Hors normes, d’Eric Toledano et Olivier Nakache, révèle le terrible état dans lequel sont laissés les enfants autistes et leurs éducateurs
A Paris, Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb) vivent depuis vingt ans dans un monde à part, celui des enfants et adolescents autistes. Au sein de leurs deux associations respectives, ils forment des jeunes issus des quartiers difficiles pour encadrer ces cas qualifiés « d’hyper complexes ». Une alliance hors du commun pour des personnalités hors normes.
Sur la bande-son qui ponctue, par une percussion à rythme régulier, le générique, la caméra du tandem Eric Toledano – Olivier Nakache, une jeune fille à la chevelure rousse est lancée dans une course effrénée, bousculant les gens. Soudain, elle est attrapée par un homme qui lui serre les bras autour du corps alors qu’elle hurle et la maintient au sol. L’homme en question, c’est un éducateur, Malik, qui engage des jeunes de banlieues, désoeuvrés, pour prendre soin des enfants et adolescents autistes. Dans la scène suivante, on observe Bruno, un autre éducateur, qui va chercher Josph (Benjamin Lesieur) auprès des agents de la RATP car il a tiré la sonnette d’alarme « sans faire exprès », a tenté de mordre un agent. Les agents veulent le verbaliser et s’y sont pris à quatre mais « il n’a pas été très coopératif. » Joseph enchaîne comme un disque rayé :« Je veux voir tes chaussettes, mettre ma tête contre ton épaule, taper ma mère. » Bruno négocie et peut emmener Josph chez sa mère, Hélène (Hélène Vincent) qui adore Bruno depuis qu’il a remis des vacances à son fils, laissé pour compte de toutes les autres institutions; elle a pris l’habitude de lui préparer son gâteau à l’ananas préféré et confit à l’éducateur : José regarde les anciennes publicités en boucle, elles le calment. »
La caméra du duo passe ensuite à Valentin (Marco Locatelli), hospitalisé, en attente d’une place dans un foyer, qui est casqué car il se frappe la tête contre les murs toute la journée. Sa situation est compliquée : sa mère est hospitalisée, son père est larguée. Bruno discute avec la doctoresse de l’hôpital (Catherine Mouchet) qui attend son feu vert.
Pendant tout le film, ces deux éducateurs au grand coeur sont constamment en course, allant d’un cas à un autre sans prendre de répit, relèvent des défis auxquels la société ne s’intéresse plus ou pas. Mais ils sont entravés et ont maille à partir avec des inspecteurs de l’institution. Malik cherche un jeune pour l’assister pour la sortie d’hôpital de Valentin et engage Dylan (Bryan Mialoundama).
Ces hauts fonctionnaires qui sortent de l’ENA sont envoyés par le ministre de la santé. Ils viennent de l’inspection générale des affaires sociales et enquêtent sur les deux associations de Bruno et de Malik qui sont dévoués, investis, efficaces, sollicités par les médecins comme par les familles pour les enfants en attente mais qui ne sont pas munis d’un agrément. Cela pose problème à la bureaucratie française. Ils mettent Bruno à bout de nerfs et ce dernier, leur jetant les photos des enfants sur la table, leur propose : « La solution alternative, c’est la fermeture. Son ami comptable met Bruno en garde. Tu es dans le viseur, tu embauches trop, fais attention ! »
Les deux associations effectuent un travail de titans et s’investissent pour la cause des enfants et adolescents autistes laissés pour compte. Peu importe les convictions de chacun – une femme voilée côtoie des juifs en tenue traditionnels, un iman barbu – le brassage culturel semble être le ciment de ces personnes pleinement consacrées à sauver leurs protégés.
On retrouve Joseph : habile dans le monde des machines à laver, il se rend en métro, seul, dans une entreprise pour y travailler : il doit faire les petites courses, c’est-à-dire amener de petites pièces à l’atelier de Montreuil en parcourant quatre stations de métro.
