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La Ferme des Bertrand, Gilles Perret, retrace cinquante ans de vie et de dur labeur d’agriculteurs de Haute-Savoie. Rencontre

Le réalisateur suit l’évolution d’une exploitation laitière, productrice du fameux Reblochon, durant cinquante ans, à travers un documentaire qui respire l’authenticité et l’objectivité.
Alors que la colère des agriculteurs, français comme suisses, gronde depuis plusieurs mois, ce film consacré à une famille d’agriculteurs de Haute-Savoie sort sur les écrans romands. La Ferme des Bertrand, réalisé par Gilles Perret et co-écrit par le réalisateur et sa compagne Marion Richoux, donne la parole à des paysans taiseux, habitués à cacher leurs émotions et qui se livrent ici avec pudeur et dignité.

La Ferme des Bertrand de Gilles Perret
© Laurent Cousin

Gilles Perret connaît la ferme des Bertrand depuis toujours puisqu’il est leur voisin. Leurs maisons ne sont séparées que par cent mètres, ce qui a permis au jeune Gilles de s’amuser dans la ferme des Bertrand et de les accompagner sur les tracteurs lors des travaux des champs. Le cinéaste connaît si bien la famille Bertrand qu’en 1997, souhaitant rendre justice aux agriculteurs souvent présentés de manière caricaturale, et parfois dévalorisante, par les actualités et les magazines, il décide de leur consacrer un premier documentaire pour révéler au public une image authentique du monde paysan à travers les confidences pudiques et emplies de justesse, de sincérité et de retenue, des trois frères Bertrand : André, Joseph et Jean. La caméra se met à tourner alors que les trois agriculteurs sont en train de transmettre la ferme à leur neveu Patrick et sa femme Hélène.

Les filmant dans leurs activités quotidiennes et leur labeur, et grâce à leur amitié de longue date, Gilles Perret devient alors le réceptacle d’une parole spontanée, libre et précieuse qui révèle toutes les facettes du métier d’agriculteur. Ignorant à l’époque qu’il était en train de réaliser un documentaire, n’avant aucune culture cinéphilique, le réalisateur en prendra conscience quand son film sera primé dans des festivals de films de montagne, dans sa région comme aux Diablerets.

Cinquante ans se sont écoulés dans la vie d’une ferme, précisément dans cette exploitation laitière, qui est détentrice de l’appellation Reblochon AOC qui les contraint à traire trois-cent-soixante-cinq jours par an matin et soir. Cette ferme, d’une centaine de bêtes, est tenue par trois frères célibataires et qui le resteront toute leur vie bien malgré eux. Comme André, le moustachu de la fratrie et seul survivant aujourd’hui, le confesse : « fonder une famille à l’époque de l’exode rural » et de l’attrait croissant des centres urbains était « voué à l’échec ».

Gilles Perret a toujours pensé que Trois frères pour une vie (1997) méritait une plus large diffusion. Aujourd’hui, vingt-cinq ans après, le réalisateur-voisin a donc décidé de reprendre sa caméra pour accompagner Hélène qui se prépare à passer la main aux jeunes générations, Marc et Alex, qui investissent dans des robots de traite.
À travers la parole et les gestes des personnes qui se sont succédé, le film dévoile des parcours de vie bouleversants où sacrifice personnel, labeur intense, connaissance immense de la terre et des animaux ainsi que transmission occupent une place centrale.

La Ferme des Bertrand montre l’évolution de la pénibilité du travail sur un demi-siècle. On passe ainsi de l’image des trois frères cassant des cailloux en 1972 jusqu’à l’arrivée des robots de traite gérés grâce à l’informatique, une facilitation du travail qui rime avec productivisme et déshumanisation peut-être, mais surtout avec diminution de la pénibilité du travail et gain en qualité de vie. Livrant une histoire à la fois très intime, sociologique, anthropologique, économique du monde paysan, Lle film s’inscrit aussi dans une dimension politique quand on songe aux pressions que les agriculteurs subissent des lobbys de l’agro-industrie et de l’agroalimentaire.

Gilles Perret et sa coscénariste et compagne Marion Richoux sont venus échanger avec le public à l’occasion de l’avant-première du film aux cinémas Les Scala, à Genève. Rencontre avec Gilles Perret et Marion Richoux:

 

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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