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Cannes 2024 : Sauvages, le nouveau film d’animation de Claude Barras, présenté en Séances spéciales, livre une fable écologique qui sensibilise à l’enjeu environnemental de la déforestation

Le réalisateur de Ma vie de Courgette (2015), grand succès international, revient avec une fable écologique qui se déroule à Bornéo en pleine exploitation des forêts primaires pour la production d’huile de palme.

Sauvages de Claude Barras
Image courtoisie Festival de Cannes

Écrit par Claude Barras avec Catherine Paillé, Nancy Huston, Morgan Navarro, et tourné à Martigny, en Valais, Sauvages entraîne le public dans la forêt de Bornéo aux côtés de deux enfants et d’un orang-outan orphelin. Kéria (Babette De Coster), onze ans, vit avec son père Mutang (Benoît Poelvoorde) dans la banlieue paysanne d’une ville de la province du Sarawak, sur l’île de Bornéo. Dès l’ouverture du film, les détails visuels et sonores pour représenter la jungle dans laquelle se perd Kéria impressionnent par leur réalisme : on ferme les paupières et on se croit au cœur de la forêt tropicale.

On les retrouve aussitôt tant le résultat est réussi mais le labeur en amont pour Claude Barras et ses équipes a pris huit ans.

Kéria est une petite fille urbaine, qui aime les coupes de cheveux stylées et la musique hip-hop. Sa mère est morte quand elle était toute petite. Elle n’en a plus aucun souvenir, mais son père lui a raconté qu’elle avait été dévorée par une panthère. Kéria recueille un bébé orang-outan (Gaël Faye) trouvé dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père et qu’elle baptise Oshi.

Un jour, son grand-père maternel (Nelly Tungan) amène son petit cousin qui vit avec la famille de sa mère au cœur de la forêt tropicale, afin qu’il entre à l’école pour apprendre à lire et à écrire. À Bornéo, à la lisière de la grande forêt tropicale, au même moment, Selaï (Martin Verset), son jeune cousin, vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille nomade aux compagnies forestières. Une biologiste britannique, Jeanne (Laetitia Dosch), a pris fait et cause pour les Penan et vit désormais dans la forêt tropicale pour les défendre et militer. Malheureusement, en tant qu’étrangère, elle n’a pas l’autorisation de déposer plainte contre les compagnies forestières, et par voie de fait, contre le gouvernement indonésien.

Ensemble, Kéria, Selaï et le bébé singe vont lutter contre la destruction de la forêt ancestrale, plus que jamais menacée. Mais pour Kéria, ce combat sera aussi l’occasion de découvrir la vérité sur ses origines. Tout au long du film, la chanson de Daniel Balavoine, Tous les cris les S.O.S  (1985), est chanté par le tandem d’enfants et le générique de fin est accompagné par la version originale dont, à l’issue de la projection, les paroles font d’autant plus sens et apportent une forte portée émotionnelle à l’histoire de Sauvages.

Au début du film, une citation s’inscrit sur l’écran : « Le monde ne nous appartient pas. Nous l’empruntons à nos enfants. ». L’intention du réalisateur de toucher un public multigénérationnel en abordant la cause écologique face à la menace de la destruction des forêts pour produire de l’huile de palme, est affirmé depuis le début du projet. Comme Claude Barras l’a expliqué à l’AFP :

« Les gens qui luttent, je pense qu’il faut les soutenir et ma manière de lutter, c’est de m’intéresser à toutes ces problématiques. Comme c’est lié à l’huile de palme et qu’on en consomme beaucoup en Occident, ça nous concerne directement aussi. »

À Cannes, le réalisateur suisse, qui se réjouit que la la Suisse soit l’invitée d’honneur du Marché du film, a souligné que son film a pu voir le jour grâce à la coproduction entre la Suisse, la France et la Belgique. Le réalisateur salue cette reconnaissance du cinéma helvétique qui, souligne-t-il, « passe par des hauts et des bas parce que l’on est un petit pays, avec un marché morcelé en raison des langues. »

Sauvages de Claude Barras
Image courtoisie Festival de Cannes

Destiné à un public familial et ancré dans la réalité, le film de Claude Barras se fait porte-parole en relayant le combat de gens qui essaient de stopper la déforestation en Asie du Sud-Est, en soulignant l’importance de la préservation des forêts primaires, habitat des Penan, peuple indigène que défendait Bruno Manser et que défend toujours le fonds qui porte son nom.

Après le succès de Ma vie de Courgette, le réalisateur valaisan Claude Barras retrouve ses petites marionnettes qu’il anime en stop-motion pour nous offrir une fable écologique. Pour ce faire, le cinéaste s’est inspiré d’un voyage qu’il a effectué sur place en 2018, avec le Fonds Bruno Manser. Il a essayé de retranscrire la vie des Penan, cette communauté de chasseurs-cueilleurs, et même fait appel à eux pour interpréter des personnages. Empli de mythes fondateurs et de magie, le récit est richement documenté : il est question de Tepun, l’esprit de la forêt, dont les Penan observent scrupuleusement les signes quand il sait de chasser. L’histoire de Kéria soulignent combien les Penan vivent en symbiose avec la nature, leur terre nourricière.
Dans la communauté Penan, certains se battent depuis plus de trente ans pour défendre leur territoire. Mais face aux bulldozers, ils sont désemparés, comme l’explique Unga Paren, grand chef Penan :

« Aujourd’hui, le problème continue, on n’a plus de forêt, plus de nourriture, nos rivières sont sales, on n’a plus de bois, c’est pour ça qu’on revient aujourd’hui, pour demander de l’aide. On n’a déjà plus rien à manger et le gouvernement [malaisien] veut encore détruire la forêt qui nous reste, pour planter des palmiers, pour faire de l’huile. »

Pour Claude Barras, ce qui se passe à Bornéo se déroule aussi chez nous :

« On vit dans une société ultra-libérale, mondialisée où tout ce qu’on consomme est produit à l’autre bout du monde. Il faut que l’on ouvre les yeux, que l’on réfléchisse avant de consommer. »

Pour cette première du film, plusieurs représentants du peuple Penan accompagnaient le réalisateur sur les marches du Palais des festivals. Parmi eux, le militant Komeok Joe a déclaré :

« C’est parce que le gouvernement ne reconnaît pas nos droits que nous combattons. Nous ne voulons pas que nos enfants deviennent des orphelins là où ils vivent. C’est pour ça que je fais le tour du monde pour dire nos problèmes. Ce film parle vraiment de notre histoire et des problèmes des Penan. Je suis Penan et je jure que tout ceci est vrai. Si vous n’y croyez pas, venez. Je vous montrerai la forêt, les bulldozers, les rivières sales, les animaux qui fuient, les maladies…»

Projeté dans la plus petite salle du palais pour la presse, la salle Buñuel, Sauvages a été récompensé par un tonnerre d’applaudissements. Il ne reste plus qu’à souhaiter à Claude Barras que sa fable écologique connaissance un succès mérité pour une cause nécessaire !

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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