Mon cousin de Jan Kounen sur les écrans romands
Pierre (Vincent Lindon) est le PDG accompli d’un grand groupe familial consacré aux grands crus bordelais. Accompagné par sa fidèle et dévoué assistante Dianwe (Alix Poisson) et inconditionnellement soutenu par sa femme Olivia (Pascale Arbillot), Pierre est sur le point de signer l’affaire du siècle mais il doit régler une dernière formalité : la signature de son cousin Adrien (François Damiens) qui détient la moitié de sa société. Ce doux rêveur idéaliste qui enchaine gaffes et maladresses est tellement heureux de retrouver Pierre qu’il veut passer du temps avec lui et retarder la signature. Pierre n’a donc pas le choix que d’embarquer son cousin avec lui dans un voyage d’affaire plus que mouvementé où sa patience sera mise à rude épreuve.
Avec Mon cousin, Jan Kounen (Dobermann, Le dernier chaperon rouge, Viberboy) réalise une comédie, un genre dont il a l’habitude.
Cela fait dix ans que le réalisateur est absent du grand écran, et il aurait préféré faire son retour avec un film de science-fiction, un polar ou un film social. Quand un producteur lui propose cette comédie, Jan Kounen est planté dans dans la réalité virtuelle. Ce qui séduit Jan Kounen dans ce projet, c’est la distribution, en particulier le duo antinomique à l’écran, formé par Vincent Lindon et François Damiens et les fondements d’une comédie « à la française » : une histoire originale, « bâtie autour de deux types qui ne se supportent pas mais qui doivent être ensemble, jouée par deux grands acteurs très différents l’un de l’autre. »
S’appuyant sur un vieux procédé de la comédie mise en exergue par le buddy-movie, la comédie de duo reste une source d’inspiration dans l’Hexagone; on songe immédiatement aux duos cultes, par exemple chez Francis Veber.
Après dix ans de films sociétaux et de rôles graves, on retrouve Vincent Lindon incarnant un personnage de grand bourgeois survolté, exubérant rapidement dépassé par les événements et surtout par la folie douce de son cousin, dont la seule constante est d’être imprévisible.
Jan Kounen a tourné avec une Alexa large format, une toute nouvelle caméra qui permet de retrouver les sensations du cinéma d’avant le numérique, une technique mise en valeur par la photographie de Guillaume Schiffman; le résultat débouche sur un l’esthétisme dont la mouture classique est bienvenue à l’ère du numérique à outrance et qui met en lumière les personnages – en particulier leur visage – et les lieux.
Le résultat de cette technique est naturel, proche de la vraie vie et permet aux spectateurs de s’identifier facilement aux personnages, avec leurs qualités et leurs défauts.
Dans cette comédie, les spectateurs s’amuseront à déceler trois caméos (ndlr. : apparition furtive d’une personnalité célèbre dans le récit d’un acteur ou d’une actrice.) : Albert Dupontel, Gaspar Noé et Jan Kounen, dans une amusante mise en abîme. Jan Kounen rend ainsi la politesse à Albert Dupontel avait demandé à Gaspar et à lui « de faire deux types en pyjama derrière lui en cellule »; ce clin d’œil les avait beaucoup amusé.
Cette comédie sentimentale et familiale, servi par une excellente distribution, qu’il s’agisse des acteurs principaux comme des acteurs secondaires, n’est pas aussi paisible que l’on pourrait l’imaginer car Jan Kounen prend plaisir à briser l’émotion dès qu’elle apparaît afin de créer un chamboulement émotionnel en cassant l’armure de deux hommes enfermés campés sur leurs positions et surtout dans leur folie respective.
Savamment dosé en délicatesse et en humour, cette comédie souligne les contrastes entre deux êtres diamétralement opposés – Pierre est devenu matérialiste et en a oublié les émotions et l’importance d’accorder du temps et de la considération à ses proches et Adrien est tellement connecté à la nature, flore et faune, qu’il est à l’écoute de la réalité qui l’entoure – qui finiront par se retrouver après un long parcours chaotique et semé d’embûches rocambolesques.
Ces mêmes ingrédients, confiés à la direction d’un autre réalisateur et servi par une autre distribution, auraient pu résulter sur un film quelconque, impersonnelle aussitôt oublié mais le style propre au réalisateur, palpable dès la première séquence, entraîne les personnages, en chef de file celui de Pierre, dans une plongée existentielle, truffée d’effets psychédéliques qui donnent un relief supplémentaire intéressant.
En les accompagnant, les spectateurs traversent une histoire qui les enrichit, leur offrant une vision différente du monde, plus holistique et en pointant quelques travers de notre société de consommation.
Firouz E. Pillet
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