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La promesse verte, d’Edouard Bergeon, suit l’enquête policière menée par une Mère Courage sur fond d’exploitation des matières premières, de destruction des forêts primaires et de scandale environnemental

Tour à tour vendeur de graines et de fleurs en jardinerie, journaliste pour La Nouvelle République, France 3-Poitou-Charentes puis France 2, et cycliste invétéré à ses heures perdues, Édouard Bergeon devient réalisateur et signe plusieurs documentaires sur le monde agricole et les agriculteurs, un univers qu’il connaît ayant grandi dans une ferme près de Poitiers, où son père agriculteur a mis fin à ses jours, quand Edouard avait seize ans. Après un documentaire remarqué, Les Fils de la terre (2012), qui évoque le suicide des paysans, il signe un premier long-métrage, Au nom de la terre (2019), avec Guillaume Canet. Depuis, Edouard Bergeon cultive ses deux passions entre documentaires et films de fiction, réalisant de nombreux documentaires pour la télévision.

La Promesse verte d’Édouard Bergeon
Image courtoisie Filmcoopi Zurich

Pour tenter de sauver son fils Martin (Félix Moati) injustement condamné à mort en Indonésie, Carole Landreau (Alexandra Lamy) se lance dans un combat inégal contre les exploitants d’huile de palme responsables de la déforestation et contre les puissants lobbies industriels. Aidée par un attaché d’ambassade, Saïd Ayouche (Sofian Khammes), Carole finira par rencontrer une activiste indonésienne, Nila Jawad (Julie Chen) qui a croisé la route de Martin. Elle se heurtera aussi à Paul Lepage (Antoine Bertrand), un Québécois responsable de l’ONG qui a engagé son fils.

Lors du tournage de Au nom de la terre, Édouard Bergeon est tombé sur un article de presse concernant le blocage de la raffinerie Total de la Mède par des agriculteurs qui protestaient contre l’importation d’huile de palme d’Asie du Sud-Est, destinée à la production de biocarburants. Par son histoire familiale, le cinéaste savait que les agriculteurs français avaient été incités par le gouvernement, via des primes, à cultiver du colza pour produire du biocarburant et que les importations d’huile de palme allaient faire baisser les cours de marché de l’huile française. Edouard Bergeon connaissait la réalité des injonctions étatiques que les agriculteurs de l’Hexagone avaient reçues et comprenaient pourquoi les agriculteurs se sentaient désormais floués. Le réalisateur mentionne : « Car au-delà du faible prix de production de l’huile de palme, se pose surtout la question de ce qui se cache derrière la promesse des ‘carburants verts’ qui ne proposent au fond rien de durable pour la planète, ni pour les humains. Ce ‘miracle écologique’ repose sur une des cultures les plus écocides de la planète, celle de l’huile de palme. Produire cette huile à l’autre bout du monde s’avère un désastre écologique. Elle implique une déforestation massive, terrible pour l’écosystème local et mondial – la forêt primaire est le poumon de notre planète et un rempart contre le réchauffement climatique. »

Il s’est alors documenté sur l’exploitation des forêts primaires qui nécessite l’utilisation massive d’engrais chimiques et de désherbants pour faire pousser les palmiers, sans oublier la quantité de fioul lourd nécessaire au transport de l’huile par cargo. Cette exploitation rime avec un désastre humain pour les peuples autochtones des forêts tropicales qui se retrouvent expropriés de leurs terres ancestrales.

La Promesse verte n’est pas sans rappeler le combat de Bruno Manser, combat qui lui avait coûté la vie en Malaisie, et qui avait été porté sur grand écran par Niklaus Hilber dans un remarquable film de fiction, Bruno Manser, La voix de la forêt tropicale, film consacré à l’activiste écologiste suisse.

La Promesse verte abord la même exploitation, mais en Indonésie, où l’huile de palme est une incroyable manne financière pour les industriels, aussi bien pour les pays producteurs que pour les importateurs. Le marché est tellement important que la plupart des dirigeants politiques préfèrent fermer les yeux sur ses conséquences, soumis se contentant d’être les marionnettes décisionnaires des lobbys industriels, comme le montre le film à travers plusieurs de ses personnages.

Il aborde toutes ces multiples facettes en présentant des personnages représentatifs de chaque pion présent sur cet échiquier : main d’œuvre locale exploitée, mafias achetées par les multinationales, représentants d’ambassades, ONG intègres ou vendues aux lobbies. L’huile de palme en Asie du Sud-Est représente en effet une grosse partie du PIB des pays producteurs et génère un grand nombre d’emplois. Pour les consommateurs, la prise de conscience n’est pas évidente tant l’huile de palme se faufile dans la majeure partie des biens de consommation vendus par l’industrie agro-alimentaire. Ainsi, dans La Promesse verte, quand Carole prend conscience de cette réalité, elle ausculte toutes les étiquettes des produits contenus dans ses placards et se met à tous les jeter.

Venu en Suisse romande à l’occasion de la 7ème édition des Rencontres du 7e Art de Lausanne qui s’est déroulée du 7 au 17 mars 2024, Édouard Bergeon a échangé avec le public sur son « thriller écologique qui dénonce en filigrane l’hypocrisie des biocarburants ». Rencontre:

 

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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