Mostra 2017 : Andrew Haigh en compétition avec Lean on Pete
Si l’évènement du jour est, incontestablement, la présence conjointe de Robert Redford et de Jane Fonda au Lido, deux films en compétition à la Mostra de Venise ont fait sensation : Lean on Pete d’Andrew Haigh et Human Flow d’Ai Wei Wei.
Il y a deux ans, le jeune cinéaste britannique Andrew Haigh avait fait sensation avec son film Forty-Five Years, un drame qui montrait l’effondrement d’un couple et qui avait valu à Charlotte Rampling une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. Aujourd’hui, Haigh revient dans la compétition à la 74ème Mostra avec un film totalement différent, tourné aux USA. Le film raconte comment Charley, un adolescent laissé-pour-compte va s’enticher d’un vieux cheval de course, Lean sur Pete, dont plus personne ne veut… Sur le papier, le thème de Lean on Pete n’inspire guère confiance, le thème de l’amitié entre un adolescent et un canasson semble usé jusqu’à la corde, ou la bride, devrais-je dire.
“Ne courez pas, promenez-vous!” aboie le dresseur de chevaux épineux (l’irascible Steve Buscemi) qui aborde cet adolescent maigre pour effectuer le sales tâches dans une écurie bondée. Mais Charley (Charlie Plummer), âgé de quinze ans, était en train de courir lorsque Del l’embauche, lors d’une promenade rapide dans la petite ville de l’Oregon. Charley délaissé par son père volage (Travis Fimmel) et qui finira par mourir de septicémie suite à un règlement de comptes, finit par s’installer à côté du box de Lean on Pete.
La principale raison pour laquelle Charley apprécie le travail ardu qui le fait suer – en dehors du fait qu’il apporte à la maison plus de d’argent que son père ne semble jamais pourvoir – c’est qu’il passe du temps avec le jeune étalon de cinq ans, un cheval exploré à courir jusqu’à l’épuisement sur les pistes de course locales.
Pete est un sprinter pur race, et Charley trouve rapidement un confident et un ami qui lui apporte la compagnie, l’affection dont il a besoin. Comme Charley se retrouve abandonné par les différents adultes de sa vie, il commence à sentir que Pete et lui partagent un point commun contre le monde – et quand le dresseur menace Pete d’abattoir, le voyage commun entre l’équidé et l’ado commence. Peut-être que lorsque le garçon regarde les yeux de Pete et contemple les perspectives sombres de la pauvre créature, il voit ce nouvel ami comme un reflet de lui-même. “Ne les considérez pas comme des animaux de compagnie”, conseille Bonnie (Chloë Sevigny), une femme jockey qui monte occasionnellement pour Del, et est au courant de certaines de ses pratiques douteuses. “Ils sont là pour la course et rien d’autre”. Del est même plus extrême : « Tu devrais faire autre chose si tu le peux”, dit-il sérieusement à Charley, après qu’il le voit s’attacher au cheval. “J’aimais aussi les chevaux,tu sais.»
Les films impliquant des enfants et des chevaux ne sont pas exactement réputés pour séduire un public de festivals. Mais Haigh, adaptant un roman de Willy Vlautin, contourne toutes les occasions évidentes de sombrer dans les lieux communs et évite de tirer quelques larmes faciles en faveur d’une construction lente des émottons des sensations de mère délicate, une méthode en crescendo.
Le cinéaste anglais ici parvient à surprendre, car le monde des chevaux de course et des paris n’est en réalité qu’une toile de fond pour tracer le portrait de Charley, de son jusqu’au-boutisme pour tenter de retrouver un équilibre familial. Contrairement à ce que suggère le titre, le film Lean on Pete est consacré à Charley plus qu’à Pete le cheval qui ne représente qu’un chapitre dans le chemin initiatique de l’adolescent. Lean on Pete, dénué de tout sentimentalisme, révèle surtout un jeune acteur bouleversant, Charlie Plummer, qui va sans doute enflammer la critique dans les jours qui viennent et qui mériterait un Lipn du jeune espoir qui, malheureusement n’existe pas.
Lean on Pete sera sur les écrans au London Film Festival en octobre prochain.
Firouz E. Pillet de la Mostra 2017, Lido
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