Genève : La dixième édition du festival L’orgue fait son cinéma se déroule du 19 au 27 avril 2024 au Collège Claparède. Rencontre audio avec Serge Lachat
L’un des six orgues Wurlitzer conservés en Europe se trouve dans la Cité de Calvin, plus précisément au Collège Claparède. La Suisse en compte trois : un à Zurich, le second est l’orgue du café-théâtre Barnabé à Servion et le troisième est celui de l’Aula du Collège Claparède. L’Association des amis de l’orgue de cinéma du Collège Claparède convie cinéphiles et familles au festival des films muets, accompagnés à l’orgue, construit en 1937 dans l’État de New-York. L’édition 2024 célèbre le dixième anniversaire de la manifestation et allie projections de films accompagnées à l’orgue et soirées consacrées au fonctionnement et à l’entretien d’un orgue de cinéma ou encore à l’explication de la numérisation des films muets et anciens.
Une rencontre fortuite mais prédestinée dans une rue londonienne
Ce fameux orgue Wurlitzer se trouvait dans une rue située derrière un théâtre londonien sis à Clapham Junction. Un des enseignants du Collège Claplarède a saisi l’évidence entre les deux noms propres : Clapham Junction et Claparède. Comme ce théâtre, le Granada Theatre, faisait peau neuve, les responsables voulaient se mettre au goût du jour et faire un nouveau cinéma. Serge Lachat de préciser :
« Un orgue de cinéma prend beaucoup de place. Il y a l’orgue que l’on voit sur scène, mais il y a également toute la partie invisible au public, une partie qui comporte tous les cylindres. »
Pour accueillir en son sein cet honorable hôte, de Grande-Bretagne, le collège a dû préparer sa venue en créant un espace pour accueillir cet orgue et ses cylindres. Une telle installation coûte cher : le directeur de l’établissement a réussi à trouver les fonds nécessaires. Depuis l’arrivée de cet orgue Wurlitzer à Chêne-Bougeries, l’Association des amis de l’orgue de cinéma organise ce festival et convie pour ce dixième anniversaire Simon Gledhill, un organiste britannique qui a joué sur cet orgue quand ce dernier était à Londres et qui viendra retrouver cet instrument qui lui est cher.
Multiples possibilités de l’orgue de cinéma
L’orgue de cinéma est un instrument aux multiples fonctions et offre de nombreuses possibilités de sonores et de bruitages. En actionnant les touches et les clapets de la console, l’organiste peut ainsi faire résonner des sons de flûtes, de fanfares de cuivres, de cloches de cathédrale, le souffle du vent, les gouttes de pluie, les éclats de vaisselle ou encore les grelots du traîneau du Père Noël… Toute une palette incroyable de bruits qui accompagnaient les films muets ! L’organiste peut jouer à distance, sur le côté de la scène alors que les touches d’un piano fantôme, placé au milieu de la scène, s’activent toutes seules.
