Retour sur les bancs d’école – et dans le préau – avec Parents d’élèves de Noémie Saglio
Vincent (Vincent Dedienne), trentenaire sans enfant, vit de petits boulots, en particulier la garde d’animaux de compagnie durant les vacances de leurs propriétaires. Habitué à converser avec une perruche, un hamster qui passe ses journées à courir dans une roue ou une chatte blottie en boule en clignant des yeux à chaque question de son compagnon humain, Vincent infiltre une tribu aux codes et au langage mystérieux : les parents d’élèves. Se retrouver aux réunions parents-enseignant, aux sorties d’école avec le goûter à la main et à la kermesse de fin d’année relève d’un sacré exploit ! Mais voilà, Vincent a une très bonne raison d’être là et finit même par se sentir bien dans cette communauté un peu spéciale.
Parents d’élèves, réalisé par Noémie Saglio – à qui l’on doit les séries Connasse et Plan coeur mais aussi les films Toute première fois et Telle mère, telle fille, signe une nouvelle comédie, un genre qu’elle affectionne et y brosse les portraits de personnages anticonformistes. Un leitmotiv dans ses réalisation est la prédominance de personnages souvent compliqués, empêtrés dans un malaise, dans un méli-mélo de faux-semblants ou de questionnements existentiels intenses. Ces personnages au relief rugueux, emplis d’aspérités et de contradictions permettent à Noémie Saglio de les rendre plus attachants.
Ainsi apparaît Vincent, toujours prêt à se rendre utiles sans s’insérer dans le moule de la société en optant pour un métier à part entière. Vincent porte un regard bienveillant sur la nature et les animaux. La cinéaste décrit ainsi son personnage principal :
« Dans Parents d’élèves, je souhaitais faire de Vincent un type génial, mais qui se pose tellement de questions qu’il est à l’arrêt. J’avais envie de suggérer qu’il est partisan de la décroissance, qu’il a peur de rentrer dans le système et qu’il y a donc peu de métiers qu’il peut exercer. »
Le scénario de Parents d’élèves a été écrit par la productrice du film, Alice Girard, Marinette Lévy et Mathias Gavarry qui ont cherché à faire en sorte que Vincent Dedienne ne fasse trop ado attardé (un type de personnage très répandu au cinéma). Cependant, Vincent semble très immature, ce qui le rend sympathique. Suite à un quiproquo autour d’une fausse paternité, Vincent s’amuse de cette situation puis y trouve un intérêt à donner le change.
La question de la famille est récurrente dans les comédies de Noémie Saglio et Parents d’élèves ne déroge pas à la règle. En effet, cette comédie aborde diverses facettes de la parentalité dans la société contemporaine – il est question de famille monoparentale, de PMA, de couple homoparental – et Vincent s’insère dans ces schémas en tant que père par procuration ou père de substitution. Malgré son apparente immaturité et son côté désinvolte, ses nouvelles responsabilités – qui le dépassent souvent – vont faire naître une force en lui en l’ancrant de plus en plus dans une réalité qu’il ne soupçonnait.
Enrobés dans le moule de la comédie, de nombreux sujets familiaux abordés dans ce film sont complexes et épineux. Cependant, l’idée qui domine l’histoire est que l’on peut choisir sa vie et l’assumer, et que l’on peut transcender les liens du sang et aimer quelqu’un comme un membre de sa famille.
Face à Vincent Dedenne, le petit garçon dont il doit s’occuper, Bart (Oscar Pauleau), suscite tant la tendresse que l’admiration, se montrant souvent plus mûr que son baby-sitter. La vingtaine d’enfants, élèves dans la même classe que Bart, ont été assisté par un coach mais le manière de « jouer » est authentique; on se demande si ces enfants jouent ou si ils déambulent naturellement devant la caméra tant leurs attitudes sont spontanées et respirent les situations bien réelles de la vie quotidiennes.
Sans défigurer la l’histoire, avouons qu’il y a de la romance dans l’air grâce à la fraîcheur et le joli minis de l’enseignenante, Nora Porte (Camélia Jordana), le tout sur une musique pop et joyeuse signée les Low (Alexandre Lier, Nicolas Weil et Sylvain Ohrel, tous trois amis d’enfance). Très connue comme chanteuse, mais révélée comme comédienne via Le Brio avec Daniel Auteuil, Camélia Jordana incarne avec aisance et spontanéité cette institutrice un peu rock, drôle et déconcertante. Pour les spectateurs qui connaissent la Ville-Lumière, ils reconnaîtront le 12e arrondissement de Paris qui offre une vie de quartier et des décors très regroupés dans l’espace pour l’intrigue du film. A part une course d’école sous forme de jeu de pistes dans une forêt, le film se déroule entièrement en milieu urbain. Camélia Jordana – qui a conservé ses tatouages intacts pour le tournage, sa voix qui porte, son franc-parler, sa malice – donne quelques aspérités et nuances à son personnage, avec ses courbes généreuses, sa silhouette plantureuse et sensuelle qui contraste avec les personnages féminins doux, mignons, effacés, comme on en voit (trop) souvent dans les comédies romantiques.
Parmi les acteurs qui interprètent des parents d’élèves, citons Samir Guesmi – qui joue un père autoritaire et machiste à outrance -, Anne Charrier, Emmanuelle Bougerol, Emilie Gavois-Kahn, entre autres. Chaque personnage, même le plus discret, apporte sa diversité, et vient compléter cette fresque de la mosaïque humaine en terre inconnue voire oubliée pour d’aucun : l’école et ses codes.
Pari réussi pour la cinéaste qui un offre un magnifique rôle à Vincent Dedienne tout en sachant contenir les élans du comédien afin qu’il n’en fasse pas trop. Parents d’éluves permet à tout à chacun de s’identifier à certains personnages et de se laisser porter par les péripéties qu’ils vivent.
Le mot de la fin à Noémie Saglio :
Je ne voulais pas non plus un comédien au physique de mannequin Instagram, surtout pas. La comédie romantique, pour moi, doit aussi être représentative de la vie ordinaire. Vincent, outre le fait qu’il est un excellent acteur, a aussi un capital sympathie très fort. Il est immédiatement attachant.
Firouz E. Pillet
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