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Cannes 2023 : Firebrand, de Karim Aïnouz, propose une leçon d’histoire convaincante sur la vie de Catherine Parr, la dernière épouse d’Henry VIII

Karim Aïnouz, le cinéaste brésilien d’origine algérienne, fait ses débuts de cinéma en anglais avec Firebrand, réinventant ce que l’histoire ne nous a pas dit sur la vie souvent oubliée de Catherine Parr, la dernière épouse du roi sanguinaire, dans un drame d’époque qui a été une bonne surprise dans cette 76ème compétition du Festival de Cannes.

Firebrand de Karim Aïnouz
Image courtoisie Festival de Cannes

Le tristement célèbre roi d’Angleterre Henri VIII a été retenu par l’histoire pour son opposition à la papauté, mais surtout pour ses six femmes dont les cinq premières furent passées à la trappe sur ordre du roi. À l’époque d’Henri VIII, conservateurs et libéraux anglicans se divisent. En 1531, le roi fonde l’Église anglicane après le refus du pape Clément VII d’annuler son mariage. Le monarque est excommunié en 1533. Cette Église, en rupture avec Rome, est placée sous l’autorité de l’archevêque de Canterbury.

Le film de Karim Aïnouz met le projecteur sur Catherine Parr, la sixième femme du roi Henri VIII, dont les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées (une seule étant décédée suite à une maladie). Avec l’aide de ses dames de compagnie, elle tente de déjouer les pièges que lui tendent l’évêque, la cour et le roi.

Catherine Parr joue un rôle crucial dans l’Angleterre ensanglantée des Tudors quand elle est nommée régente pendant ses campagnes militaires. Il était donc bienvenu qu’un cinéaste nous rappelle l’importance de son rôle dans l’histoire de l’Angleterre. Avec ce rôle provisoire, Catherine Parr tente d’influencer les conseillers du roi vers un avenir basé sur ses croyances protestantes. À son retour de combat, le roi, de plus en plus paranoïaque et malade (une jambe gangrenée que le cinéaste n’hésite pas à nous montrer sous toutes les coutures, la plaie sanguinolente et purulente !), accuse une amie d’enfance de Catherine, Anne Askew (Erin Doherty) de trahison et l’envoie au bûcher. Horrifiée par son acte et secrètement endeuillée, Catherine comprend l’épée de Damoclès qui pèse sur sa tête et se bat pour sa propre survie. Les conspirations et les accusations vont bon train entre les murs du palais et la cour retient son souffle : la reine fera-t-elle un faux pas et Henri la fera-t-elle exécuter ? Avec l’espoir d’un royaume sans tyrannie, arrivera-t-elle à se soumettre à l’inéluctable pour le bien du roi et du pays ? Il faut souligner que le Cardinal Stephen Gardiner (Sir Simon Russell Beale) lui donne maille à partir pour l’évincer et s’y emploie à grand renfort de stratagèmes.

Il faut reconnaître que tous les ingrédients qui constituent une fresque historique dramatique étaient présents dans la grande historie pour servir le film de Karim Aïnouz : la persécution religieuse, l’injustice manifeste et systémique, la violence masculine arbitraire et les abus de pouvoir, les trahisons et la duperie. En braquant sa caméra sur cette héroïne des temps modernes, avant-gardiste et frondeuse, Karim Aïnouz réussit à échapper à la simple leçon d’histoire. Si le regard bienvenu d’un cinéaste étranger permet de dépoussiérer les manuscrits, les répliques n’en demeurent pas moins très britanniques.

Karim Aïnouz a su créer une atmosphère oppressante, anxiogène, voire mortuaire où le terreau des intrigues religieuses et politiques entretiennent les soupçons et la paranoïa. Jude Law, méconnaissable et en surpoids, s’immerge en roi répugnant et moribond. Le film se transforme en une étude pointue d’une femme en avance sur son temps et d’un roi psychologiquement perturbé. Nous savons tous comment l’histoire se déroule et pourtant les sœurs et écrivaines Jessica et Henrietta Ashworth se permettent suffisamment de libertés pour déchirer le manuel scolaire sans changer pour autant le cours de l’histoire et apportent aux années 1540 une fraîcheur féministe.

Les performances ardentes de tous les comédiens pour donner vie, sous nos yeux captivés, aux personnages principaux, sont remarquables. Évidemment, vu leurs rôles, les performances en tête-à-tête stellaires d’Alicia Vikander et de Jude Law sortent du lot, maintenant les spectateurs dans un climat de tension et de frayeur.

Firebrand est intelligemment réalisé, magnifiquement interprété et confirme le talent de Karim Aïnouz.

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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