Avec Derib, une vie dessinée, Sébastien Devrient invite le public dans l’intimité de la vie et de la création du dessinateur de bandes dessinées. Rencontre avec Derib et Sébastien Devrient
Le créateur de Yakari et Buddy Longway laisse courir son imagination et son crayon pour entamer la création de sa nouvelle bande dessinée, intitulée La Promesse, œuvre qui fait la part belle à la Dent Blanche, une montagne qui joue un rôle primordial pour sa famille, les de Ribaupierre, férus du Val d’Hérens, en Valais. Une montagne impressionnante et chérie qui est emblématique, voire mythique pour la famille de Derib.
Image courtoisie Vertiges Prod
Après soixante ans de carrière, le dessinateur ose enfin dessiner cette montagne qu’il considérait comme « réservée à son père », le peintre François de Ribaupierre (1886-1981). Avec son fils Arnaud, aux commandes du scénario, il entame son ascension en bande dessinée. Derib, crayon sur la page blanche, Arnaud, la main sur la roche grise : ils gravissent la Dent Blanche, chacun à leur manière. Une symbiose créatrice unit le cinéaste, le dessinateur qui affectionne les cimes, et cette montagne en particulier, pour avoir baigné dans cet univers et Arnaud, son fils, qui fera l’ascension de cette montagne en ramenant des clichés qui inspireront les dessins de son père déjà nourri par les peintures de son propre père.
Par le biais de La Promesse, trois générations d’artistes se rencontrent à 4 357 mètres d’altitude, dans le Val d’Hérens. Le documentaire de Sébastien Devrient permet au public de suivre la création de la bande dessinée, au rythme de son créateur qui doit interrompre quelque temps son projet pour se consacrer à un album de Yakari.
Né à Lausanne, ayant grandi en Bourgogne où il pratiquait l’escalade, le Veveysan d’adoption, Sébastien Devrient avoue que son enfance et son adolescence ont été nourries aux albums de Derib dont les héros lui a donné le goût et le respect de la nature, des animaux, des vastes étendues, des cimes et de l’aventure. L’ancien guide de montage a escaladé les montagnes du Pakistan, du Népal, parcouru le Groenland, et a même tenté de plonger dans le lac le plus élevé du monde, El Ojo del Salado, en Argentine, mais le cratère du volcan était asséché. Devenu réalisateur, scénariste, monteur, caméraman, photographe, l’ancien guide de montagne cofonde Vertiges Prod. Il partage avec Derib cette passion pour la montagne mais aussi cette vision cinématographique du monde qui l’a immédiatement séduit à la lecture des bandes dessinées du dessinateur dont il souligne qu’il a innové en scindant ses dessins par des plans à l’instar d’un réalisateur.
Ponctuant son film de témoignages d’amis, d’archives et de photographies couleur sépia de la famille – des séquences sur le passé des de Ribaupierre à La Forclaz – ainsi que de passionnants échanges de Derib avec ses proches, Sébastien Devrient entraîne le public dans la vie et la carrière de ce maître de la bande dessinée, élaborant un portrait intime de l’artiste et de son œuvre, célébrant la transmission, la passion et le pouvoir du dessin comme pont entre les générations.
Celui qui a si bien dessiné les Indiens d’Amérique du Nord et les chevaux, entre autres, et qui avait ses propres chevaux qu’il montait, a refusé de se rendre aux États-Unis pour un voyage à cheval. Mais sa fine représentation de l’univers des Sioux a ensorcelé le documentariste qui confie :
« Buddy Longway m’a donné l’envie d’explorations et d’aventures et c’est certainement grâce à la mise en scène des planches de Derib que je suis devenu réalisateur. Sa manière de raconter une histoire en images est profondément cinématographique. Il construit ses albums comme on découpe un film. Pour comprendre Derib, il faut plonger dans son regard et son lien à la nature. Il puise son inspiration dans les paysages du Val d’Hérens, en Valais. »
C’est d’ailleurs en 2016, à l’issue de la projection de son documentaire intitulé Jean Troillet, toujours aventurier, consacré au célèbre aventurier et himalayiste et dans lequel Derib était interviewé, que Sébastien Devient a été mis au défi par le dessinateur de lui consacrer son prochain film. Le cinéaste a saisi cette proposition au vol et s’est lancé dans ce projet avec son épouse, Carole Dechantre, à la production et Emmanuel Gétaz de Dreampixies :
« Mon amour de la montagne et, tout particulièrement, mon attachement à la Dent Blanche entre en résonance avec la passion de la famille de Derib pour cette même montagne. Alors, être le témoin privilégié de Derib dessinant l’ascension de la Dent Blanche dans sa nouvelle BD La Promesse, est une chance immense que j’ai voulu partager dans ce film. »
Initié en 2019, le projet de départ était de suivre l’élaboration de sa bande dessinée de A à Z, au rythme de l’artiste. La Promesse séduisait d’autant plus le cinéaste qu’il a lui aussi passé son enfance à skier dans le val d’Hérens, une région où il a de nombreux amis et connaissances communes avec Derib.
Derib, une vie dessinée réserve une multitude de belles surprises mais on peut en révéler une, savoureuse : un Indien, artiste de la communauté, souligne combien Derib a su restituer leur culture, leurs traditions, leur mode de vie en formulant :
« L’esprit des Lakotas a eu la force de voyager loin jusqu’à lui ».
Alors que le film Derib, une vie dessinée entame une tournée des cinémas romands, en présence de Derib et de l’équipe, ils nous ont parlé, séparément, de ce projet réalisé ensemble. Rencontres:
Sébastien Devrient:
Derib:
Mentionnons quelques dates de la tournée : Pully, CityClub (ma 8, 17 h 30 et 20 h 30), Yverdon, Bel-Air (me 9, 18 h 30), Morges, Odéon (je 10, 19 h), Payerne, Apollo (ve 11, 18 h 30).
La liste exhaustive des lieux et dates figurent sur le site : www.vertigesprod.ch
Firouz E. Pillet
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