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Don’t Worry Darling, d’Olivia Wilde, propose un voyage dans le temps au cœur d’une société « parfaite » des années cinquante

Don’t Worry Darling, d’Olivia Wilde, dépeint les chroniques quotidiennes de Victory, une communauté isolée dans le désert californien, dans les années cinquante, communauté au cœur de laquelle une femme au foyer, Alice Chambers (Florence Pugh), voit sa vie progressivement déstabilisée et irréversiblement chamboulée.

— Florence Pugh et Harry Styles – Don’t Worry Darling
© 2022 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved

Tout semble parfait dans le meilleur des mondes dans cette société utopique que dépeint Olivia Wilde dans Don’t Worry Darling : Alice est très amoureuse de son mari Jack (Harry Styles) qui le lui rend bien, la dévorant, au sens propre du terme, de sa passion. Alice passe ses journées à faire avec assiduité et dévotion le ménage dans leur magnifique demeure et à mitonner de bons petits plats pour son époux qu’elle accueille, en fin de journée, le sourire aux lèvres, avec un verre de whisky et des baisers passionnés… Bref, comme il est bien connu que, dans les années cinquante, tenir sa maison n’est pas harassant grâce à l’avènement bienheureux des ustensiles électroménagers, Alice est pimpante, fraîche et dispose pour le repos du guerrier, en l’occurrence son mari qui est le chef de famille par excellence. Quand ses journées, rythmées par les incitations et les recommandations du séduisant mais inquiétant responsable de cette communauté, Frank (Chris Pine), lui concèdent quelque répit, Alice retrouve ses voisines, toutes femmes au foyer, avec lesquelles elles partagent des cours de danse classique, histoire de se maintenir parfaitement en forme et séduisante pour son mari qui part tous les jours travailler et contribuer à des recherches fort mystérieuses pour l’essor et l’équilibre de la communauté.

La séquence d’ouverture montre une soirée où les épouses dociles se livrent, dans une apparente bonne humeur et une émulation collective, à un jeu en se trémoussant, bien évidemment de manière sensuelle, avec un plateau de service muni d’un verre d’alcool plein alors que leurs époux, assis et sirotant quelques breuvages alcoolisés, les encouragent et les applaudissent. Si ce n’est quelques détails des tenues vestimentaires ou du mobilier, on ne réalise pas immédiatement que l’action se déroule dans les années cinquante. Rapidement, Don’t Worry Darling brosse le tableau d’une paisible petite ville résidentielle aux maisons coquettes et aux pelouses impeccablement entretenues, toutes identiques, vantant à longueur de journée ce monde si parfait pour une vie de famille où tous les résidents semblent vivre leur rêve américain dans cette cité paradisiaque.

Certes, il n’y a rien à reprocher à ce décor à l’esthétique parfaitement peaufinée, mais qui nous donne une impression de déjà-vu : la société décrite par Don’t Worry Darling nous rappelle étrangement Bienvenue à Suburbicon (2017) avec Matt Damon. Et cette impression est confirmée à mesure que cette apparente tranquillité des pavillons est troublée par des incidents, rapidement maîtrisés par des hommes tout de rouge orangé vêtus. On se met à se questionner sur les intentions d’Olivia Wilde et on se persuade qu’elle ne va pas se cantonner à restituer la dimension glamour de cette époque en soulignant visuellement l’esthétique harmonieuse d’un univers aux couleurs séduisantes du début des Trente Glorieuses. Mais Olivia Wilde insiste avec cette galerie de femmes séduisantes qui se livrent à des activités destinées à soutenir leurs maris, harassés par le travail, se dévouant corps et âme, mais malgré cette harmonie digne des magazines en papiers glacés, les spectateurs se doutent bien qu’il y a anguille sous roche.

Dans l’attention extrême qu’Olivia Wilde apporte à l’esthétique, les férus d’architecture reconnaîtront dans le Qg du mystérieux Projet Victory, qui ressemble à un vaisseau extraterrestre perché au sommet d’une colline, la Volcano House, imaginée par l’architecte Harold James Bissner. Mais les références cinématographiques de la réalisatrice s’enchaînent et se succèdent à travers ce thriller psychologique où les hommes mènent une vie où ils ont pu obtenir tout ce dont ils ont toujours rêvé, et pas uniquement des biens matériels, comme une magnifique maison, une voiture de luxe dernier cri, des mets succulents, des fêtes à gogo mais surtout l’amour inconditionnel d’une épouse dévouée.

Ainsi, certains passages du film rappellent de grands classiques du septième art comme Rosemary’s baby (1968), Sueurs froides (1958), Black Swan (2010) sans oublier la course-poursuite finale qui est un évident clin d’œil à Thema et Louise (1991). Ah la la ! Que de références ! Qu’il y en ait n’est pas un problème en soi, mais elles sont ici si nombreuses que l’on finit par s’amuser à les reconnaître et à tester nos connaissances du cinéma. On se demande surtout si Olivia Wilde n’a pas voulu faire montre de sa culture cinématographique !

Dans le tableau envoûtant de la vie délicieuse auprès du grand amour incarné par son époux parfait est le propos initial et que surviennent des questions existentielles au cours du récit – qu’est-elle prête à sacrifier pour renverser le système huilé d’une société censée l’épanouir afin de faire triompher la justice ? – Olivia Wilde campe progressivement ces questionnements, mais sa déclaration d’amour au cinéma dilue son récit et soulève plus de questions que de réponses, rendant le film, initialement empli de bonnes intentions, de plus en plus déconcertant par son manque de rigueur et de tenue dans la narration. Don’t Worry Darling a l’ambition première de distiller une folie douce et convaincante, mais son processus répétitif sape de manière définitive ce qui aurait pu être une fantaisie divertissante. Il faut quasiment cent minutes pour que les détails troublants d’une révélation surviennent !

Si l’intrigue ne mène nulle part, on se plait à apprécier la bande-originale avec des tubes de cette décennie tels « Comin’ home, baby » de Mel Tormé, « oogum Boogum Song » de Brenton Wood, « Twilight time » des Platters, « Sh-Boom » des Chords, « cool little cool » de Ricky Nelson, « You belong to me » d’helen Foster & The Rovers, « To know him is to love him » de The Teddy Bears ou encore « Purple mail » de Red Prysock !

Heureusement que la bande-son est si bien achalandée et permet, telle une pastille Vichy, de faciliter la digestion de ce dernier opus de l’actrice-réalisatrice et productrice américaine !

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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