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Sous la peau, de Robin Harsch, suit la transformation de trois adolescents et sonde les questions de genres

[Edit: la critique a été publiée le 12 mars 2020 mais le film a vu sa sortie interrompue pour cause de crise sanitaire. Sous la peau ressort dans les salles romandes le 21 octobre 2020 et quelques projections ont lieu en présence de l’équipe du film

À l’affiche à partir du 21 octobre au: Bio Genève, Zinema Lausanne, ABC La Chaux-de-Fonds,
Cinéma Minimum Neuchâtel, Cinéma d’Oron, Fribourg

Les prochaines dates en présence de Robin Harsch (et d’invités):
– Lundi 12 octobre, 20h30, Cinémas Capitole NYON
– Jeudi 15 octobre, 20h30, Cinéma Bio GENÈVE
avec Effie Alexandra, modération Sylvie Cachin
dans le cadre du Geneva International Queer Film Festival, Everybody’s Perfect.
– Mercredi 21 octobre, 20h, Cinéma ABC LA CHAUX-DE-FONDS
avec Cécile Guinand (togayther), Ari (lesbienne et genderqueer)
– Jeudi 22 Octobre au Cinéma Minimum, NEUCHÂTEL
Avec le Collectif Sui Generis
– Dimanche 25 octobre, 18h, Cinéma d’ORON

Nous republions à cet effet la critique]

Le documentaire Sous la peau, de Robin Harsch, commence avec la voix off du cinéaste suisse qui filme ses deux fils, en bas âge, et se questionne :

« Si mon fils un jour m’avouait qu’il aimerait changer de sexe, je pense que le sol s’effondrerait sous mes pieds. Ce qui me sauverait peut-être serait de le comprendre un peu. Mais comment ? Pendant deux ans, j’ai suivi trois  jeunes Trans* avancer sur ce champ de bataille où s’affrontent questions de genre, et surtout, d’identité. »

Robin Harsch nous invite à le suivre sur le chemin de l’observation respectueuse et délicate de trois jeunes adolescents trans sur la transition difficile, douloureuse, longue, souvent trop longue par rapport aux attentes des jeunes qui attendent depuis toujours et espèrent leur nouvelle identité.

Sous la peau de Robin Harsch
Image courtoisie Alva Film

Ce cheminement et cette transformation engendrent un profond bouleversement tant chez eux que leurs proches, ainsi que la quête de l’identité enfouie au plus profond d’eux-mêmes.

Effie Alexandra, protagoniste, né homme au Panama dans une société conservatrice et machiste où le changement de genre est impensable, et qui s’est toujours sentie femme au plus profond de son être, a choisi de venir faire ses études en Suisse, sachant que sa requête de changer de genre pourrait y aboutir.

Au cours du documentaire, à mesure que l’on rencontre ces trois adolescents et leurs proches, on comprend que les nuances sont bien plus nombreuses que les carcans dans lesquels on case les personnes. Comme le souligne judicieusement Effie Alexandra :

“Aujourd’hui on parle de LGBTI, mais il existe plus de lettres! Il n’y a pas, dans l’alphabet, suffisamment de lettres pour décrire toutes les différences de l’humanité.”

Sous la peau parle avant tout d’une rencontre : la rencontre entre le cinéaste et ses interviewés, la rencontre entre ces trois adolescents et leurs proches, la rencontre entre la personne qui est née dans un corps qui ne lui correspond pas et la nouvelle personne en devenir qui est celle qui lui a toujours correspondu.

Tel un sociologue et un anthropologue, Robin Harsch analyse les réactions des proches des personnes trans, scrute leurs doutes et leurs émotions, voire leurs doutes, des doutes toujours liés à la réaction d’autrui et non à leur changement d’identité. Le réalisateur se confie sur son travail et sa démarche  :

« Pendant deux ans, j’ai suivi trois jeunes Trans* avancer sur ce champ de bataille où s’affrontent questions de genre, et surtout, d’identité. Le film a été traité de sorte à ce que chacun puisse se mettre à la place de celui qui rencontrait Logan, Söan et Effie Alexandra. J’ai mis de côté toute mon éducation et ma culture binaire, bien aidé par l’authenticité de ces jeunes et de leurs parents. »

A travers ces diverses rencontres, on reçoit une grande leçon d’humanité à l’instar de la maman de Söan qui a toujours soutenu son enfant du début à la fin de sa transformation:

« Ce qui reste c’est l’enfant. Fille, garçon, l’enfant. Il n’y a pas de “il” ou de “elle. »