La mère (Hélène Vincent) de Joseph explique aux deux inspecteurs le parcours de son fils Joseph : « Joseph a été vidé de l’école car ses crises effrayaient tout le monde. J’ai arrêté de travailler pour m’en occuper. Avec mon mari, on a fait le tour des institutions. Un jour, mon mari a pensé l’envoyer en vacances : Joseph a été accepté à L’Escale, dirigé par Bruno qui nous a redonné espoir pour notre fils. Il est parti trois semaines à la montagne, il est rentré transformé. Joseph a des accès de violence, il doit verbaliser puis après cela redescend. »
Les inspecteurs de rétorquer à Hélène . « Cette association ne bénéfice toujours pas à l’heure où on vous parle d’autorisation officielle. »
La mère de Joseph ne se laisse pas intimider et leur souligne . « Il faut réfléchir au long terme. Quant ces enfants sont petits et mignons, on ne réalise pas ce qui nous attend. J’ai pensé au combat immédiat. Peu m’importe l’agrément. »
Hyperactif, Bruno ne cesse courir d’un hôpital à une institution pour offrir un abri à un maximum d’enfants autistes. Toujours célibataire, il est convié une fois par semaine dans le restaurant de Menahem. Aujourd’hui, il rencontre une femme de Strasbourg, Myriam mais leur conversation est rapidement interrompue pau appel téléphonique.
Dylan arrive presque toujours en retard mais aujourd’hui, il a trente minutes de retard … Malik s’impatiente. « Je suis resté une demi-heure bloqué ce matin car quelqu’un a tiré la sonnette d’alarmeme. » Malik s’agace … Pourtant, les sectateurs a fait la relation avec les habitudes de Joseph. Malik, excédé : « Il faut sortir de vos clichés. Cela met dans la mouise des parents qui sont retard au travail car ils attendent qu’on vienne chercher leur enfant. » Dylan, sincère dans son excuse, se vexe et repart aussitôt.
Il reviendra l’après-midi et ira s’assoir près de Valentin qui lui fera payer son absence matinale. C’est en effet très déstabilisant pour un enfant autiste de ne pas retrouver ses repères sécurisantes et le film souligne tous ces rouages fondamentaux pour gérer les angoisses et les tocs de ces enfants.
Les deux fils conducteurs du film sont ces soirées de rencontres dans le restaurant de Menahem et les visites des deux inspecteurs, tous deux ponctuant la frénésie du travail des deux associations. Bruno répond aux accusations des deux inspecteurs : « Quand j’ai commencé, j’ai engagé du personnel quand j’ai ouvert ces appartements en 2011. Vous m’avez reproché d’avoir pris des risques inconsidérés. Ce qui est inconsidéré, c’est de laisser des mioches gavés de médocs, on les récupère après des années d’encadrement : c’est compliqué. Il n’y a pas besoin de diplôme à se faire frapper. » Les deux inspecteurs se taisent devant une telle évidence.
Lors d’une réunion à la fois didactique et ludique avec les jeunes stagiaires, Malik fait deviner des acronymes …Le premier à répondre est Dylan et semble, durant ce match entre L’escale et La voix des justes, faire gagner son équipe. Ce jeune, encore livré à lui-même il y a quelques semaines, sans perspective d’avenir, semble avoir trouvé sa voix. Malik annonce : « On monte d’un cran ! » Dylan trouve de nouveau le premier l’acronyme plus long car c’est le lieu où Dylan voit l’orthophoniste qui le branche. On apprend bien des choses par le travail.
On retrouve la doctoresse de Valentin qui répond aux questions des inspecteurs : « il s’agit des cas les plus sévères et lourds de l’Ile de France : on les garde trois mois, on n’a pas vocation à les garder longtemps. La sélection des institutions des cas les plus compliqués, c’est une réalité. La Voix des justes est accueillante pour les patients que la société qui les refoule ou condamnés à rester enfermés. En médecine on fonctionne par protocole. Ces personnes sont portées par le coeur, leur foi, ils innovent. » Tout est dit.
A travers toutes ces destinées, le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache dénonce la bien triste réalité des rouages officiels qui ne prennent pas en compte la réalité du terrain où des travailleurs sociaux oeuvrent avec conviction, énergie et dévouement sans recevoir de soutien financier de l’Etat. Ce film puissant et émouvant ouvre un chapitre encore considérer comme tabou dans notre société contemporaine qui met en avant la perfection des êtres et rejettent les personnes « différentes » Un film coup de poing, très bien interprété et dirigé, nécessaire et captivant !
L’optimisme reste de mise : Bruno et Hélène assiste à un spectacle Joseph danse au milieu d’une troupe.
Le générique de fin révèlent les chiffres actuels de ces laissés pour compte et des instituions qui en prennent soin en France: au fil des années, certaines associations sont parvenues à occuper une place tout à fait particulière dans le champ de la santé mentale , du handicap et de la protection de l’enfance.
Firouz E. Pillet
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