Berlinale 2011 – sélection du jour : Qualunquemente dans la section Panorama
Cetto La Qualunque (Cetto N’Importe Quel) est un homme d’affaires toutes plus illégales les unes que les autres, sans le moindre scrupule, n’ayant comme code de conduite des affaires “professionnelles” comme privées que la corruption, sans une once de culture, un phallocrate comme on en fait (presque) plus, odieux avec son entourage, intimidant ses adversaires. Après de très longues vacances d’exil fiscal, notre héros à l’italienne rentre en Calabre, sa terre natale où la nature n’est bonne qu’à faire du profit, l’environnement détruit à cette fin et la politique au service de l’argent. Il revient auprès de sa femme et de son fils au bras de sa nouvelle compagne brésilienne et la fille de celle-ci, dont il ne connaît pas le nom, trop compliqué à retenir à son goût. Pendant l’absence de Cetto, une chose incroyable s’est produite dans sa petite ville: le respect de la légalité et l’arrivée de forces démocratiques. Cette innovation étant un empêchement insupportable au bon déroulement des affaires, Cetto se voit obligé de prendre les choses en mains…
Le début du film peut rebuter, car trop caricatural, trop clownesque, le trait tellement forci que la parodie en semble grotesque. Puis, nous entrons dans le jeu. Le burlesque devient satire. Un sentiment de déjà-vu, déjà-entendu s’installe. La nature bafouée, la culture méprisée, les médias achetés, les masses manipulées, tout ceci nous renvoie à l’actualité, à la réalité qui ne dépasse même plus la fiction puisqu’elle parvient à faire jeu égale avec la bouffonerie d’un protagoniste comme Qualunque, campé par un Antonio Albanese qui porte la peau de ce personnage d’opérette avec un naturel déconcertant.
Ceux qui n’ont pas accès à la RAI et aux chaînes privées italiennes, qui ne suivent pas l’actualité politico-mafieuse et pornographique du président du Conseil italien oscilleront constamment entre rire et incrédulité. Pour ceux qui savent que ce personnage n’est pas d’opérette mais le double d’un individu qui opère au sein de l’Europe, dans un pays à la civilisation qui a élaboré de nombreux corpus qui participent encore aux fondements de la civilisation moderne occidentale, ils sortiront de ce film hébétés, sidérés d’avoir quand même ri, consternés de la passivité de tout un peuple qui se laisse instrumentaliser, avilir et humilier sans se révolter.
Malik Berkati
Qualunquemente, de Giulio Monfredonia, avec Antonio Albanese, Sergio Rubini, Lorenza Indovina, Nicola Rignanese, Davide Giordano, Italie, 96 min.
© j:mag. Tous droits réservés.