Le Soleil : Quand la lumière de la bienveillance unit les jeunes et les anciens
Le Soleil, écrit et réalisé par Samuel Massilia, journaliste, écrivain et réalisateur de seulement 25 ans, est un court-métrage bouleversant et lumineux de quarante minutes, sur le lien précieux tissé entre une jeunesse en quête de sens de la vie et les pensionnaires d’un EHPAD du sud de la France, qui continuent la leur… dans la bonne humeur ! Samuel Massilia réalise un coup de maître et signe un premier court-métrage intelligent, drôle et positif. Le Soleil qui a brillé dans des salles obscures du sud de la France, va s’envoler, comme une étoile filante, vers les cieux de l’Espagne et de la Suède, aux Festivals du Film de Madrid et de Stockholm.
Quand le talent n’a ni âge, ni frontière, et s’invite dans une valse intergénérationnelle à deux temps.
© Dinh Van Men
Le temps présent, celui de la jeunesse
Au début du court-métrage, le décor est campé, l’accent est chantant, le ton est tonique : Sud de la France, Aix-en-Provence, résidence des Oliviers. Dans un petit bureau de mission locale, au nom coloré de « Positives Vibes », inscrit sur le mur bleu foncé d’une sorte de « France Travail » de quartier, un jeune, Nico, en reçoit d’autres. Ce dernier propose des contrats d’engagement avec toute la motivation du monde, à d’autres jeunes comme lui, qui défilent dans ce bureau pour décrocher « le job » qui puisse les sortir de l’errance… avec des ondes positives ! Après le passage d’une jeune fille, c’est au tour de Micka, 22 ans, un auteur en herbe qui veut devenir artiste, de s’asseoir en face de Nico ; il cherche une place dans les métiers de la vente. Seulement voilà, il n’y en a pas. Mais Nico, de la mission locale, a LA solution pour Micka : au vu de son peu de motivation et d’expérience, mais grâce sa formation d’aide-soignant inscrite sur son CV, il propose à Micka une place dans… un EHPAD ! Pas vraiment ravi, Micka l’interpelle : « tu n’as pas une autre solution ? ». Nico lui répond cette très belle phrase : « Si tu ne le fais pas pour toi… fais-le au moins pour Eux !». Le ton est donné : la générosité du lien social, l’empathie et la bienveillance restent tout au long de ce court-métrage, la signature du réalisateur, qui mêle ici simplicité, humour, humanité et orchestre rondement les jeux des acteurs et leurs improvisations.
Le temps passé, celui de la sagesse
Mika est donc embauché à l’EHPAD de l’Estelan, près d’Aix-en-Provence, pour une période d’essai en tant qu’aide-soignant. Madame Fabre, la directrice de l’EHPAD, accueille et recadre au sein de son établissement, un Mika désinvolte et sûr de lui, traînant une lourde valise imaginaire de « préjugés » sur les personnes âgées mais aussi un caractère éminemment enthousiaste. Après des rappels à l’ordre de la directrice à son égard, ses rencontres avec les autres aides-soignants, Moussa et Camille et celles, bouleversantes, de deux pensionnaires des lieux, Henriette et Madame Speziani (deux résidentes de l’EHPAD de l’Estelan, « castées » par Samuel Massilia pour jouer leurs propres rôles), Micka va infléchir ses préjugés et devenir un « Soleil », à l’instar des autres aides-soignants, pour ces personnes avides de joie qu’il prend petit à petit en affection. S’en suivent des scènes très belles, très humaines, très justes, au plus près de la vie des pensionnaires. On y voit, par exemple, Camille, l’aide-soignante de l’EHPAD apprendre à Micka, le nouveau venu, à faire la toilette d’une résidente, l’attachante Madame Speziani – mais aussi des scènes épiques, comme la course de fauteuils roulants lors du concours annuel de « l’EHPAD a du talent », ou la scène des 43 ans de l’EHPAD, fêté avec un énorme gâteau partagé entre tous, comme un grand anniversaire en famille. La joie contagieuse entre la directrice, les aides-soignants et les pensionnaires de l’EHPAD se répète dans une valse intergénérationnelle de moments de bonheur instantanés et instinctifs : rires, danses, et musique sont omniprésents dans ce court-métrage délibérément optimiste et plein d’entrain.
