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Les Gardiennes de la planète, de Jean-Albert Lièvre, invite à une odyssée poétique et instructive au cœur de l’univers des baleines

Les Gardiennes de la Planète : le titre de ce documentaire époustouflant résume à lui seul la démarche du réalisateur Jean-Albert Lièvre. Prendre fait et cause pour le plus grand mammifère au monde, auquel l’humanité est étroitement liée, c’est en réalité garantir la survie du monde.

Les Gardiennes de la planète de Jean-Albert Lièvre
Image courtoisie JMH

Le documentaire s’ouvre sur les images aériennes d’une baleine à bosse qui s’est échouée sur un rivage isolé. Le lieu n’est pas précisé mais on a en mémoire les rivages de Nouvelle-Zélande ou d’Australie… Le film démarre donc avec l’histoire d’un rorqual à bosse échoué sur une côte éloignée et qui prend les spectateurs à témoin lors de la lutte et la course contre-la-montre pour sauver sa vie. Il faut une chaîne de solidarité pour permettre à ce mammifère des océans d’être sauvé et de regagner son milieu naturel.

Plus proche de nous, on songe ce rorqual mesurant quinze mètres de long et pesant près de vingt tonnes qui s’est échoué en septembre 2022 sur l’île de Sein. Le long du chantier côtier, les rares vacanciers encore présents étaient émus, car l’animal a vécu encore de nombreuses heures, suppliant à l’aide avec son regard bleu turquoise. Mais le garde-maritime présent n’a pas envisagé d’appeler du renfort pour le remettre à l’eau. Alors que l’animal gisait, agonisant, le fonctionnaire zélé s’est contenté de prendre des mesures pour l’équarrissage. Après d’interminables heures de souffrance, le mammifère marin a fini par clore ses paupières.

Dans ce documentaire, le réalisateur Jean-Albert Lièvre nous montre un groupe d’hommes et de femmes qui organise son sauvetage, le couvrant de tissus mouillés et jetant des seaux d’eau sur sa peau exposée au soleil. Il choisit de nous montrer les diverses étapes de ce sauvetage qui reviendra, périodiquement, comme un fil conducteur durant le film. Puis il nous entraîne au milieu des flots pour découvrir l’histoire extraordinaire des cétacés, citoyens des océans du monde, essentiels à l’écosystème de notre planète depuis plus de cinquante millions d’années.

Le cinéaste raconte l’histoire des baleines à la lumière des découvertes scientifiques les plus récentes, du Mexique au Groenland, avec des prises de vues sous-marines spectaculaires. Les chiffres donnent le vertige : certains baleines peuvent vivre deux-cent-quarante ans, elles peuvent rester huit mois sans manger, mais dépenser un million de calories par jour ! Au fil des images et des commentaires qui les accompagnent, le documentaire souligne l’importance des baleines et la façon dont la survie de l’homme est liée à leur présence.

Les Gardiennes de la Planète montrent les similitudes entre les baleines bleues, les baleines à bosse, les baleines noires de l’Atlantique Nord. Grâce à ces majestueux habitants de l’océan, Jean-Albert Lièvre entraîne le public, toutes générations confondues, dans un voyage immersif à couper le souffle ! Pour réaliser cette odyssée captivante, il les a suivies dans toutes les mers du globe, permettant de présenter un grand nombre d’espèces et leurs magnifiques chants associés, envoûtants, par moments féériques, voire hypnotiques. La caméra de Jean-Albert Lièvre nous entraîne des mers de l’Antarctique aux mers de l’Atlantique Nord en passant par les mers plus chaudes.

Les Gardiennes de la planète de Jean-Albert Lièvre
Image courtoisie JMH

Le récit est conté par une voix off correspondant à un baleineau, interprété par Jean Dujardin. Inspiré par le poème de Heathcote Williams, Whale Nation (Harmony Books, 1988), le documentariste a choisi de faire de cette épopée maritime tant une ode aux cétacés qu’un poème maritime où les chants des baleines semblent être les rimes de ces vers, mais a tenu a y apporté de nombreux éléments scientifiques passionnants.

