One Life, de James Hawes, révèle une histoire vraie et bouleversante, incarnée magistralement par Anthony Hopkins
Livrant le portrait empli d’humanité de Nicholas Winton, un homme discret et inspirant qui a sauvé des centaines d’enfants juifs d’une mort certaine à la fin des années trente, le dernier film du réalisateur britannique offre un hommage bienvenu à un héros de temps modernes.
À Prague, en 1938, alors que la ville est sur le point de tomber aux mains des nazis, un banquier londonien, Nicholas Winton (âgé interprété par Anthony Hopkins, jeune par Johnny Flynn), va tout mettre en œuvre pour sauver des centaines d’enfants promis à une mort certaine dans les camps de concentration. Au péril de sa vie, soutenu par sa mère Babi Winton (Helena Bonham Carter), Nicholas Winton va organiser des convois vers l’Angleterre, où 669 enfants juifs trouveront refuge. Cette histoire vraie, restée méconnue pendant des décennies, est dévoilée au monde entier lorsqu’en 1988, une émission britannique invite Nicholas à témoigner. Celui-ci ne se doute pas que dans le public se trouvent les enfants – désormais adultes – qui ont survécu grâce à lui…
De nos jours, à l’approche de son quatre-vingtième anniversaire, la caméra de James Hawes dévoile Nicholas, houspillé par sa femme Greta (Lena Olin), excédée à raison et qui le pousse à mettre de l’ordre dans le capharnaüm d’objets, d’affaires et de papiers qui encombrent la maison, en particulier dans son bureau. Nicholas tombe sur une sacoche en cuir et se souvient. Pensif, le vieil homme se replonge soudain dans un passé glorieux, mais atrocement douloureux. Avec One Life, le réalisateur élabore une gravure délicate, procédant par touches successives, établissant lentement le caractère modeste de Nicholas Winton en tant qu’homme plus jeune et plus âgé, oscillant entre passé et présent, entre son action héroïque à Prague, mais exécutée avec humilité, et ses souvenirs qui l’assaillent presque soixante ans plus tard.
Au fil des séquences passées et contemporaines, James Hawes livre un portrait profondément émouvant de la vraie bonté humaine. Au commencement du film, le récit plonge le public dans le Prague de 1938, une ville au bord du précipice, sur le point d’être engloutie par la voracité expansionniste du régime nazi. On se dit que l’on va encore voir un énième film sur la Guerre 39-45. Mais rapidement, au cœur de ce récit, se trouve Nicholas Winton, un banquier londonien qui, a priori, ne se destine pas à œuvrer de manière caritative, encore moins humanitaire. C’est à ce moment que, malgré le style de narration plutôt conventionnel, le sujet révèle un chapitre méconnu, extraordinaire et profondément émouvant, renforcé par la performance complexe et déchirante d’Anthony Hopkins. Rappelant que la bienveillance est intemporelle et qu’elle va souvent de pair avec la modestie, One Life contient plusieurs scènes d’intense émotion, mise en relief par l’excellent jeu des comédiens, tout particulièrement par l’interprétation subtile et sensible d’Anthony Hopkins qui nous offre ici une de ses meilleures prestations.
Au fil du récit, le film assied son efficacité de récit émouvant, souvent éprouvant, qui prend aux tripes le public sans jamais sombrer dans un sentimentalisme facile.
Par sa forme, One Life s’inscrit dans la veine des biopics britanniques typiques, dans une mise en forme qui fleure quelque peu une atmosphère surannée, mais qui est indubitablement rehaussée par de solides performances et par une histoire importante et largement oubliée. Le succès va certainement résider dans l’information historique exceptionnelle qu’il fournit sans sentimentalité excessive et qui mérite d’être connue comme l’était action d’Oskar Schindler, révélée par La liste de Scondler (1993), de Steven Spielberg, film inspiré du roman éponyme de Thomas Keneally.
En se concentrant sur le point de vue de son sujet, Nicholas Winton, et sur ce qui anime son action, James Hawes parvient à restituer cette histoire vitale qui semble toujours d’actualité par ses résonances avec notre ère. Si d’aucuns pourront reprocher au récit ses va-et-vient chronologiques, l’approche stylistique simple permet à l’histoire émouvante et à son sujet remarquable de briller de manière efficace.
À la sortie de la projection, on se sent tellement petit face à des hommes et des femmes capables de telles actions, d’autant plus que ces personnes héroïques n’en parleront pas pendant la majeure partie de leur vie, qui resteront humbles et qui ne se rendront pas compte de ce qu’ils ont accompli en minimisant leurs rôles. Il est impossible de ne pas être ému aux larmes au moment où le vénérable octogénaire Winton est confronté à l’énormité de ce qu’il a accompli.
À raison, celui que la presse britannique a surnommé le Schindler britannique a sauvé 669 vies, ce qui a donné jusqu’à présent environ 6 000 descendants, comme le souligne le film de James Hawes. À une époque où l’ombre de la guerre menaçait de recouvrir l’Europe, une lueur d’espoir brillait encore dans les ténèbres grâce à des actes de bravoure inimaginables et souvent accomplis en toute discrétion. Dans le climat actuel, cette histoire sur la force et les risques que prennent les héros du quotidien doit être racontée.
Firouz E. Pillet
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