Présenté en compétition au Festival de Cannes 2021, Les Olympiades, dernier film de Jacques Audiard, marque un changement de cap dans la filmographie du cinéaste, plongeant les spectateurs au cœur du quartier des Olympiades, dans le XIIIᵉ arrondissement
Jacques Audiard nous a habitués à des films sombres et opte avec Les Olympiades pour un ton plus léger dans cette comédie romantique.
Le XIIIᵉ arrondissement de Paris abrite un melting pot social et ethnique et Jacques Audiard a su représenter cette dimension bigarrée avec brio. Les spectateurs rencontrent tout d’abord Emilie (Lucie Zhang), une jeune femme d’origine taïwanaise qui est diplômée de Sciences Politiques mais n’a trouvé qu’un emploi de démarcheuse téléphonique. Emilie passe une annonce pour trouver une colocataire rencontre Camille (Makita Samba), un enseignant au lycée et doctorants en Lettres. Les colocataires se découvrent des affinités, en particulier sexuelles. Mais Camille affirme ne pas avoir de sentiments pour Emilie qui lui avoue être tombée amoureuse. Camille déménage et décide de faire une pause dans ses études pour travailler dans l’agence immobilière d’un ami. N’y connaissant rien, il recrute une jeune femme, Nora dotant il est rapidement attiré. Mais Nora semble avoir quelques problèmes à régler, ce qu’elle fera par le biais de sa rencontre avec Amber Sweet. À l’instar d’un vaudeville contemporain, ces trois filles et ce garçon sont amis, parfois amants, souvent les deux.
Les Olympiades s’inspirent de trois nouvelles graphiques de l’auteur américain Adrian Tomine : Amber Sweet, Killing and Dying et Hawaiian Getaway. Cette adaptation a été écrite à six mains par Jacques Audiard, Léa Mysius et Céline Sciamma; le scénario raconte tendrement le parcours de quatre jeunes personnes au sein même du quartier des Olympiades. L’influence de ses comparses, en particulier de Céline Sciamma, se ressent sur l’écriture de Jacques Audiard qui dépeint avec finesse et délicatesse les tergiversations amoureuses de ces quatre protagonistes. Comme le font Louis Garrel, Pedro Almodóva, Cédric Klapisch ou Christophe Honoré, Jacques Audiard s’épanouit dans un cinéma sentimental où les passions s’enflamment, se déchaînent, entre effusions dévorantes, hésitations, provocations et tourments … Et la révélation d’un désir et d’un amour lesbiens jusqu’alors ignorés.
Jacques Audiard a, de toute évidence, délaissé la violence et la situation ardue des Sri Lankais, émigrés en France de Dheepan, pour opter pour un tout autre registre qui lui sied à ravir.
Au fil du récit, ces couples se font et se défont, se séduisent puis se blessent, mais le dénominateur commun de chaque rencontre trouve son socle dans le sexe qui tient un rôle fondamental, que ce soit le besoin insatiable de rapports ou, au contraire, la peur du sexe, selon les personnes. Voulant se prouver à soi-même ou prouver à autrui que le sexe prime sur les sentiments, Camille affirme cumuler les relations sans lendemain sans jamais éprouver de sentiments alors qu’Emilie, inscrite sur les réseaux sociaux, prétend n’y être que pour la baise. Si les relaxions entre Emilie et Camille, puis Camille et Nora (Noémie Merlant) semblent uniquement sexuelles, la relation que Nora tisse progressivement, au fil des confidences, avec Amber (Jehnny Beth), une actrice pornographique, parait d’emblée plus sensuelle que sexuelle. Ces rencontres sont enrobées par la bande originale aux sonorités électroniques urbaines qui symbolise cet univers moderne, une bande originale signée Rone (Erwan Castex), récemment césarisé pour La nuit venue. Pour la seconde fois, Jacques Audiard délaisse Alexandre Desplat après Nicolas Jaar sur Dheepan (2015).
Le dernier film de Jacques Audiard se révèle un hymne à l’amour, soumis aux aléas de la vie et aux cheminements asynchrones qui finiront de tout même par se croiser. Dans ces valses hésitations, les corps se séduisent, s’enlacent, se délassent pour mieux se retrouver. Bénéficiant d’un montage époustouflant, mis en valeur par le choix esthétique du noir et blanc qui exaltent les protagonistes. Magnifiquement incarnés par de talentueux comédiens, confirmés pour Noémie Merlant (vue récemment dans A good man, de Marie-Castille Mention-Schaar, et très remarquée dans Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma, 2019) et Jehnny Beth (Un amour impossible, de Caterine Corsini, 2018) , découverts pour Lucie Zhang et Makita Samba (talents à suivre !).
Avec Les Olympiades, Jacques Audiard surprend, étonne, envoûte, entraînant son public dans « une valse à deux temps, une valse à trois temps », dans les méandres insondables des amours contrariés, des désirs inavouables et inavoués et de la confusion des sentiments. Jacques Audiard retrouve la fougue de sa jeunesse, peut-être grâce à celle de ses protagonistes et réussit à surprendre les spectateurs par ce changement de cap séduisant. Il apporte une touche d’optimisme à ce portrait d’une jeunesse souvent décriée mas qui garde le cap malgré les menaces inhérentes à son époque.
À voir sans modération !
Firouz E. Pillet
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