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Cannes 2023 : Monster, le nouveau film de Hirokazu Kore-eda, présenté en compétition officielle, en a ouvert la programmation hier : troublant, déstabilisant mais toujours très poétique !

Habitué de la Croisette et de son festival de cinéma, Hirokazu Kore-eda y revient pour une septième sélection, et tentera de remporter une deuxième Palme d’or, après Une Affaire de Famille (2018) qui lui a permis de remporter la Palme d’or en 2018 et après un prix d’interprétation en 2022, le Japonais Hirokazu Kore-eda revient en compétition au Festival de Cannes avec Monster (Kaibutsu), un drame raconté de deux points de vue différents qui brouille les pistes.

— Kurokawa Soya et Sakura Andō – Monster (Kaibutsu)
Image courtoisie Festival de Cannes

Après un détour dans l’Hexagone avec La Vérité (2019) et un autre en Corée du Sud, Hangeul (Les bonnes étoiles, 2022), Kore-eda revient au Japon avec ce nouveau film, que Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a comparé à Rashômon, d’Akira Kurosawa, lors de l’annonce de sa sélection en compétition. Moins prolifique que le coréen Hong Sangsoo, Hirokazu Kore-eda suit la cadence régulière d’un nouveau film par an avec une inspiration renouvelée à chaque film. Mais une constante traverse sa filmographie : à travers ses créations, il s’intéresse essentiellement et avec une attention toute particulière aux cercles familiaux et à ses diverses structures et imbrications : ce sont des familles, souvent bancales, voire dysfonctionnelles, naturelles, recomposées, inventées et réinventées mais toujours aimantes. Chacune des familles que Kore-eda dépeint avec amour et empathie sont différentes mais tout aussi captivantes.

Le film s’ouvre sur une vue nocturne d’une ville : une mère et son fils, âgé d’une dizaine d’années, passent à table mais les sirènes des pompiers qui retentissent attirent leur attention. Le binôme se penche à la fenêtre et découvre un incendie. Cet événement initiateur qui survient dans une petite ville japonaise, rassemble autour aussitôt les habitants du quartier. Le cinéaste reprend ce point de départ dans chaque partie de son film et fait de ce fait divers, a priori parallèle, le point d’orgue d’un drame dont les ramifications se trouvent au cœur d’une école primaire. La famille Mugino – Saori (Sakura Andō), la maman et son fils Minato (Kurokawa Soya) – est une famille mono-parentale depuis la mort du père. Saori élève seule son fils Minato et travaille dur pour tenir la promesse qu’elle a faite à son mari de bien s’occuper de leur fils.

En effet, Monster raconte une histoire selon plusieurs points de vue qui invite rapidement le public à se concentrer pour ne pas perdre le fil – les fils ? – de la narration. Ce drame, raconté, dans un premier temps, à travers les yeux d’un professeur, Monsieur Hori (Eita Nagayama) puis par son élève, sème rapidement la confusion, brouillant les pistes. Les réponses énigmatiques, livrées sur un ton discret, presque inaudible, de la directrice d’école, Fushimi (Yūko Tanaka), ne font qu’accentuer le trouble et la confusion.

Minato est pour le moins un jeune garçon au comportement étrange et de plus en plus préoccupant pour sa mère, désemparée. En cours comme à la maison, le jeune élève a des accès subis de colère et d’agressivité que personne ne comprend. Souvent raillé par les autres élèves, Minato donne bien des soucis à sa mère qui va régulièrement s’enquérir auprès de l’équipe éducative de l’école. D’après les bribes de confessions, Monsieur Hori, son professeur, semble être à l’origine de tous les problèmes. Mais à mesure que le mystère se résout, la vérité s’avère plus complexe que prévu. Il faudra du temps et de la patience au public pour dénouer les nœuds de cette intrigue !

Monster (Kaibutsu) de Hirokazu Kore-eda
Image courtoisie Festival de Cannes

Une série d’indices, parsemés tout au long des scènes, la met sur une piste sur laquelle le public se laisse entraîner, porté par la photographie délicate et pictural de Ryuto Kondo (qui avait déjà collaboré avec le cinéaste sur Une affaire de famille). Kore-eda a opté pour une mise en scène qui opère par palier dont la gradation fait mouche à chaque nouvel angle de vue. Quand survient le point de vue de l’enfant, la ville entière et son école ont été vues et le contexte – qui semble un protagoniste à part entière – planté. Cependant, le public, encore déconcerté, ne parvient pas encore à percevoir le problème enfoui dans les arcanes de l’écriture. À qui sait attendre et observer, la résolution viendra, à la fois surprenante et attendue mais définitive.

Le scénario de Monster – le premier, depuis 1995, à n’être pas signé mais seulement mis en scène par Hirokazu Kore-eda – scrute avec toujours autant de finesse et de méticulosité la complexité des relations humaines et de leurs fissures internes. Hirokazu Kore-eda s’est aussi entouré d’une nouvelle équipe pour la réalisation de son seizième long-métrage et du scénariste Sakamoto Yūji, qui a travaillé sur de nombreuses séries japonaises et sur des films comme We Made a Beautiful Bouquet.

Pour sa huitième sélection en compétition, Hirokazu Kore-eda noie son intrigue dans une narration à tiroirs multiples qui séduit et capte l’attention des spectateurs tout autant qu’elle la perd. Lors de la première projection canonise ce mercredi pour l’ouverture de la compétition du Festival de Cannes, les soupirs de certains ont été accompagnés par les applaudissements des autres.

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

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