Entre court-métrage et documentaire
Le Soleil se situe, parfois, entre court-métrage et documentaire, tant certaines scènes touchent au réel comme celle dans laquelle Henriette, cette bouleversante pensionnaire de 97 ans de l’EHPAD de l’Estelan, fait connaissance avec Micka. La coquette, apprêtée et presque centenaire Henriette parle de sa vie, sa passion (réelle) pour la moto que son père lui a offert pour ses 20 ans, le fait qu’elle ne peut plus en faire, ni de moto, ni de vélo, ni de quoique ce soit : « je fais du coloriage, à présent », dit-elle, digne, belle, et émouvante. Le regard de Micka, à cet instant, vaut tous les mots du monde. Un regard où l’on lit un respect, une écoute, presque une admiration que Mickaël Migliorini, jeune acteur professionnel, submergé par une émotion visible concernant le récit et le personnage d’Henriette, laisse échapper dans une interprétation d’une grande pudeur et d’une justesse exceptionnelle. « Quand la réalité dépasse la fiction et donne des scènes criantes de vérité, elle est là, la magie du cinéma ! », précise Samuel Massilia, l’auteur et réalisateur de ce court-métrage, adepte des films de Claude Sautet, Xavier Dolan, Olivier Nakache et Éric Toledano, et des comédies italiennes. Samuel Massilia est « convaincu que le cinéma peut donner à voir un monde meilleur » et cite volontiers Beaumarchais : « je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer ».
Les coulisses de « Le Soleil » : une histoire dans l’histoire !
Le tournage se passe en une semaine, en septembre 2024, après un repérage par Samuel Massilia de l’EHPAD de l’Estelan, existant réellement, avec les résidents que l’on voit dans le film, notamment, Henriette Forton avec ses 97 printemps, qui force, à chacune de ses apparitions à l’écran, l’admiration du spectateur et Madame Speziani, digne et émouvante dans les scènes de la toilette, ou celle de la crise de panique, un soir, lorsque Micka vient la réconforter. Ces deux résidentes se prêtent au jeu de l’écriture en amont de Samuel Massilia, mais avec une part d’improvisation et de naturel, due au fait qu’elles soient de vraies résidentes . « C’est, en partie, ce qui fait la force du court-métrage et son authenticité. Ce qui est incroyable, précise Samuel, c’est que dans mon scenario de départ, il y avait un personnage qui aimait la moto ! Je l’ai trouvé instantanément chez Henriette, qui a vraiment fait de la moto depuis ses 20 ans. La réalité rejoignait miraculeusement la fiction. Et pour Madame Speziani, l’autre héroïne du court métrage, c’était une évidence ! ». Et de poursuivre : « Les autres personnages sont des acteurs formidables, plongés, pour deux d’entre eux, Camille Rosse et Régis N’Kissi interprétant les rôles de Camille et Moussa, les aides-soignants du court-métrage, pendant une semaine en immersion totale dans l’EHPAD de l’Estelan, auprès des aides-soignants de l’établissement pour apprendre leurs gestes et leur verbatim. En ce qui concerne Mickaël Migliorini, interprétant le rôle de Micka, ce dernier a passé les deux mois de l’été 2024, en immersion auprès, notamment, d’Henriette et de Madame Speziani pour créer des liens avec elles, en amont du tournage. Deux mois s’écoulent donc entre le repérage, l’immersion des acteurs, et la semaine de tournage, en septembre 2024, avec une équipe de 20 personnes au total, des partenaires financiers comme la mission locale du Pays d’Aix et la Région Sud. Enfin, deux mois supplémentaires seront nécessaires pour le montage du court métrage », détaille Samuel. Et quand on lui demande, en aparté, pourquoi avoir abordé ce sujet… à 25 ans, sujet qui demande une maturité en décalage avec son âge, ce dernier répond : « D’abord parce que je me suis, au décès de mon grand-père, en avril 2024, réfugié dans ce scenario que j’avais déjà écrit, mais que j’avais décidé de réaliser pour aller de l’avant, pour aller mieux. Et puis, si j’ai cette maturité, et c’est la première fois que je le mentionne, c’est parce que dans mon chemin de vie, j’ai eu quelques épreuves qui m’ont poussé à murir plus vite, peut-être : enfant, j’ai connu le rejet des autres… j’étais différent, timide et réservé, ce qui m’a forcé pendant longtemps à me mettre en retrait, à observer, puis à me plonger dans l’écriture vers 15 ans… ». C’est dans la nuit de sa jeunesse, qu’un ancien « Soleil » éteint, brille aujourd’hui plus fort que les autres, pour nous livrer ce poétique et émouvant court-métrage qui signe, à coup sûr, le début d’un long parcours cinématographique pour Samuel Massilia.
De Samuel Massilia; avec Mickaël Migliorini dans le rôle de Micka, Nicolas Ferrero dans le rôle de Nico, Alexandra Holzhammer dans le rôle de Madame Fabre, Régis N’Kissi dans le rôle de Moussa, Camille Rosse dans le rôle de Camille, Henriette Forton, dans le rôle d’Henriette et Emma Speziani, dans le rôle de Madame Spéziani; France; 2024; 38 minutes.
Florence Signoret
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