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Roxane – Cyrano dans le pré

Le cinéma américain adore les feel good movies, films  à recette censés faire oublier pour 90 minutes l’excrémentalisation[1] du monde. Les Français en sont tout aussi friands, dans un registre plus sincère et souvent plus original : Le Dîner de cons (1998), Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001),  Ensemble, c’est tout (2007), Intouchables (2012) ou plus récemment Le Grand bain (2019) ont gagné le cœur du public par leur fraîcheur et leur sensibilité. Roxane (2019), premier film écrit et dirigé par Mélanie Auffret a, superficiellement, tout d’un bon petit feel good movie à la française : personnages naïvement attachants au sein d’une intrigue rocambolesque, voire saugrenue. Raymond (Guillaume de Tonquédec), un éleveur de poules bio menacé de faillite, choisit de faire le buzz sur Internet pour sauver son entreprise en tournant des vidéos où il récite des textes de théâtre classique en compagnie de sa poule, Roxane.  Les vidéos font effectivement le buzz mais n’aident pas nécessairement les gens du patelin à forcer la main de la coopérative locale, ni la famille de Raymond à le soutenir dans sa démarche.

— Guillaume De Tonquédec – Roxane
© Mars Films

On pourrait qualifier Roxane, d’un mélange édulcoré entre Dead Poet Society et Le bonheur est dans le pré.  Sous ses dehors bon-enfant, le film d’Auffret décrit cependant une réalité tragique, celle des paysans obligés de vendre leur ferme et leurs animaux pour cause d’industrialisation, même au sein de l’agriculture biologique. Entièrement tourné au centre de la Bretagne, sur les lieux mêmes où la jeune réalisatrice a vécu son enfance, le film montre les beaux paysages et la lumière de cette région plus connue pour ses côtes. Enfant du pays, Auffret tenait à montrer le quotidien de cette terre de Bretagne éloignée des grands centres, ainsi que le cœur de ses gens. Cela donne à son film une belle sincérité teintée d’un humour discret et d’une touche de burlesque délicieusement incarnée par Wendy (Kate Duchêne), une professeur de français britannique qui initie Raymond à la lecture des grands textes du répertoire classique. ‘Une anglaise m’a appris le français’ dira Raymond dans l’un des plus touchantes scènes du film.

Une histoire originale qui donne un film vrai, frais et gentil. C’est peut-être en cela que réside l’art de ces ‘films qui font du bien’: une fraîche gorgée de gentillesse au milieu de nos déserts de cynisme.

Anne-Christine Loranger

1 Excrémentalisation nous semble un néologisme nécessaire à l’heure des présidences Twitter.

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Anne-Christine Loranger

Journaliste / Reporter (basée à Dresde)

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