Mostra 2025 – Fuori concorso : le documentaire Ghost Elephants, de Werner Herzog, propose un voyage au cœur des cimes angolaises, à la recherche d’éléphants légendaires

Le titre du dernier film du cinéaste allemand, lauréat du Lion d’or 2025 pour l’ensemble de sa carrière, ne se contente pas de partir à la recherche de pachydermes mythiques dont tout le monde parle sans jamais les avoir vus, mais plonge dans l’histoire de l’humanité.

Comme à l’accoutumée dans sa carrière prolifique et multiforme, Werner Herzog fait preuve d’une curiosité juvénile et affiche une énergie qui démentent ses quatre-vingt-deux printemps. Le cinéaste empoigne sa caméra comme un bâton de pèlerin, parcourant la planète toujours à l’affût de nouvelles images, racontant des histoires inédites et insolites pour saisir l’humanité et révéler des vérités plus profondes que celles qui apparaissent en surface.

À l’instar de la quête mythique de Moby Dick, le film se concentre sur la relation d’un homme avec la nature sauvage. Steve Boyes est un chercheur et ornithologue sud-africain, un Indiana Jones des temps modernes, coiffé d’un chapeau à larges bords, qui recherche depuis dix ans un mystérieux troupeau d’éléphants gigantesques sur le plateau angolais, un lieu inhabité grand comme l’Angleterre, surnommé « La Source de Vie » par les habitants et où la plupart des grands fleuves africains ont leur source. Lorsque Werner Herzog présente pour la première fois le Dr Steve Boyes dans le film, le biologiste, entomologiste et explorateur est plongé dans une contemplation extatique d’Henry, un éléphant gigantesque, le plus grand animal terrestre jamais recensé, tué lors d’une chasse dans les années 1950 et fidèlement reconstitué en taille et en forme dans une salle du Smithsonian Museum de Washington, où ses restes sont conservés. Il s’agit de la rencontre entre les « protagonistes » du film qui va sceller le début de cette aventure qui permettra à de nombreux spécialistes d’horizons divers de se rencontrer et de se réunir pour partir à la recherche des descendants d’Henry et se plonger également dans le bassin originel de l’humanité. À tel point que toute l’expédition montée par Boyes pour traquer ces « éléphants fantômes » dans les hautes terres angolaises pourrait ressembler à une comédie déjantée du type Indiana Jones ou Crocodile Dundee, par exemple quand toute l’équipée porte sur leurs épaules leurs motos pour traverser des cours d’eau.

Herzog recourt abondamment à l’humour malgré tout le sérieux de l’enquête qui relève des sciences forensiques comme il s’amuse à le répéter. Il livre une galerie de portraits insolites réunis par une mission tout aussi pittoresque offrant un mélange éblouissant de personnages et de situations improbables, poussés à l’extrême, taillé sur mesure autour de l’aura mythologique d’un cinéma documentaire singulier. Malgré l’humour omniprésent tout au long du film, le label National Geographic vient ici certifier le « sérieux » de l’opération.

D’une certaine manière, Ghost Elephants ne fait que confirmer le talent incontestable du documentariste qui lui vaut ce fameux prix pour l’ensemble de sa carrière, amplement mérité.

Le film navigue entre anthropologie, paléontologie et zoologie. Boyes fait appel à une équipe d’experts scientifiques et de chasseurs locaux (avec la bénédiction du « roi », l’autorité tribale de la région), seuls capables d’identifier les traces de ces éléphants mythiques. Un périple passionnant dont le cinéaste dit :

Après avoir rencontré Steve Boyes, un projet inattendu, qui ressemblait à la chasse à Moby Dick, la baleine blanche, s’est imposé à moi avec une grande urgence. Comme beaucoup de mes films, celui-ci est une exploration du rêve, de l’imagination, confrontée à la réalité. Ce film m’a emmené dans ce que les tribus locales appellent le Pays du Bout du Monde.

Firouz E. Pillet, Venise

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