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Radical, de Christopher Zalla, souligne l’importance de la transmission et de l’éducation comme bouée de sauvetage et planche de salut

Le réalisateur et scénariste new-yorkais d’origine kenyane réussit avec brio l’adaptation de la véritable histoire du perfectionnement scolaire exceptionnel des élèves d’une école mexicaine grâce aux méthodes non conventionnelles d’un professeur.

Radical de Christopher Zalla
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Un.e enseignant.e qui sort des sentiers battus du programme scolaire pour susciter intérêt, curiosité, soif de savoir et émulation auprès de ses élèves, cela vous rappelle bien évidemment quelque chose. On songe immédiatement au Cercle des poètes disparus (1989), de Peter Weir et porté par excellent Robin Williams. Plus récemment, on se souvient de Écrire pour exister (2007) de Richard LaGravenese, ou encore de Envers et contre tous (1988), de Ramón Menéndez, qui suit un professeur de mathématiques dans une école d’un quartier hispanique et qui, convaincu du potentiel de ses élèves, adopte des méthodes non conventionnelles afin d’aider les membres de gang à devenir les meilleurs élèves. Les similitudes avec Radical apparaissent : la passion de transmettre le savoir et la pugnacité d’un professeur, le contexte défavorisé de ses élèves dont certains sont « embauchés » contre leur gré par les gangs de la région. Mais la comparaison s’arrête là, car Radical est basé sur des faits bien réels. Le film de Christopher Zalla raconte une histoire poignante et inspirante d’un enseignant qui choisit une approche radicale pour éveiller d’enthousiasme des élèves désabusés par les apprentissages par cœur.

La source d’inspiration pour ce scénario est l’arrivée, en 2011, d’un nouvel éducateur, Sergio Juárez Correa (Eugenio Derbez) qui prend la relève à l’école primaire José Urbina López à Matamoros, une école négligée par les autorités dans cette ville frontalière juste en face de Brownsville, au Texas. Plus précisément, le film est basé sur un article de journal de 2012 sur Paloma Noyola, une des élèves de Juárez, dotée de compétences en mathématiques impressionnantes et d’une grande curiosité pour l’astronomie. Paloma rêve de devenir ingénieure aérospatiale et plus tard astronaute, mais, dans un environnement oppressant en proie à la violence des cartels de la drogue, la priorité n’est pas mise sur l’éducation et les élèves de l’école obtiennent des résultats scolaires parmi les pires de tout le Mexique.

Quand il arrive dans l’établissement, Sergio Juárez Correa constate l’immensité de la mission à accomplir mais ne baisse pas les bras, animé par la flamme de la transmission. Au fil des scènes, le professeur mexicain se heurte à la routine bien établie par les professeurs qui souhaitent rester dans leur zone de confort au détriment des élèves. D’abord rappelé à l’ordre par le directeur de l’école, Chucho (le merveilleux Daniel Haddad), sur ses gardes et moins énergique, car surveillé par les autorités, le professeur va progressivement s’en faire un allié et réussir à transformer cette école abandonnée grâce à ses méthodes pédagogiques. Il faut souligner la remarquable performance d’Eugenio Derbez dans le rôle de Sergio, certainement son rôle le plus difficile à ce jour, à la fois comique et dramatique, et qui démontre sa polyvalence et sa palette de jeux en tant qu’acteur au-delà de la comédie, genre dans lequel il est souvent cantonné.

Au fil du récit, mis en valeur par la photographie naturelle de Mateo Londono, on garde présent à l’esprit la véracité de cette histoire qui apparaît encore plus édifiante et qui offre une piqûre de rappel en soulignant l’importance de l’éducation. Mettant en lumière combien l’inspiration peut être trouvée de manière peu orthodoxe, Radical bénéficie de performances très convaincantes qui rehaussent ce drame qui nous amène à penser constamment aux personnes réelles qui l’ont inspiré. Il faut souligner la qualité de l’interprétation des enfants acteurs non professionnels.

Radical interroge ici l’indifférence de la société en matière d’éducation, mais le film pointe surtout la situation des enseignants dans certaines régions du monde. Certains sont conformistes, paresseux et ne sortent pas de leurs méthodes inlassablement répétées, sans aucune remise en question.

Le film de Christopher Zalla soulève de multiples questions sur la transmission du savoir, incitant le public à réfléchir sur le potentiel que chaque personne porte en elle et sur l’importance de le découvrir et de le cultiver. Adoptant une approche humaniste, il se concentre sur l’élimination des stéréotypes et évite savamment de sombrer le sentimentalisme, voire le pathos, alors que le contexte aurait pu s’y prêter.

Bien que l’histoire de Paloma soit née de ses capacités exceptionnelles en mathématiques et du fait qu’à un moment donné, elle a indiqué à son professeur Sergio qu’elle allait être supérieure à Steve Jobs, la jeune femme âgée aujourd’hui de vingt-et-un ans a décidé de se tourner vers le droit et souhaite se spécialiser dans le domaine civil, une vocation qui semble couler de source vu le contexte extrême violent dans lequel elle a grandi !

Les mélomanes apprécieront la chanson que l’on entend durant le générique de fin, El saber (Le savoir) qui est signée Gaby Moreno, auteure-compositrice-interprète et guitariste guatémaltèque, lauréate d’un Grammy.

Radical a remporté tous les suffrages des Journalistes cinématographiques du Mexique (PECIME), qui récompensent chaque année les moments forts de l’industrie cinématographique mexicaine et qui ont permis au film de remporter les prix du meilleur film, de la meilleure réalisation décerné à Christopher Zella, du meilleur acteur à Eugenio Derbez, du meilleur co-acteur masculin à Daniel Haddad, du nouveau venu masculin, de la révélation masculine à Danilo Guardiola, et de la meilleure photographie à Mateo Londono.

Après avoir parcouru de nombreux festivals et avoir remporté le Biznaga de Oro du meilleur film ibéro-américain au Festival de Malaga, Radical sort sur nos écrans.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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