Le dernier film de Philippe Faucon, Les Harkis, rend un hommage aux oubliés de la République française. Rencontre
Présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs durant le dernier Festival de Cannes, le dernier film de Philippe Faucon, Les Harkis, rappelle un chapitre guère glorieux de la Guerre d’Algérie.
Fin des années cinquante, début des années soixante, la guerre d’Algérie se prolonge. Salah (Mohammed Mouffok), Kaddour (Omar Boulakirba) et d’autres jeunes Algériens, issus des campagnes défavorisés, sans ressources, rejoignent l’armée française par obligation, en tant que harkis pour subvenir aux besoins de leurs familles. À leur tête, le lieutenant Pascal (Théo Cholby), tente tant bien que mal de créer une humanité et une fraternité entre les jeunes harkis et d’appliquer les ordres venus de Paris. L’issue du conflit laisse prévoir l’indépendance prochaine de l’Algérie. Le sort des Harkis paraît très incertain. Le lieutenant Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité.
Philippe Faucon s’est abondamment documenté sur la Guerre d’Algérie, un sujet qui lui est cher et qu’il avait déjà abordé dans son film La trahison, sorti en 2005. Il faut souligner que le réalisateur a connu une certaine proximité avec la culture algérienne puisqu’il a vu le jour à Oujda, au Maroc, mais a passé les quatre premières années de sa vie en Algérie où son père était militaire. Cette période a profondément marqué le cinéaste, en particulier les non-dits et les demi-vérités qui ont imprégné sa famille :
« Nous avons hérité de quelque chose qui s’est transmis sans toujours avoir été exprimé. Nous avons ensuite grandi et rencontré d’autres jeunes de nos âges, héritiers, eux aussi, de quelque chose de très à vif et très antagoniste autour de la mémoire de la guerre, que ce soient les enfants d’anciens harkis ou ceux marqués par les souffrances subies pour la cause de l’indépendance de l’Algérie. »
Faisant désormais partie du lexique français, le mot « harki » désigne un supplétif algérien de l’armée française, pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954‐1962), membre d’une unité appelée harka, du mot arabe signifiant « mouvement ».
Au fil de son film, Philippe Faucon montre que ces Harkis étaient constamment en mouvement pour traquer et détrousser un ennemi qui maîtrisait aussi bien qu’eux les collines, les grottes, le désert. Le cinéaste opte pour un style épuré et évite le sensationnel, montrant l’ennui, la lassitude, le sentiment d’inutilité.
Tout au long de sa narration, Philippe Faucon privilégie de filmer un groupe de harkis plus que de mettre certains individus en avant. Même en groupe, ces hommes se muent de plus en plus dans le silence quand ils comprendront que la France les abandonne à leur triste sort, la plupart étant vus comme des traîtres par les Algériens; ils seront nombreux à être assassinés. Le film rappelle cette issue fatidique par les propos échangés entre des soldats et le lieutenant, mais souligne le sentiment d’injustice et de trahison qu’ont éprouvé ces harkis que la France avait aussitôt désarmés pour mieux les abandonner et les livrer à la vindicte de leurs compatriotes. Le récit se déroule durant les trois dernières années de la guerre d’Algérie, entre 1959 et 1962.
Venu à Genève pour présenter son film à l’avant-première aux Cinémas du Grütli avant une discussion avec le public, Philippe Faucon s’est confié sur ses intentions en consacrant son film aux Harkis, sur le choix de ses comédiens, sur le lieu du tournage, sur les résonances de ce chapitre douloureux de l’histoire de l’Algérie au fil des générations. Rencontre.
Firouz E. Pillet
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