« On the Basis of Sex » ou « Une femme d’exception », selon le pays mais un chapitre de la vie de Ruth Bader Ginsburg juge à la Cour Suprême des USA dans son combat pour la justice sort sur les écrans suisses
Jeune avocate idéaliste, Ruth Bader Ginsburg (Felicity Jones) fait équipe avec son mari Marty (Armie Hammer) pour mettre fin à un siècle de discrimination à l’encontre des femmes. Elle se battra devant la Cour d’appel, puis ira jusqu’à la Cour suprême …
L’histoire, signée Daniel Stiepleman, a été sauvée de la Black List 2014, la liste des scénarios américains qu’aucun producteur n’a voulu financer. Des années après, le film revient sur le devant de la scène grâce à la direction de Mimi Leder. Le film, qui présente une facture très classique tant dans la mise en scène que dans le montage, semble un candidat parfait pour représenter les États-Unis dans la course aux Oscars.
Dès le générique, le spectateur est avisé du film qui commence devant ses yeux, un film « inspiré d’une histoire vraie ». On sait les studios nord-américains férus de biopics mais On the Basis of Sex ou Une femme d’exception n’est pas un biopic à proprement parler mais plutôt la fresque assez captivante d’un chapitre de la vie de de Ruth Bader Ginsburg juge à la Cour Suprême des USA.
Le film s’ouvre sur l’allure décidée d’une jeune femme qui gravit, frondeuse, les marches d’escaliers d’une université, au milieu d’une foule de jeunes hommes en complet-cravate …. Seules quelques rares silhouettes féminines se dessinent au milieu de cette foule masculine. À l’automne 1956, Ginsburg intègre l’École de droit de Harvard. Elle est l’une des neufs femmes dans une promotion comptant plus de cinq cents hommes. Lors d’un repas patronné par le doyen de l’École de Droit, ce dernier aurait demandé aux jeunes femmes – dont Ginsburg – “Comment justifiez-vous de prendre la place d’un homme compétent ? ». Cette scène est représentative de l’oppression que subissent les étudiantes devant des institutions obsolètes aux principes poussiéreux et imprégnés d’un atavisme patriarcal séculaire. D’où le titre anglophone du film : On the Basis of Sex. Mais plus que de sexe – masculin ou féminin – il s’agit de « tenders », de genres ou du combat de la parité, tant institutionnelle, éducative, professionnelle et de justice – entre les genres. En ce sens, le film de Mimi Leder qui fait la part belle aux multiples combat menés par Ruth Bader Ginsburg, des combats gagnés, a une résonance toute actuelle. D’où le titre francophone : Une femme d’exception, une femme de droit qui s’illustrera tout au long de sa carrières estudiantine et de sa carrière professionnelle.
Le titre anglophone souligne un combat juridique de Ruth alors que le titre francophone souligne sa personnalité et sa force de caractère, vaillante infatigable face à l’immobilisme sociétal qu’impose les patriarches qui siègent au sommet des institutions .
Même si les studios américains excellent dans le genre « film de procès », On the Basis of Sex n’appartient pas à ce genre au sens classique du terme même si le film se termine sur un procès mémorable, le premier procès où Ruth Bader Ginsburg a plaidé et défendu le droit à la parité alors que l’accusé, en l’occurrence la personne lésée, est un homme. En effet, La jeune avocate va faire son baptême du feu dans la cour d’assise, face à des juges confortés dans l’application du droit inchangé depuis le XIXème siècle, en recourant aux paradoxes et aux incohérences intrinsèques pour défendre son client comme sa propre cause. Ainsi, le film de Mimi Leder rend un bel hommage à la juge en soulignant combien ses combats ont permis aux mentalités d’évoluer et à la législation – ici, le droit fiscal – d’être modernisée.
Le film suit un schéma très classique dans le genre mais relate les embûches surmontées, les réflexions déplacées qu’essuie la jeune Ruth, les combats menés pour une cause malheureusement encore actuelle vu l’avalanche de discriminations et d’inégalités de traitement selon le genre. Comme le démontre avec subtilité ce film, les inégalités de traitement selon le genre se nichent dans tous les recoins du code législatif, reprenant des concepts liés au droit « naturel » à une perception patriarcale et divine de la famille, du travail, des rôles respectifs. La jeune avocate va se servir d’une cause paradoxale pour défendre la sienne et faire entrer un coin qui va fendre tout du long certaines conceptions juridiques.
Firouz E. Pillet
Sortie en Suisse: le 2 janvier 2019
© j:mag Tous droits réservés