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Sa sagesse et sa culture nous laissaient croire en son éternité : Jean d’Ormesson nous a quittés

La nouvelle vient de tomber : un hommage national sera rendu à Jean d’Ormesson ce vendredi aux Invalides. le Président Emmanuel Macron, actuellement en visite à Alger, présidera la cérémonie tenue en hommage à l’écrivain académicien qui est mort dans la nuit de lundi à mardi, le 5 décembre 2017, à l’âge de nonante-deux ans.

— Jean d’Ormesson au salon du livre, Paris, mars 2012
(CC BY-SA 3.0)

Jean d’Ormesson, surnommé parfois Jean d’O, était né le 5 juin 1925. Un sourire permanent, un regard malicieux couleur bleu azur, parfois un petit peu espiègle mais avec parcimonie, et toujours le mot juste à la bouche. Le défenseur de la littérature française qui a marqué les esprits de par son immense connaissance de la langue française sachant toujours utiliser les mots à bon escient aimait à rappeler à ses congénères qu’il ne fallait pas maltraiter la langue de Molière. Il soulignait la beauté de la littérature française, ses richesses comme sa singularité. Il illuminera nos vies par son génie et sa passion par le truchement des nombreux ouvrages qu’il nous laisse en héritage.

Jean d’Ormesson incitait les gens à se laisser aller au plaisir de la lecture et, bien sûr, de l’écriture : « Écrire, c’est comme skier. Une fois que vous maîtrisez, vous vous amusez à la folie.» Il rappelait aussi avec sagesse et une évidente modestie que nous allons tous disparaître, une citation qui est encore plus éloquente aujourd’hui. Mais Jean d’Ormesson l’entendait au sens large, comme le souligne sa fille Héloïse, éditrice française, fondatrice de la maison d’édition qui porte son nom  : « Les êtres humains se croient éternels mais ils vont tous disparaître comme les grands dinosaures. »

Jean d’Ormesson s’est illustré comme écrivain, journaliste et philosophe. Écrivain prolifique, il est en effet l’auteur d’une quarantaine d’ouvrage, papillonnant de grandes fresques historiques imaginaires comme La gloire de l’Empire (1071) aux essais philosophiques dans lesquelles il partage ses réflexions sur la vie, la mort, ou l’existence de Dieu comme, par exemple, dans Je dirais malgré tout que cette vie fut belle (2016) Prix Jean-Jacques-Rousseau de l’autobiographie 2016.

 

Jean d’Ormesson devient membre de l’académie française en 1973 et occupe la chaise numéro 12, à côté d’Erik Orsenna. Jean d’Ormesson fait alors campagne pour la réception sous la coupole de Marguerite Yourcenar, la première femme admise à l’Académie française en 1980. Il y reçoit également Simone Veil le 18 mars 2010.Il travaille durant des années au journal Le Figaro, notamment comme directeur général. Il est très présent dans les émissions télévisées littéraires ou plus généralistes où il est invité pour son érudition et son art de la conversation toujours très agréable.

Jean d’Ormesson inspire la pugnacité et la ténacité : en 1956, il publie son premier roman, L’amour est un plaisir, qui se vend à seulement 2000 exemplaires alors que son éditeur Julliard voit en lui un « frère de Sagan ». Il connaît son premier succès critique et public en 1171 avec le roman La gloire de l’Empire, vendu à 100 000 exemplaires et pour lequel il reçoit le Grand prix du roman de l’Académie française.

Après avoir été nommé chef de la revue Diogène, consacrée aux sciences humaines, il est plusieurs fois conseiller dans les cabinets ministériels et il devient en 1974 directeur général du Figaro. Il rédige chaque semaine un article dans le supplément du dimanche. Ses opinions sur la guerre du Vietnam lui valent des paroles très dures de la part de Jean Ferrat dans la chanson Un air de liberté (1975): à la suite de la demande de Jean d’Ormesson de supprimer la chanson des missions de télévision, Jean Ferrat s’expliquera en disant qu’il n’avait rien contre l’homme mais contre ce qu’il affirmait en représentant la presse de la grande bourgeoisie qui soutenait les guerres coloniales. On peut, en effet, être en porte-à-faux et ne pas adhérer aux idées de Jean d’Ormesson comme la soussignée, mais s’incliner devant son érudition.

Toujours directeur général du Figaro, il démissionne de son poste de directeur en 1977 face à l’ingérence rédactionnelle de Robert Hersant, nouveau propriétaire du quotidien. mais il accepte une chronique régulière jusqu’en 1983 dans le nouveau supplément, Le Figaro Magazine. Cela lui permet de se consacrer de plus en plus à l’écriture de nombreux romans qui échappent souvent aux conventions du genre romanesque : les intrigues sont construites autour de plusieurs personnages, les digressions sont nombreuses, les anecdotes personnelles de l’auteur, teintées d’humour et d’érudition, ornent le récit. Les fictions de Jean d’Ormesson constituent souvent une réflexion sur le temps qui passe et prennent parfois l’allure d’un traité de vie. On peut aimer ou pas les idées affirmées par Jean d’Ormesson, il faut lui reconnaître d’avoir réussi à restituer à la langue française ses lettres de noblesse. Jean d’Ormesson se considère lui-même comme un homme de droite, un gaulliste avéré mais un « gaulliste européen » qui a beaucoup d’idées d’égalité et de progrès, « ce progrès qui est abandonné par la gauche à cause des écologistes ».

Pour l’anecdote, Jean d’Ormesson possède également un passeport libanais, qui lui a été accordée par le gouvernement provisoire du général Michel Aoun, lors  d’un séjour de l’écrivain durant la guerre civile libanaise.

Un hommage national lui sera rendu par le président Emmanuel Macron à l’hôtel des Invalides à Paris, le 8 décembre 2017. L’hôtel des Invalides, en tant que Panthéon militaire, est le lieu de ceux qui sont morts pour la nation. L’hommage national se déroule, le plus souvent, dans la cour d’honneur de l’hôtel des Invalides. Il s’agit habituellement d’un hommage rendu aux soldats tués dans les combats mais de nombreuses personnalités civiles y ont été honorées après leur mort : le commandant Cousteau en 1997, Jacques Chaban-Delmas en 2000, Philippe Seguin en 2010, Stéphane Hessel et Pierre Mauroy en 2013, Dominique Baudis en 2014, Charles Pasqua en 2015, Michel Rocard en 2016, Simone Veil en 2017. Cette distinction officielle a également lieu pour les victimes du terrorisme, comme celles des attentats du 13 novembre 2015.

Firouz E. Pillet

Sources :
Dictionnaire étonnant des célébrités, de Jean-Louis Beaucarnot et Frédéric Dumoulin, First éditions, 2015, p. 254.
« Une biographie pour Jean d’Ormesson, l’heureux élégant » [archive], Actua Litté.com, 7 février 2009 ; consulté le 23 mars 2010.
Jean d’Ormesson, émission « Thé ou Café », 14 juin 2014.

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Firouz Pillet

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