred de Musset. Intelligence, délicate, jolie, gaie et enjouée, Julie n’est pas sans rappeler l’inconstance sentimentale d’Anaïs dans Les amours d’Anaïs à la différence que chez Joachim Trier, on croit en sa protagoniste, magnifiquement décrite par touches progressives, pleinement ancrée dans une époque et représentante d’une génération qui revendique ses choix et sa liberté.

Rapidement, on comprend que Julie ne sait pas ce qu’elle veut dans la vie, animée par une constante quête du bonheur mais un bonheur dont elle a nourrit une définition imprécise, ce qui lui permet d’être toujours insatisfait de chacune de ses relations. Mue par une soif immense de liberté, la Julie du titre croque la vie à pleines dents, centrée sur son plaisir et ses envies, dans un joyeux individualisme déconcertant mais assumé, libérée de tout compromis et de toute concession, soumis à aucun diktat social ni renoncement. Julie multiplie les rencontres et semble à chaque fois éperdument amoureuse. Elle se croit libérée des contraintes et, dans un premier temps, les spectateurs la croient aussi libre qu’elle le paraît mais perçoivent, au fil de rencontres avec sa famille, en particulier avec son père, que les apparences sont trompeuses.

Au-delà de la légèreté et de la frivolité de l’héroïne, qui essaime une atmosphère aérienne et allègre autour d’elle, dénote un important et remarquable travail, d’écriture de direction d’acteurs et de mise en scène de la part Joachim Trier. Avec finesse, subtilité et acuité, le cinéaste élabore autour de Julie une palette de personnages soigneusement dépeints, y compris les personnages secondaires, profondément humains, riches en nuances complexes. Par le truchement d’une narration avec voix off ponctuelle, Joachim Trier signe le tableau convaincant d’une génération qui se croit libérée de toute entrave mais s’invente de nouveau conformismes sans trop en prendre conscience. Le film bénéficie d’un atout majeur en la personne de Renate Reinsve, pétillante et excellente du début à la fin, et même au-delà dans les souvenirs flamboyants qu’elle laisse aux spectateurs. La jeune actrice Renate Reinsve, qui irradie l’écran de sa spontanéité et de sa candeur, se retrouve ici face à Anders Danielsen Lie, l’acteur fétiche des premiers films de Joachim Trier, et qui livre une interprétation tout aussi remarquable.

La liberté d’écriture et de réalisation de Julie (en 12 chapitres) laisse songer à la Nouvelle Vague et la liberté frondeuse de son héroïne permet à Joachim Trier de brosser le portrait subtil et envoûtant d’une jeune femme d’aujourd’hui, signant une variation délicate sur l’inconstance de l’amour.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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