13ème édition du Festival SEE des cinémas du Sud-Est européen à Paris. Entretien avec son créateur Jordan Plevneš
Le Festival des cinémas du Sud-Est européen, simultanément organisé en ligne à Paris, Berlin et Washington a fêté, le mois dernier, sa treizième édition.
Les membres du jury européen, Igor Stankovic, Frederic Fappani von Lothringen et Yves Boisset, avec comme présidente Frosa Pejoska Bouchereau, ont attribué à l’acteur serbe Miki Manojlovic le titre du meilleur interprète. Iva Filipovic, jeune actrice bosnienne a été proclamée meilleure actrice. Le prix de meilleur scénariste est allé au réalisateur bosnien Mirza Begovic, dont le film Amanet a été choisi comme meilleur long métrage du festival. Le Serbe Nedeljko Kovacic a été élu meilleur réalisateur de l’événement. Le prix du meilleur court métrage a été ex æquo à Faraway Fields de Slovénie et à la réalisation monténégrine Steady Flow. Seaside Promenade, une production croate et The End of the Valley of Tears de Roumanie, ont obtenu le titre de meilleurs documentaires. Glitch, la réalisation hongroise a reçu le prix du meilleur film d’animation!
Le jury américain : président Roman Kosovski, Patricia Corbalt et Jacqueline Headington ont choisi comme meilleur acteur l’artiste turc Cenk Izgören, et comme meilleure actrice la Serbe Jovana Stojiljkovic, les meilleurs scénaristes son aussi serbes : Djordje Milosavljevic, Nenad et Zivojin Pavlovic, Dimitrije Vojnov. Leur compatriote Nedeljko Kovacic a obtenu le prix du meilleur réalisateur. Le meilleur long métrage, Vera, est encore une fois, un film serbe. Singer People, la production macédonienne a été consacrée meilleur court métrage. Le prix de meilleur film documentaire est partagé entre Rescuer (Hongrie) et la production bosnienne Colors and Rhythms of the Unrest. Le titre du meilleur film d’animation a été attribué à l’œuvre monténégrine Little Man in a Big Coat.
Balkans – l’Europe profonde
Selon Nicolas Bouvier, le célèbre auteur de L’Usage du monde, l’ouvrage proclamé comme étant la bible des écrivains voyageurs, les Balkans c’est l’Europe profonde. Il a toujours souligné que la tragédie antique est née dans les Balkans. Depuis, elles se sont multipliées. Avec la naissance des nouvelles identités, s’ajoutent toujours une tragédie de plus : la tragédie roumaine, la tragédie turque, bulgare, serbe, macédonienne, pour ne pas parler de la tragédie bosniaque, monténégrine, albanaise, y compris kosovare !
Un théâtrologue américain a écrit que la tragédie est une invention purement européenne. C’est pour cela que les Balkans, c’est l’Europe profonde, et les Balkans sont le cœur de l’Europe. Cette Europe profonde, ventre des nations et des frontières brouillées avec des conflits et les frontières éteintes par les maladies mortelles des nationalismes.
Il faut revisiter les Balkans après les guerres, disait Bouvier, avant de disparaître en 1998. L’épopée de l’Europe, cette Europa Prima, berceau de la mémoire universelle, Eldorado de la préhistoire, lieu unique avec ses théâtres antiques, ses édifices romains, les premières synagogues sur le sol européen, les mosquées colorées et les caravanes sérails de l’époque ottomane. C’est de là que sont partis les manuscrits médiévaux des Bogomiles et des Cathares qui évoquent les traces des hérétiques entre les Balkans et l’Occitanie, déclenchant les révolutions intellectuelles européennes du Moyen Âge jusqu’à nos jours.
Poursuivi par une extraordinaire motivation et un enthousiasme à présenter les Balkans autrement, Jordan Plevneš, l’écrivain, dramaturge et documentariste macédonien, a voulu fonder un événement exceptionnel, une fenêtre culturelle des pays du sud-est européen, dans cette Ville Lumière que Dante Alighieri voyait, en pleine Renaissance, comme partie universelle de l’Esprit. Jean Monnet disait, pour recréer l’Europe, il faudrait commencer par la culture.
Avec le support de l’Unesco, le Festival SEE est devenu l’initiative qui encourage la création artistique des cinéastes de 12 pays de l’Europe Sud-Est, en favorisant les échanges culturelles. Rencontre.
Pourriez-vous décrire l’évolution du Festival, d’abord fondé à Paris, depuis 2011?
Le Festival a été fondé en 2011, et son évolution a été formidable dans les efforts pour unifier les pays du sud-est européen dans la vision de Nicolas Bouvier : Les Balkans sont le cœur de L’Europe ! Dans les 13 éditions, nous avons présenté plus de cent longs métrages, et beaucoup de documentaires, courts métrages et films d’animation. Après quatre éditions à Paris, l’Université Humboldt de Berlin a organisé la même sélection, et il y a 3 ans, L’Université Américain de Washington a co-organisé le SEE festival.
Le festival est devenu la fenêtre européenne et mondiale cinématographie des Balkans et il a trouvé des échos dans les plus grands journaux comme internationaux.
Comment choisissez-vous les films ?
Nous avons un comité artistique avec les représentants de tous les pays de l’Europe du sud-est qui nous propose des films récents. Nous avons en quelque sorte un réseau SEE, des amis fidèles qui travaillent bénévolement dans le développent de cette balkanophilie, qui nous donne la possibilité de croire au-delà des tensions et des animosités, que nous sommes tous des enfants de même famille balkanique.
Pour quelle raison le programme officiel ne sélectionne pas des réalisations de cinéastes appartenant à la nombreuse diaspora des Slaves du sud et d’autres pays de la région de l’Europe du sud-est, éparpillés aux quatre coins du monde ?
Nous sommes ouverts à tous les cinéastes qui sont originaires de l’Europe du Sud-est, indépendamment de leur lieu de résidence, et avec le temps, je suis sûr que leur présence serra beaucoup plus important dans les années avenir.
La sélection de films cette année était très intéressante, mais les distributeurs occidentaux ne sont pas au rendez-vous. Pour quelle raison ?
Nous avons plusieurs contacts avec les distributeurs occidentaux, en Europe et aux États-Unis, et certains de nos films primés ont été présentés dans des salles et différents festivals. Avec AMAGI, nous travaillons sur un projet de World SEE Cinema afin de présenter sur une plateforme spéciale la cinématographie des Balkans.
Quels sont prochains projets du festival ?
Plusieurs villes européennes demandent à pouvoir présenter la même sélection comme à Paris, Berlin et Washington, et peut-être, dès l’année prochaine, nous espérons que les villes comme Vienne, Amsterdam ou Zurich seront sur la liste de nos partenaires.
Djenana Djana Mujadzic
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