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La Tresse, de Laëtitia Colombani, livre une ode poétique aux femmes du monde et à leurs combats à travers trois histoires singulières

L’immense succès littéraire de Laetitia Colombani, La Tresse, paru en 2017, est passé sur la pellicule, réalisé par l’auteure en 2022. Également intitulé La Tresse, le film sort sur les écrans suisses romands ce 29 novembre et dans le monde entier en 2024. S’il est aisé de coucher sur le papier plusieurs récits qui s’entremêlent, il est plus ardu de restituer pour le grand écran cette narration composite qui voyage à travers plusieurs destinées, plusieurs cultures et plusieurs pays. L’exercice aurait pu virer à l’imbroglio, mais Laetitia Colombani a réussi à éviter cet écueil.

— Mia Maelzer et Sajda Pathan – La Tresse
Image courtoisie Praesens-Film

Laetitia Colombani nous entraîne d’abord en Inde, auprès de Smita (Mia Maelzer), une Intouchable, qui rêve de voir sa fille, Lalita (Sajda Pathan), échapper à la condition misérable de sa caste et entrer à l’école. En Inde, Smita est née dans une misère totale, dans un village de l’Uttar Pradesh; elle est une Dalit, une Intouchable. Elle ne peut envisager que le travail le plus ingrat, le plus repoussant de tous, celui qu’elle devra transmettre à sa descendance, sa caste ne lui permettant pas d’envisager un meilleur avenir pour la petite Lalita. Smita quittera sa région et fera le sacrifice de sa magnifique chevelure dans un temple du Kerala pour offrir un autre destin à sa fillette. Mais le chemin est semé d’embûches, à commencer par l’enseignant de l’école de son village…
Puis le récit de nous entraîne sous le soleil du sud de l’Italie, dans les Pouilles, où Giulia (Fotinì Peluso) travaille dans l’atelier de son père. Les ouvrières nettoient et préparent des cheveux naturels destinés à des perruques. Lorsque le père de Giulia est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée et leur maison hypothéquée. La solidarité et la sororité qui règnent entre les ouvrières pourront-elles sauver l’unique atelier de la région consacré aux cheveux ?
Enfin, la caméra de Laetitia Colombani emmène le public au Canada, suivant Sarah (Kim Raver), avocate réputée, mère divorcée, qui va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est malade.

Ces trois vies qui suivent ces trois femmes sur trois continents distincts illustrent trois combats à mener. Si elles ne se connaissent pas, Smita, Giulia et Sarah sont liées, sans le savoir et sans soupçonner le poids de leurs actes, dans une chaîne de dominos existentiels.

Le potentiel cinématographique du livre a été rapidement perçu et les producteurs se bousculaient au portillon de Laetitia Colombani qui est convaincue que, si elle avait d’abord écrit l’histoire sous forme de scénario, elle n’aurait pas attiré tant de producteurs.

Plusieurs fois décalé en raison de la pandémie de Covid, le film a finalement été tourné dans les trois pays du roman, l’Inde, le Canada et l’Italie, et en trois langues : l’hindi, l’italien et l’anglais. Laetitia Colombani a su avec brio mêler harmonieusement ces trois pays que tout distingue et le défi à relever pour y parvenir était élevé : Laetitia Colombani a tourné sur ces trois continents avec trois distributions, en gérant trois équipes pendant six mois de tournage, en affrontant des problèmes techniques, mais aussi des différences culturelles et humaines. La gageure était titanesque.

Avec La Tresse, Laetitia Colombani poursuit son exploration de l’Inde, pays qui la passionne et qu’elle décrit dans sa diversité et ses contradictions, en particulier en ce qui concerne le statut des Intouchables et la situation des femmes. Il faut souligner que la réalité de ce pays, à la fois bigarré, chatoyant et âpre, procure au film, et au livre, leurs images les plus picturales. Les sublimes paysages des Pouilles en plein cœur de l’été permettent d’évoquer la solidarité et le partage des ouvrières dont l’action permettront à une femme meurtrie par les traitements et la maladie de conserver sa féminité, une première étape cruciale vers la guérison. Avec délicatesse, poésie et subtilité, l’auteure devenue réalisatrice entremêle ces histoires individuelles en mettant en lumière leur résonance universelle.

En rendant visibles des personnes à qui on ne donne pas la parole et dont la force demeure insoupçonnée, Laetitia Colombani leur rend hommage à travers cette leçon de courage. Avec La Tresse, sur papier ou sur grand écran, Laetitia Colombani, offre un regard fascinant sur les vies de ces femmes liées entre elle par leurs luttes.

D’aucuns voient dans La Tresse des lieux communs ou des poncifs, un point de vue regrettable tant l’histoire, écrite comme filmée, parle des échos subtils que l’on peut ressentir tout au long de la vie. Peut-être que ses détracteurs changeront-ils d’avis quand ils découvriront que, grâce au tournage, la fillette du film, Sajda, une petite fille des rues choisie pour incarner Lalita, et issue du bidonville le plus pauvre de Delhi, a vu sa vie transformée grâce au film : elle pu intégré un foyer après le tournage, et entrer enfin à l’école !

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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