La culture kabyle perd un de ses grands défenseurs : le chanteur Algérien Idir n’est plus.
Idir a d’abord eu un public communautaire puis, à force de faire des duos, il a vu son public s’élargir. Avec l’avènement de la world music, le public n’a plus eu de frontières. C’est à travers le monde que la nouvelle de sa mort a ébranlé public et artistes. Idir laisse non seulement la Kabylie mais aussi le monde entier en deuil d’un artiste ouvert aux autres cultures et à l’humanité.
À force de les aimer, de faire des choses avec eux, il était temps aussi pour moi de m’immiscer dans la chanson française et de la chanter du mieux que je peux.
En 2017, le chanteur kabyle Idir sortait son disque Ici et ailleurs avec de nombreuses stars de la chansons française, de Charles Aznavour à Francis Cabrel, en passant par Grand Corps Malade ou Patrick Bruel.
Des origines modestes
Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, ne se destinait pas à la chanson. Mais un de ses premiers titres, A Vava Inouva, devient rapidement dans les années 1970 un tube planétaire, le premier grand tube venu directement d’Afrique du Nord.
La production discographique d’Idir est modeste, sept albums studio au total, mais son œuvre a contribué au renouvellement de la chanson berbère et a apporté à la culture berbère une audience internationale. A chaque rencontre, Idid marque par sa générosité, son humanité mais l’homme reste toujours toujours discret.
Fils de berger, né dans le village d’Aït Lahcène, village perché sur les monts du Djurdjura, son milieu familial est imprégné de la tradition et de la culture berbère.
J’ai eu la chance d’avoir une grand-mère et une mère poétesses
indique-t-il dans un entretien et poursuit:
on venait de loin pour les écouter. J’ai baigné dans l’atmosphère magique des veillées où l’on racontait des contes et des énigmes. Dans une société de culture orale, la valeur du mot est immense. La capacité à ciseler les mots, à inventer des images, est aujourd’hui encore très prisée chez nous.
Grand défenseur de la culture berbère, Idir sera animé par cette mission tout au long de sa vie.
Une carrière artistique par hasard
Idir entreprend des études de géologie et se destine à une carrière dans l’industrie pétrolière algérienne. En 1973, sa carrière musicale commence par hasard, à Radio Alger. Il remplace au pied levé la chanteuse Nouara qui devait interpréter une berceuse qu’il lui avait composée. Il interprète cette berceuse qui va devenir son premier succès radiophonique, Rsed A Yidess qui signifie « Que vienne le sommeil ». Il enregistre ce titre ainsi qu’un second, A Vava Inouva (Mon papa à moi), en 45 tours. Puis Idir part faire son service militaire pendant deux ans. La chanson commence à se diffuser en Algérie, puis hors des frontières. Officier dans une petite caserne, il s’écoute sur les ondes algériennes et étrangères.
Après ce succès, Idir écrit à nouveau et enregistre Ayarrach Negh (À nos enfants ), un album qui sort en 1979. Il enchaîne sur une longue série de concerts mais cet homme discret supporte difficilement cette constante mise en lumière.
L’art des rencontres artistiques, symbole d’une humanité métissée
l’une des spécialités d’Idir est de proposer à des artistes de tous horizons de joindre leurs talents comme lors de sa rencontre avec Alan Stivell date de 1993 où il l’invitait dans son album Les Chasseurs de lumière. Les Toulousains de Zebda ont participé au disque Identités quelques années plus tard et Jean-Jacques Goldman écrit les paroles de Pourquoi cette pluie ? en 2002 pour l’album Deux Rives, un rêve.
Idir, un humaniste au grand coeur
Idir participe souvent à des concerts pour soutenir différentes causes. En juin 1995, Idir et Khaled, initiateurs de l’association l’Algérie la vie, donnent un concert pour la paix, la liberté et la tolérance. C’est un succès pour les deux artistes qui réunissent à cette occasion les communautés kabylophones et arabophones.
En 1996, Idir sort une réédition de son tout premier album, vingt ans après : A Vava Inouva. Idir participe aussi au concert hommage rendu à Lounes Matoub, chanteur kabyle, assassiné en 1998.
Le véritable retour discographique d’Idir se fait avec Identités en 1999, l’album hommage qui réunit de nombreux artistes de Manu Chao (A Tulawin (Une algérienne debout)) à Dan Ar Braz en passant par Maxime Le Forestier ou Karen Matheson pour un A Vava Inouva, mais aussi Zebda, Gilles Servat, Geoffrey Oryema et l’ONB, regroupant les artistes qui prônent l’ouverture culturelle ainsi que la reconnaissance des racines propres à chacun.
La diversité culturelle, il la défend à nouveau en 2001 au cours du 21e printemps berbère organisé au Zénith parisien, manifestation qui célèbre la culture berbère. Cette soirée de fête est renouvelée plus tôt que prévu, en juillet 2001, toujours sous la houlette de Idir, lorsque de violentes émeutes ravagent la Kabylie.
La responsable des Spectacles onésiens, qui avait accueilli Idir à la salle communale d’Onex en 1996, 1999, 2003, 2007 et 2013, a déclaré :
Cet homme était magnifique d’humanité et l’artiste d’une générosité rare. Je l’ai accueilli plusieurs fois à Onex et à chaque fois, sa gentillesse et son charisme me touchaient au cœur. Je suis si triste.
Firouz E. Pillet
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