Le Festival international du film d’animation d’Annecy transforme la ville lacustre en capitale mondiale du film d’animation depuis 1960. Retour sur l’édition 2024
Sur les rives du Lac d’Annecy, l’édition 2024 du festival s’est tenue du dimanche 9 juin 2024 au samedi 15 juin 2024, enchaînant présentations, animations variées, dédicaces, ateliers, masterclass, interviews exclusives sans oublier la compétition qui s’est terminée avec, dans la catégorie sélection officielle, le sacre du film d’Adam Eliott, Memoir of a Snail, qui a décroché le Cristal du long-métrage, succédant à Linda veut du poulet (2023).
Cette édition 2024 a rendu hommage au Portugal, pays à l’honneur, tout en dansant, la danse étant un autre thème phare au programme cette année. Le Festival et du Marché (Mifa) international du film d’animation d’Annecy a choisi de mettre en valeur l’innovation et les talents liés à l’animation, avec la création du nouvel Espace XR&Games tout en proposant des séances supplémentaires au Festival.
Après une semaine intense et qui a attiré un public abondant, les différents jurys ont dévoilé le palmarès complet. Dans la section longs métrages, sélection, Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau, a enthousiasmé les jurys comme les festivaliers et a obtenu le prix du jury, le prix du public et le prix de la meilleure musique originale. Enfin, le film Totto-Chan : La Petite Fille à la Fenêtre, est reparti avec le prix Paul Grimault.
Dans la sélection Contrechamp, le grand prix est revenu à El Sueño de la Sultana et le prix du jury à La Vie, en Gros (Living Large).
Temps forts : les masterclasses
Quelques jours après la masterclass donnée par Terry Gilliam, ce fut le tour de Wes Anderson de venir sur scène pour parler de cinéma et d’animation. Avec sa passion communicative, sa cinéphilie sans limite et devant un public acquis à son art, le réalisateur de Fantastic Mr. Fox (2009) et de L’île aux Chiens (2018) s’est exprimé sur les défis de l’animation et sur son rapport personnel avec ce médium. Le cinéaste a fait un tour d’horizon de l’ensemble de sa carrière afin d’évoquer comment il utilise l’animation, même dans ses films en prises de vues réelles. À l’issue de la masterclass, Wes Anderson a révélé vouloir revenir prochainement à l’animation en stop-motion pour un nouveau long-métrage.
Walt Disney Studios Animation à Annecy
Walt Disney Studios Animation a présenté les premières images de leur prochain film, Vaiana 2. Les réalisateurs David G. Derrick et Jason Hand ont dévoilé plusieurs éléments de l’intrigue. Cette suite se passe trois ans après le premier volet : Vaiana est une exploratrice reconnue et célébrée, notamment par sa petite sœur, un nouveau personnage présenté –, désireuse de rassembler les différents peuples de l’Océan Pacifique. Lors d’une cérémonie traditionnelle, elle reçoit un appel de ses ancêtres l’obligeant à partir encore plus loin sur les mers afin d’accomplir une quête que même ses aïeux n’ont pu réaliser. Vaiana 2 convoque la mythologie des Demi-Dieux et des mystères de l’Océan Pacifique.
Les coups de cœur de la rédaction
Sauvages, de Claude Barras, nous a séduits une nouvelle fois, tant pour ses marionnettes à la bouille attendrissante, sa technique de stop motion, le message écologique sur la préservation de l’environnement, habitat des autochtones. Le film sortira sur les écrans à l’automne 2024.
Présenté au Festival de Cannes avant sa première officielle, The Glassworker (Le verrier) a pu voir le jour grâce au studio d’animation dessiné à la main au Pakistan, Mano Animation Studios, créé en 2015, qui a lancé son premier – et le tout premier au Pakistan – long métrage d’animation dessiné à la main. The Glassworker, réalisé par Usman Riaz, co-fondateur du studio, exploite de nombreuses influences de films précédents (notamment celle de l’animation japonaise) pour un film qui, bien que peut-être un peu dérivé et moins réussi dans certaines de ses préoccupations thématiques et narratives, offre une vraie beauté stylistique aux couleurs bigarrées et une esthétique raffinée. Suivant le quotidien de Vincent, un jeune homme talentueux, et de son père Tomas qui dirigent la meilleure verrerie du pays, le film parle de transmission, d’amour impossible, mais aussi de guerre. L’approche d’une guerre dont père et fils ne veulent pas va bouleverser leurs vies. L’arrivée d’un colonel et de sa fille Alliz, une jeune violoniste en herbe, met la relation du père et du fils à l’épreuve. Alors que Vincent et Alliz tombent amoureux, ils doivent trouver le courage de se confronter à leurs pères.