La caméra, parfois flottant sur les vagues, souvent sous-marine, peut s’enfoncer dans de grandes profondeurs et offrir des images spectaculaires, d’une immense beauté. Les images sont d’une stabilité remarquable et les plans filmés, mis en valeur par un excellent montage, permettent de suivre plusieurs baleines dans les activités de leur vie quotidienne. On peut ainsi voir que la jalousie n’existe pas chez les elles : une femelle peut ainsi s’accoupler avec deux mâles qui sont solidaires et s’entraident afin de garantir la survie de l’espèce.

Certaines séquences sont si exceptionnelles qu’on en admire la prouesse technique pour obtenir un tel résultat. Les différentes espèces montrées sont variées et permettent de découvrir leurs différentes morphologies, leurs comportements et leurs habitudes spécifiques, leurs chants toujours liés à leurs clans. On découvre ainsi qu’il y a différents dialectes à travers le monde mais que les baleines se comprennent entre elles. La photographie est remarquablement lumineuse.

Le travail effectué sur le son est exceptionnel et invite au voyage des sens : enchaînant des chants aigus ou très graves, des sons de cliquetis ou de modulations variées, le chant des baleines nous rappelle la puissance de leurs vocalises qui sert de transmission, un réseau de communications ancestral que ces mammifères marins les plus grands du monde maîtrisent à la perfection… Sauf quand l’être humain s’en mêle et vient dérégler, voire menacer un écosystème parfaitement équilibré.

On en vient juste à regretter que la musique, par moments trop forte, couvre ces chants captés à la perfection. Le choix de la musique reste discutable et n’apporte, malheureusement, rien au bercement voluptueux des flots, bien au contraire !

Jean-Albert Lièvre a rondement mené ce projet ambitieux en racontant toute l’histoire de ces impressionnants cétacés. Si ce documentaire a un évident intérêt didactique et éducatif, il séduira par sa dimension poétique et par sa splendeur visuelle, idéal pour s’émerveiller en apprenant sur ces animaux.

Julien Seul, le producteur du film, souligne qu’au-delà de la beauté visuelle des images et de la portée didactique, Les Gardiennes de la planète peut procurer « un peu de spiritualité dans un monde où tout va si vite ».

Si le résultat semble si limpide, fluide, le réalisateur souligne que son entreprise a été ardue car ce sont les baleines elles-mêmes qui décidaient de tout :

« Parvenir à ce résultat a nécessité de s’approcher au plus près des baleines, ce qui n’est pas chose facile, explique la production. Plusieurs conditions doivent être réunies : une bonne météo, une bonne visibilité sous-marine, beaucoup de patience, des animaux au rendez-vous, de la réactivité et de la chance ! Si elles ne veulent pas être approchées, elles s’éloignent. Si elles restent à proximité, c’est qu’elles acceptent en quelques sorte la présence humaine. Et alors, des rencontres fabuleuses peuvent se produire ».

Sans être moralisateur, ce documentaire rappelle l’importance de cet animal extraordinaire et les dangers qu’il brave …. Dont le plus grand reste l’être humain avec la chasse, la pollution, les nuisances sonores, les déchets en plastique ou les filets de pêche ! Quelques images d’archives intégrées dans la trame narrative rappellent l’action humaine et ses conséquences dramatiques sur la survie des cétacés : la pêche de ces mammifères réduit drastiquement leur population. Par exemple, après une déclaration hypocrite du Japon affirmant procéder à une pêche scientifique, l’archipel nippon a réintroduit la pêche commerciale à la baleine en 2019 !

Ce film, important et nécessaire, est le bienvenu, destiné à toucher les spectateurs de toutes les générations dans un contexte où la biodiversité est désormais plus qu’une priorité : une nécessité de survie ! Les baleines, des animaux mis en danger… par l’Homme ! Elles doivent être protégées, respectées et défendues.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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