Fantastique rétrospective Dora Maar à Beaubourg jusqu’au 29 juillet 2019
La plus grande rétrospective consacré à Dora Maar jamais organisée en France a lieu actuellement à Paris, au Centre Georges Pompidou. L’exposition réalisée en coproduction avec le J. Paul Getty Museum de Los Angeles et de la Tate Modern de Londres, présente autour de 500 œuvres et documents.
Une photographe libre, originale, innovante
Artiste complète, femme libre et ambitieuse, Henriette Théodora Markovitch (1907-1997), est enfin montré comme une véritable créatrice et auteure. Son éternel statut “de muse de Picasso” est repoussé au deuxième plan de l’événement, visible au public jusqu’à 29 juillet, au dernier étage de Beaubourg.
Croate de Zagreb par son père Josip, architecte longtemps expatrié à Buenos Aires, l’artiste a des racines à Cognac, ou est née sa mère Julie Voisin, propriétaire d’une boutique de mode à Paris. Formée à l’Ecole technique de photographie et de cinématographie de la Ville de Paris, la très belle jeune femme collaborait avec plusieurs journaux et revues de mode. En 1932 elle devient avec Pierre Kéfer, décorateur de cinéma, propriétaire d’un studio situé rue Campagne Première, dans le 6e arrondissement parisien. Trois ans plus tard elle ouvre son autre studio au 29, rue d’Astorg avec l’aide de son père et y travaille seule!
Durant les années 30 Dora Maar a été très proche de l’extrême gauche comme la plupart d’artistes parisiens. Ses Documents de la vie sociale, une commande de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires sont pleins de photographies des quartiers défavorisés de la capitale française. Avec une extraordinaire sensibilité et beaucoup de talent, Dora Maar présente les dangers et la complexité de la rue à Paris, Londres ou Barcelone. La photographe figure sur la liste des signataires du tract Appel à la lutte, écrit comme une réponse aux manifestations d’extrême droite, en février 1934. Son engagement social ne l’empêche pas de participer activement au développement de la presse illustré et de créer de fantastiques clichés de mannequins et ainsi que des nus. Dora Maar fut aussi à l’origine de propagation du photomontage en France.
C’est en 1933 que l’artiste entre dans le cercle des surréalistes dont elle se sentait très proche, comprenant leurs revendications et l’âme du mouvement. Lors de manifestations préparées par les membres du groupe qui poussaient les femmes artistes à être reléguée en position “de muses”, Dora Maar exposait ces photographies. Elle a su s’imposer comme créatrice indépendante, engagée et liée aux surréalistes. Ses portraits de Prévert, Breton, Paul Eluard et surtout sa femme Nusch, une amie intime, sont une partie importante del’exposition.
Aimer à perdre la raison
La rencontre avec Pablo Ruiz dit Picasso durant hiver 1935/36 a été un tournant dans l’existence de Dora Maar, qui photographie le peintre en pleine phase expérimentale cubiste, chez elle dans son atelier-studio. Pendant leurs échanges artistiques et intellectuels suivis d’une liaison amoureuse hors du commun, longue de presque neuf ans, Théodora Markovitch photographie les étapes de la réalisation du célèbre tableau Guernica à qui elle consacre le printemps entier de l’année 1937.
Elle a parfaitement capté les diverses phases d’élaboration de la peinture qui progressivement devenait un chef-d’oeuvre. Mais Picasso l’éloigne de la photographie dans laquelle elle excellait pour l’initier à la peinture d’abord, complètement influencée par la sienne, attractive et exécuté avec virtuosité et le génie qui lui était propres. Mais Dora Maar a su évoluer et réaliser des tableaux sombres, solitaires et tristes car la période de la guerre n’était pas facile à vivre. Se trouver devant les portraits du maître tel que Picasso qui peignait Dora en Femme qui pleure, ou les nommant La tête de femme ou simplement Dora Maar ou La femme dans le fauteuil, ne surprent pas, ne choque plus! La femme rouge de Picasso a pris la position du plus fort et du plus expressif.
Sur un mur est projeté en continu l’extrait du film Quai des Orfèvres de François Clouzot, sorti en 1947. Le cinéaste y montre une certaine Dora Monnier, photographe savante, capable, belle, moderne et désirable à l’image de Dora Maar des années 30.
Après la rupture définitive avec le génie espagnol, Dora Maar se consacre à la peinture abstraite. Elle continue à travailler mais reste inconnue du grand public jusqu’à une grande vente de ses oeuvres qui a lieu deux ans après sa disparation, en 1999. La décennie qui précède sa disparition fut marqué par retour progressif à la photographie. Ses photogrammes, sans utilisation d’ appareil, témoignent d’un exceptionnel savoir-faire et d’une originalité d’artiste rare qui a réussi à unir les arts.
Djenana Djana Mujadzic
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