The Lost King, de Stephen Frears, met à l’honneur l’histoire véridique de Philippa Langley, historienne amatrice, qui a découvert les restes du Roi Richard III et réhabilité sa mémoire
Inspiré d’une histoire incroyable mais vraie, le dernier film de Stephen Frears, The Lost King, retrace l’extraordinaire aventure de Philippa Langley, mère de famille passionnée d’histoire, qui, cumulant les recherches et écoutant son intuition, et surtout essuyant l’incompréhension de ses proches et affrontant la défiance du monde universitaire, a voulu rétablir la vérité autour de Richard III, l’un des monarques les plus controversés de l’histoire de la Perfide Albion. Pour ce long métrage, Stephen Frears, Jeff Pope et Steve Coogan allient à nouveau leurs talents pour retranscrire sur grand écran l’histoire véridique de la découverte des restes du tristement célèbre dernier roi de la dynastie des Plantagenêt sous un parking de Leicester en une comédie dramatique teintée de développement personnel et de quête d’idéaux.
Au moment d’entamer ce projet, la plupart des gens, y compris les membres et l’équipe du film, partageaient un vague souvenir au sujet de la découverte de la dépouille de Richard III. Tout le monde en avait plus ou moins entendu parler, mais personne ne connaissait l’invraisemblable histoire de Philippa Langley qui en révèle les détails dans son livre The King’s Grave : the Search for Richard III (2014). La plupart des personnes se souviennent d’un gros titre dans un journal ou d’un entrefilet, sans plus. Les scénaristes Jeff Pope et Steve Coogan se sont intéressés à l’histoire de Philippa Langley, représentative de ces femmes ignorées, oubliées, voire moquées par la société, de ces petites gens modestes, à l’instar de la figure de Philomena (2013), film de Stephen Frears qui avait récolté une avalanche de prix à la Mostra et aux BAFTA.
Pour mener à bien cette entreprise, Stephen Frears et son équipe ont dû d’abord convaincre Philippa Langley d’autoriser la production à s’emparer de son histoire. Une fois l’accord donné, le tandem de scénariste a conservé l’histoire originale en choisissant d’y insuffler une tonalité légèrement comique, un moyen de rendre passionnants certains enjeux qui, dans un autre registre, auraient pu sembler rébarbatifs. Avec la touche de Stephen Frears, cette histoire, racontée avec subtilité, délicatesse et humour, donne matière à réflexion et touche un large public. Soyez rassurés ! La dimension comique demeure un dispositif et non une fin en soi. Ainsi, The Lost King met en valeur la témérité, voire la vaillance de Philippa Langley face aux railleries et au dénigrement qu’elle rencontre quand elle sollicite des experts du roi Richard III, des personnes qui la toisent. Comme à l’accoutumée, Stephen Frears réussit à faire vivre sur l’écran une femme à l’allure frêle, qui se fond dans la foule au point qu’on ne la remarque pas tant elle est discrète mais qui, comme de nombreux protagonistes de sa filmographie, ne prennent pas toujours ce qu’on leur raconte pour parole d’évangile et poursuivent leur chemin avec ténacité malgré l’adversité.
Magnifiquement incarnée par Sally Hawkins qui porte le film, la figure de Philippa Langley, dans sa quête inlassable, passionne et suscite admiration, voire empathie quand elle se fait voler la vedette par les universitaires qui l’avaient initialement éconduite, symbolisant le combat entre David et Goliath, à travers l’image de cette simple historienne amatrice face à tout un système institutionnel. Le tandem de scénaristes a choisi que la fantôme de Richard III, qui apparaît ponctuellement et échange avec Philippa dans ses moments de questionnements et de doutes, soit un prolongement de son subconscient ; ainsi, quand Philippa parle à Richard III, le public comprend qu’elle se parle en réalité à elle-même.
Dans l’excellente distribution, mentionnons Steve Coogan dans le rôle du mari de Philippe, John Langley, Harry Lloyd dans le rôle de Richard III mais encore James Fleet, Lee Ingleby, Phoebe Pryce et Mark Addy. Il y a un autre protagoniste incontournable et omniprésent dans le film : Édimbourg, filmée comme un personnage à part entière du film et qui a sa propre partition dans le chœur des divers personnages. La caméra de Stephen Frears s’attarde sur les lieux emblématiques de la ville écossaise : le château, les ruelles de la vieille ville médiévale, la cathédrale St Mary et le Forth Rail Bridge qui sert d’arrière-plan à l’Albert Pub où les partisans de Richard se retrouvent dans le film. Ce soin apporté à la ville est pleinement conforme à la réalité puisque Philippa Langley habite à Édimbourg. Au fil du récit, Stephen Frears tisse des points, telle une dentellière, anodins mais cruciaux qui, une fois assemblés, des touches progressives qui formeront le point d’orgue tant attendu.
Quelques détracteurs du film clament qu’il ne s’agit là d’un Stephen Frears mineur mais The Lost King invite à un périple historique empli de mystère bien entretenu et d’humour savoureux. Sans s’appesantir, il rappelle que les experts ne sont pas infaillibles et souligne qu’une personne ordinaire avec du courage, de la persévérance, de l’intelligence et de la détermination peut atteindre ses objectifs envers et contre tous les érudits perchés sur le piédestal de suffisance.
Tout dernier monarque de la dynastie Plantagenêt et de la Maison d’York, Richard III (1452-1485) a été roi d’Angleterre et seigneur d’Irlande jusqu’à sa mort survenue sur le champ de bataille de Bosworth Field : sa disparition coïncide avec l’avant-dernière bataille de la Guerre des Deux-Roses entre la Maison d’York et la Maison de Lancaster. La dépouille de Richard est transportée dans la ville voisine de Leicester et enterrée sans cérémonie. On estime que sa stèle funéraire a été déplacée durant la période de la Réforme. Par ailleurs, on a longtemps cru, à tort, que sa dépouille avait été jetée dans la rivière Soar. Stephen Frears n’oublie aucun de ces détails et les insère dans le récit alors que Philippa se plonge de nombreuses lectures, se documente et mène l’enquête. Lorsque Philippa Langley a retrouvé sa dépouille, Richard III a eu droit à des obsèques officielles dans la cathédrale de Leicester le 26 mars 2015.
Il est à la fois captivant, troublant et attendrissant de voir qu’une seule femme, historienne amatrice, ait pu, grâce à ses recherches et à sa découverte, réhabiliter la mémoire d’un roi jusqu’alors passé à la trappe de l’histoire. Servi par d’excellentes performances, The Lost King apporte un éclairage poétique et émouvant dans cette reconstitution de la quête excentrique mais perspicace de Philippe Langley. Faisant la part belle aux membres de la Société Richard III qui semblent, à l’image des collectionneurs invétérés de livres anciens ou de disques vinyles, animés par d’une flamme puissante, d’une dévotion inconditionnelle et d’une passion infaillible.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet, le documentaire de Julie Osmond, Richard III : The King in the Car Park (2013) peut leur procurer moult informations grâce aux faits concrets que ce documentaire apporte au sujet de l’excavation du corps du roi Richard III.
Firouz E. Pillet
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