Présenté dans la section Midnight Specials, Spermagedon est un film, comme le suggère le titre, sur le début de la vie ! Quand on voit ce conte élémentaire et universel, on songe au livre de Zep, Le Guide du zizi sexuel (2001), sur les mystères de la vie. Il y est question de la course originelle entre des millions de spermatozoïdes qui s’efforcent tous de féconder un ovule tant convoité, car unique. Cette quête pour la vie est semée d’embûches qui vont mettre à mal tous les candidats saut l’heureux élu. Ce long métrage d’animation norvégien, fruit de la rencontre entre le réalisateur Tommy Wirkola (Dead Snow, The Trip) et de l’animateur Ramsus A. Silversten (Bold Eagles), est délicieusement comique et scandaleusement dégoûtant nous apprend que les spermatozoïdes peuvent chanter, danser, lire des manuels de sciences et faire plein de blagues. Si vous êtes confrontés à des adolescent.e.s curieux du fonctionnement interne de leurs parties intimes et des fluides corporels, ce film viendra à votre secours en tant que parfait outil pédagogique illustratif.
Projeté dans la compétition Longs métrages Contrechamp, le premier long métrage solo de la cinéaste tchèque Kristina Dufková, Living Large (La Vie, en gros), est basé sur le roman éponyme (2001) de Mikaël Oliivier; il invite à la réflexion sur l’acceptation de soi à travers le passage à l’âge adulte.
Ben, douze ans, entre tout juste dans la puberté et soudain son poids devient un problème, pour lui et pour tout le monde. Les autres enfants le harcèlent, ses parents divorcés ne savent pas quoi faire. Même l’infirmière scolaire s’inquiète pour lui. Ainsi malgré son amour pour la nourriture et son talent naissant en cuisine, Ben décide de prendre des mesures drastiques. Il commence un régime. En filigrane, on songe à l’importance du regard que porte la société sur l’apparence, les stigmatisations de la différence, des marques au fer rouge qui peuvent entraîner des troubles du comportement alimentaires aux conséquences dramatiques.
Enfin, présenté en première mondiale dans la section Annecy Presents, Diplodocus, le petit dinosaure, rêve de vivre une grande aventure. Malheureusement, ses parents surprotecteurs ne le laissent pas explorer le monde magnifique mais dangereux au-delà du mur qu’ils ont construit pour protéger leur foyer dans la jungle. Diplo ne sait pas encore que son univers fait en réalité partie d’une bande dessinée créée par Ted, un artiste rêvant de succès. Ce premier film d’animation polonais en 3D, réalisé par Wojtek Wawszczyk, s’inspire de la légendaire bande dessinée des années 80 de Tadeusz Baranowski, mais s’en distingue par sa propre identité. Les couleurs chatoyantes du film, son humour absurde et ses personnages bizarres trouvent tous leurs racines dans la bande dessinée, mais Diplodocus développe une réflexion lucide et courageuse sur l’importance de garder vivant et valorisé l’enfant qui sommeille en chacun de nous.
L’édition 2024 a réservé une surprise aux invités qui ont pu découvrir en avant-première mondiale le premier clip officiel animé de la chanson Les Champs-Élysées de Joe Dassin, réalisé par Florent Grattery et produit par Grégory Allain, Studio Caribara Annecy , Groupe Caribara Animation, Sony Music.
La prochaine édition se tiendra du dimanche 8 juin 2025 au samedi 14 juin 2025 avec l’animation hongroise à l’honneur.
Firouz E. Pillet
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