Par d’intermédiaire de Serge Lachat, le festival se procure des films muets, mais les longs-métrages de Charlie Chaplin, de Buster Keaton sont protégés par des droits extrêmement élevés. Cependant, les courts-métrages de Chaplin comme de Keaton sont accessibles et ce sera le cas pour deux courts projetés cette année. Serge Lachat se réjouit de voir projeter ces courts métrages issus de la Collection Lobster : The Playhouse (1921), de Buster Keaton et Behind The Screen (1916), de Charlie Chaplin. Notre guide décrit avec un plaisir communicatif ce film :
« Chaplin est dans les coulisses d’un théâtre et doit y installer diverses choses. À un moment donné, il a au moins vingt-cinq chaises à transporter sur les bras et sur les jambes. Il essaie de se déplacer avec ces vingt-cinq chaises qu’il va aller installer dans la salle. C’est extraordinaire ! Comme on peut passer dorénavant des films à partir des éditions DVD au Blu-ray, il y aura Serge Bromberg, un spécialiste, et fondateur de la collection Lobster-Films (Paris), cette maison qui sort des films classiques et des films anciens sur support DVD ou Blu-ray. Serge Bromberg vient expliquer comment on restaure et on digitaline les films anciens et muets. Cela s’améliore sans cesse : il y a quelques années, ces films avaient des sons qui n’étaient pas aussi bons qu’aujourd’hui. De nos jours, on obtient des films restaurés en 5K, c’est extraordinaire. Serge Bromberg nous explique les choses étonnantes : aux États-Unis, à l’époque de Chaplin, il y avait toujours deux caméras qui filmaient. Au cas où il y avait une des deux qui tombait en panne, ils avaient au moins une copie. Et quand les deux caméras avaient fonctionné, la plus mauvaise des copies était envoyée en Europe et la meilleure était gardée aux États-Unis. »
Quelques jalons biographiques de notre guide
Né à Porrentruy, Serge Lachat a fait toutes ces classes à Bienne, ville bilingue où son papa est venu travailler. Enfant unique, Serge Lachat avait pour compagnie les livres dans lesquels il se plongeait avec délectation. Il a toujours été un grand lecteur et n’avait que les livres dans sa vie jusqu’au jour où un cinéma de Bienne a commencé à proposer des séances spéciales où étaient projetés des films anciens. Serge Lachat se souvient : « Dans ce cinéma existait un ciné club qui dépendait très vaguement de l’église et où on voyait des films anciens en version originale. Cela m’a donné le goût du cinéma et quand je suis arrivé à Genève, j’ai fréquenté le ciné-club universitaire parce que c’était la première chose à laquelle j’avais accès. »
En 1970, Serge Lachat a commencé l’enseignement dans un collège qui s’ouvrait, le Collège Rousseau. Ce collège avait un projecteur 35 mm et un groupe de professeurs, dont Serge, a créé un ciné-club avec un lien particulièrement étroit avec la cinémathèque. Freddy Buache trouvait cette proposition formidable : « Il arrivait avec les pellicules de films qui faisaient un poids incroyable. On allait le chercher au Bouchet et il présentait les films aux collégiens. Cette façon de présenter les films m’a toujours semblé extraordinaire parce que les élèves avaient envie d’en savoir plus grâce à la présentation. »
Pendant ses années d’enseignement au Collège Rousseau, quatre ou cinq enseignants se chargeaient du ciné-club qui marchait extrêmement bien. Les films étaient projetés après les cours. Certains films étaient aussi projetés pendant les cours comme dans le cas des cours d’histoire. Le cinéma a toujours eu une grande importance dans la vie de Serge. À l’époque, il y avait le Collège Calvin pour les garçons, le Collège Voltaire pour les filles et le Collège Rousseau qui était le premier collège mixte. Un professeur s’est vu offrir la direction d’un nouveau collège qui allait ouvrir sur la Seymaz, le Collège Claparède. Quand on lui a proposé cet orgue, il s’en est réjoui et a tout mis en œuvre pour que cet instrument fasse le charme de Claparède.
À côté de l’enseignement, Serge Lachat met un pied à la radio quand un ami, Jean Perret, lui demande d’assurer les chroniques hebdomadaires des sorties des films les mercredis alors qu’il doit s’absenter pour suivre des festivals. À soixante ans, Serge Lachat décide de quitter l’enseignement pour se consacrer pleinement à la radio pendant cinq ans. C’est ainsi qu’il a réalisé des interviews et fréquenté des festivals comme Locarno et Soleure. Une fois à la retraite, il a commencé à enseigner à Uni3 Genève à un auditoire de passionnés.bDans le cadre du festival de l’orgue de cinéma, Serge Lachat donne des avis ou manifeste des désirs de films et il est la personne chargée de présenter les films avant les projections.
Ce dixième anniversaire promet de grands moments de musique, de spectacle, de cinéma, d’émotion avec de nombreux organistes de grand talent. Rencontre avec Serge Lachat:
Firouz E. Pillet
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