Mostra 2019 : Guest of Honour, d’Atom Egoyan, ou les affres de l’âme humaine
Jim (David Thewlis) et sa fille Veronica (Laysla De Oliveira), une jeune professeure de musique du secondaire, tentent de démêler leur relation complexe, leurs histoires secrètes et leurs démons personnels en faisant progressivement remonter à la surface des secrets enfouis depuis des années, faisant jaillir des vérités fondées sur des malentendus.
Après un canular qui tourne très mal, la fille de Jim est faussement condamnée pour avoir abusé de sa position d’autorité sur Clive, dix-sept ans. Veronica, vingt-cinq ans, est néanmoins convaincue qu’elle mérite d’être punie, mais pour des crimes bien antérieurs. Confus et frustré par l’intransigeance de Veronica, l’angoisse de Jim commence à empiéter sur son travail d’inspecteur sanitaire des restaurants. Il exerce un grand pouvoir sur les petits restaurants familiaux, pouvoir qu’il n’hésite pas à utiliser.
Atom Egoyan poursuit son exploration les traumatismes personnels non résolus et leurs conséquences non intentionnelles.
Veronica a choisi de purger sa peine jusqu’à la fin alors que Jim est certain qu’elle n’est pas coupable, ses efforts pour réduire sa peine sont entravés par son refus intransigeant de coopérer avec lui. Désespéré, Jim s’acharne sur son travail, poursuivant les restaurateurs négligents avec une vigueur que les spectateurs supposent d’abord être dévouée, mais dont ils réalisent vite compte qu’elle est bien plus que le zèle professionnel. Jim récolte avec minutie les crottes de Benjamin, son lain albinos, pour les emporter dans une petite boîte afin de les déposer dans les restaurants qu’il veut faire fermer. L’abus d’autorité semble plutôt du côté de l’inspecteur sanitaire que de sa fille.
L’événement sur lequel porte l’histoire est l’accusation, contre la jeune femme, d’abus d’autorité à l’égard de l’adolescent Clive, son élève. Mais la femme semble ne pas vouloir se sauver, convaincue qu’elle mérite une punition pour quelque chose qui s’est passé il y a longtemps, et même le père semble se comporter d’une manière étrange dans un réseau de secrets entre père et fille. En filigrane, des bribes progressives de souvenirs révèlent la maladie de la mère de Veronica, l’infidélité de Jim avec la prof de piano, de multiples non-dits font surface et décoller des règlements de comptes et les passions s’exacerbent. Mais le film conserve un rythme lent, trop lent et perd l’attention des spectateurs.
A travers le protagoniste qui enquête dans toutes les tavernes de la ville, le réalisateur arménien (naturalisé canadien) nous montre les communautés émigrées, la brasserie munichoise, le restaurant arménien de la communauté libanaise, la trattoria italienne, le fast-food asiatique, etc.
Atom Egoyan a confié son désir d’enquêter sur l’âme humaine :
Tout le monde a ses obsessions. J’aime comprendre les aspects sombres de la condition humaine, je la cherche dans tous les livres que je lis, la musique que j’écoute, les films que je vois. Ils m’attirent quand ils semblent s’occuper de ces aspects plus sombres.
Atom Egoyan de poursuivre :
Dans le film, la culpabilité est centrale. Je suis fasciné par la complexité de la manière dont la vérité se manifeste finalement, il y a des histoires qui restent cachées jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
A l’instar de La vérité, de Kore-Eda, film d’ouverture de cette 76ème édition de la Mostra, il n’y pas qu’une vérité mais plusieurs vérités, bien évidemment.
Pour servir cette exploration au coeur des contradictions de l’âme humaine, David Thewlis et Laysla De Oliveira donnent la réplique à Luke Wilson et Rossif Sutherland, Arsinée Khanjian, entre autres.
On se souvient des films précédents d’Atome Egoyan qui explore depuis toujours les affres de l’âme de l’être humain, avec ses parts d’ombre et de lumipère, comme Exotica (1994), De beaux lendemains (1997), Ararat (200) mais ici malheureusement, le cinéaste a trop distillé son récit pour nous maintenir captivés.
Cependant, si il y a bien un cinéaste que les festivals s’arrachent, c’est Atom Eoyan qui vu la première de son dernier film à la Mostra de Venise et qui le verra projeté au TIFF le 10 septembre.
Pour inciter les spectateurs à aller voir Guest of Honour, le cinéaste commente :
Comment accéder à des parties cruciales de l’histoire personnelle lorsque les personnes qui détiennent les histoires ne sont plus présentes ? Je suis devenu obsédé par un père et une fille qui se comportent bizarrement pour des raisons qu’aucun d’eux ne peut comprendre. Il y a des versions de leur propre passé qui se disputent l’attention. Ils utilisent divers objets pour signaler des choses dont aucun d’eux ne peut parler. Dans beaucoup de mes films, la technologie joue un rôle crucial dans ce lieu de rituels oubliés et de sacrifices mal placés. Je suis fasciné par la complexité de la manière dont la vérité est finalement révélée. Il y a des choses qu’un parent peut raconter à un enfant, et les histoires sont cachées jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Firouz E. Pillet, Venise
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