Ôtez-moi d’un doute : une comédie délicate et poétique de Carine Tardieu
Dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, une comédie française sensible et amusante a été « le coup de cœur » d’Edouard Waintrop, délégué général de la section et directeur des Cinémas du Grütli à Genève. Ôtez-moi d’un doute (Just to be Sure) s’attache aux problématiques liées à la paternité et la filiation. Alors qu’un père veut connaître qui est le père de l’enfant que porte sa fille, il découvre que son propre père n’est pas le sien Père biologique, père affectif, voici les rouages fondateurs qui nourrissent le film de Carine Tardieu (La Tête de maman, en 2007 et Du vent dans mes mollets, en 2012) qui brode autour de cette thématique pour en faire un conte charmant aux facettes multiples.
Le ton du film est aussi léger que son sujet est sérieux. Doté d’une excellente distribution menée par François Damiens et Cécile de France.
La quarantaine, Erwan (François Damiens) travaille comme démineur de bombes, en désactivant les explosifs et les mines enterrés dans le sol gaulois depuis la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’un tel travail a sa part de risques, la vie personnelle d’Erwan est beaucoup plus terne et morne: sa fille Juliette (Alice de Lencquesaing) est enceinte, mais ignore l’identité du père. Un test ADN révèle que le père d’Erwan (Guy Marchand) n’est pas son père biologique; Erwan se lance dans une quête existentielle en recourant aux services d’une détective privée (Brigitte Rouan) qui lui révèle que son père, Joseph (Andre Wilms), ne vit qu’à quelques kilomètres. Ce sont de bonnes nouvelles, sauf que Joseph est également le père d’Anna (Cécile de France), une vétérinaire qui croise la route d’Erwan une nuit pluvieuse. Erwan en tombe immédiatement amoureux.
Carine Tardieu s’amuse des coïncidences et parvient à les utiliser à son avantage, façonnant de manière délicate une histoire intelligente et sensible sur les personnages contraints de se poser des questions primordiales: qui sont nos véritables parents? Ceux qui nous ont élevés ou ceux qui nous ont donné la vie ? Et avons-nous le droit de choisir entre les deux? À un moment donné, quelqu’un explique que «tout le monde a un père», mais la question est de savoir si nous devons ou non les reconnaître comme tels et si un enfant – en l’occurrence celui qu’attend Juliette – pourra sans construire sans père.
Carine Tardieu a effectué un choix judicieux et intelligent quant à ses comédiens : François Damiens (La Famille Bélier) a une façon de minimiser ses scènes graves ou cruciales, ce qui le rend encore plu attachant. La relation entre Erwan, qui cherche son vrai père, et Juliette, qui veut élever un bébé sans père, est particulièrement bien abordée, développant des confrontations de ponts de vue et des remises en question. Cécile de France est efficace en tant que femme dévouée à son père mais incapable de construire sa propre vie, e camouflant en faisant abstraction de thèmes plus importants derrière des blagues servies avec nonchalance. Une révélation du film est l’acteur Esteban, qui joue l’ami de Juliette, qui a l’air complètement idiot ma tojour ben attentionné … « Un talent à suivre », selon Edouard Waintrop.
La photographie, signée Pierre Cottereau (Eyjafjallajökull, Adieu Berthe ou l’enterrement de mémé, Poupoupidou) est soutenue par la musique d’Eric Slabiak, mettant en valeur tant les scènes extérieures que les scènes plus intimistes. A travers cette comédie intelligente et délicate, Carine Tardieu questionne de nombreux problèmes importants avec un ton léger et savoureux, ce qui amuse le public qui serait normalement attristé par une série d’événements tragiques, soulignant combien nos parents – biologiques, adoptifs ou non – peuvent nous influencer.
Firouz Pillet, Cannes
Projeté dans le cadre de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs aux Cinémas du Grütli
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