Dans la Cité du bout du lac, Le Refuge Genève, fondé le 31 mars 2015, est une structure de l’association suisse Dialogai, dont l’objectif est de venir en aide aux jeunes LGBTIQ de diverses manières. On retrouve nos protagonistes qui se rendent souvent au Refuge, quotidiennement pour Effie Alexandra, aller au Refuge pour y rencontrer les responsables dont la coordinatrice :

«Imaginez que vous rentriez le soir, après une journée de travail, chez vous. Votre ado de quatorze ans est parti trois jours en camp, vous allez pouvoir vous reposer. En arrivant, vous remarquez sur la table du salon deux prospectus. L’un évoque la transidentité, l’autre parle du Refuge, un lieu d’accueil à Genève pour les jeunes LGBT en détresse. Sur ce prospectus-là, vous reconnaissez l’écriture de votre fille qui vous demande d’appeler ce numéro au plus vite. Votre monde s’écroule, votre fille, qui bientôt sera votre fils, va subir une métamorphose radicale, et le Refuge tentera de vous accompagner tout au long de ce parcours difficile. »

Le Refuge Genève apporte différentes aides adaptées aux problèmes rencontrés par les jeunes LGBTIQ et héberge des LBGTIQ de dix-huit à vingt-cinq ans qui se retrouvent sans logement suite à la rupture avec leur milieu familial à cause de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. Le Refuge s’occupe de ces réfugiés LGBTIQ comme Effie Alexandra. Le Refuge Genève aide les jeunes LGBTIQ qui ont des problèmes dans le cadre familial et scolaire, rencontre les parents et proches, les collègues de classe comme pour Logan dans sa nouvelle école le jour de la rentrée, prodigue aussi des conseils et des informations sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle. Le Refuge Genève propose un service de médiation familiale entre un jeune LBTIQ et son milieu familial. Une aide est aussi offerte aux jeunes souffrant de dépression et ayant des envies suicidaires.

Söan souligne combien le regard de la société est lourde à supporter, en particulier durant la période de transition :

« Dès que j’arrivais, ils me disaient  : “T’es un garçon ou t’es une fille ?”  Que ça, tout le temps… Du coup, il y a un moment où j’ai basculé à l’opposé. Je me maquillais, j’avais un sac à main… Ce que je ne ferais plus jamais de ma vie aujourd’hui… »

Quand une réunion avec les divers enseignants de Logan, une coordinatrice du refuge et Logan est organisée, chaque enseignant s’exprime face à la situation mais des questions a priori anodines mais fondamentales sont posées :

« Et au niveau de la note, quel barème on applique? Comme les garçons, comme les filles? Entre-deux? Il faut que ça soit clair vis à vis de ses collègues ! »

souligne le professeur de gymnastique de Logan.

Un triangle est né. Ce film raconte la transition de trois adolescents trans, mais parle aussi du bouleversement abyssal qu’elle va engendrer et de la quête de l’identité enfouie au plus profond de chacun d’entre eux et le long travail d’acceptation des parents, souvent en proie à un terrible séisme dans un premier temps, et qui peinent, pour certains, à accepter le changement d’identité de leur enfant comme c’est le cas pour le père de Söan qui continue à l’appeler Aurélie et à parler au féminin. La maman, peut-être parce quelle a porté cet enfant au sexe encore indéterminé in utero,  peine moins à accepter le changement d’identité de son enfant qu’elle vit comme une renaissance.

Comme le rappelle Robin Harsch, comprendre que son identité sexuelle d’origine est en décalage avec le genre que l’on renvoie ne se fait pas sans heurts. Des études internationales nous disent que plus de septante pour cent des jeunes trans ont ou ont eu des idées suicidaires, un sur trois passe à l’acte et fait une tentative de suicide. Des structures comme Le Refuge à Genève accompagnent les jeunes trans* et leur entourage. La fédération genevoise des associations LGBT propose également des interventions en classe.

Effie Alexandra en est la démonstration la plus probante quand elle se réveille à l’hôpital après une implantation de prothèse mammaire. Déjà très féminine, cheveux lissés, yeux maquillés et oreilles perçées, ce nouvel attribut de sa féminité en devenir l’affirme dans sa nouvel identité. On comprend sa décention quand le chirurgien lui indique qu’elle devra patienter jusqu’au printemps pour l’opération définitive qui fera d’elle une femme. Au réveil, Effie Alexandra manifeste son émotion : « Je suis enfin la personne que j’ai toujours été au fond de moi. » Tel un papillon enfin sorti de sa chrysalide !

Sous la peau a remporté le prix du public au FIPADOC, le Festival international de documentaires audiovisuels 2020 et a été projeté au Internationales Festival for Dokumentar- und Animationsfilm de Leipzig en 2019.

Le documentaire de Robin Harsch sort sur les écrans romands.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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