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FIFDH 2025 : présenté en Première mondiale et hors compétition, The Veto, de Tim Slade, ausculte l’ONU malade, en dénonçant l’impasse du Conseil de sécurité

Ce samedi 8 mars, qui consacre la Journée internationale des Femmes, fut aussi la journée lors de laquelle le Festival international du film des droits humains accueillait une salle comble pour la projection du film The Veto, suivi par un débat sur les solutions à adopter pour dépasser le blocage pour sauver l’ONU. Présent lors de cet événement, le réalisateur de cinéma et de télévision Tim Slade, né en Australie, travaille à la fois dans le documentaire et la fiction.

The Veto de Tim Slade
© Tim Slade

« Est-ce qu’il y a des diplomates dans la salle ? », s’enquiert Heba Aly, la coordinatrice de la coalition pour la réforme de la Charte de l’ONU devant cette salle comble dont le silence religieux exprime les nombreuses attentes. Devant cette question légitime dans la Genève internationale, une seule main timide se lève parmi le public. Le FIFDH, qui a coutume de mêler cinéma et forum, a animé ce débat avec la thématique : « Est-ce la fin de l’ONU ? »

L’organisation de la projection de ce court métrage documentaire, suivie d’une table ronde captivante, a été rendue possible grâce à l’IPI, en partenariat avec la Mission permanente de la Principauté du Liechtenstein auprès de l’ONU. Traiter de cette question semble plus que jamais nécessaire et indispensable et le public si abondant en est la preuve : cette question est vivace au sein de la société.

The Veto s’ouvre sur un intervenant qui souligne combien il a été impressionné la première fois qu’il est entré dans la salle où se déroulent les prises de décision et les applications du veto :

« Bien que j’ai vu de nombreuses fois la salle à la télévision, la salle est si grande en réalité, très ordonnée, et semble un théâtre où les décisions des acteurs peuvent avoir des conséquences dramatiques sur certains pays puisque les décisions qu’ils prennent ont avoir avec la paix et la guerre. Ce que vous faites peut sauver des vies et ce que vous ne faites pas peut entraîner la mort de nombreuses personnes, Mais à l’époque où le conseil de l’ONU décide de l’application du veto correspond à l’ère de la décolonisation de nombreux pays qui sortent du joug de la colonisation et de l’impérialisme. L’époque est optimiste et le monde semble renaître à nouveau. »

Au fil des propos des intervenant.e.s, The Veto éclaire les enjeux relatifs aux droits humains. Le documentaire de Tim Slade interroge un mécanisme controversé, le droit de veto des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et se penche sur ce privilège qui paralyse de nombreuses résolutions internationales. Un autre intervenant souligne : « Le veto est un échec à mon avis. Il ne propose rien, il n’inspire pas, il ne crée rien. » Un troisième d’ajouter « Je pense que c’est grâce au veto qu’on a évité une troisième guerre mondiale.»

Tim Slade souligne :

« Genève semble être l’endroit idéal pour aborder ce sujet, étant donné la présence des Nations Unies ici. À New York, le siège principal de l’ONU est souvent paralysé par des questions comme celle du veto. L’Europe devra jouer un rôle accru à l’avenir, et Genève peut être un lieu où l’on impulse le changement. »

Depuis la création des Nations Unies, le veto du P5 (Chine, France, Russie, Royaume-Uni et États-Unis) a été utilisé pour protéger les intérêts nationaux. Son caractère problématique a été évoqué à plusieurs reprises, et déjà à la fin des années quarante comme le rappelle le documentaire, mais au cours du nouveau millénaire, et notamment depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, le recours dangereux au veto dans des situations de violations graves du droit international est devenu publiquement visible. L’inaction du Conseil de sécurité due à ce veto a entraîné des pertes humaines massives. Il est temps de sensibiliser le public et de réclamer des solutions. Le débat interroge : est-il temps que la société civile demande des changements dans ce mécanisme qui semble avoir fait son temps et ne plus être judicieux à l’heure actuelle ?

Depuis près de quatre-vingts ans, le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU fait l’objet de débats constants, tant au sein de l’ONU qu’en dehors. Le film, qui met en scène des experts mondiaux de premier plan (dont on ne sait malheureusement pas les noms), met de côté les affirmations selon lesquelles le changement est impossible et explore les véritables voies permettant de sortir de l’impasse au sein du Conseil de sécurité, proposant une voie de secours dans le marasme actuel de l’institution. Les voix de ceux qui ont été touchés par l’usage destructeur du veto sont entendues, ainsi que celles d’experts issus des sphères diplomatiques, politiques et militaires, et de la société civile. Ces voix sont diverses et proviennent des pays du P5 ainsi que d’autres. Des éléments d’archives illustrent avec vivacité les implications concrètes de ce problème.

Après la projection, un débat s’est ouvert sur une question provocante mais actuelle : « L’ONU est-elle en fin de cycle? »

Pour Heba Aly, coordinatrice de la UN Charter Reform Coalition, il est urgent d’agir :

«Le veto lui-même ne disparaîtra pas : il est à l’épreuve des veto. Mais lorsqu’il est invoqué pour dénoncer un génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, les obligations découlant du droit international et de la Charte des Nations Unies doivent être prises en compte. De tels recours ont entraîné des pertes humaines massives, le déplacement de millions de personnes et poussé l’ordre multilatéral à son point de rupture. »

Au fil du débat, on arrive devant le constat qu’on ne peut plus se permettre d’attendre que certains pays clefs prennent l’initiative de réformer le système. La coordinatrice d’ajouter : « Le changement devra venir de la société civile, ce qui rend les projections et les discussions comme celle-ci cruciales. »

Il faut sans doute plus qu’un film et qu’un débat pour changer le monde, mais aborder une thématique si brûlante d’actualité a le mérite de proposer une rencontre, des échanges et des discussions pour envisager des voies possibles et regarder l’avenir avec espoir.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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