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Locarno 2023 – Le court métrage Dammi de Yann Mounir Demange et le long métrage L’Étoile filante de Fiona Gordon et Dominique Abel ouvrent le festival sur la Piazza Grande

Les ouvertures de festivals sont toujours très délicates à sélectionner, tant elles doivent répondre à des impératifs – tels que donner le ton du festival à venir, pouvoir toucher le public le plus large possible, etc. –  qui, traditionnellement, ne répondent pas aux attentes de tous les festivaliers. Cêst ainsi que le festival de Locarno passe d’une ouverture pétaradante l’année passée avec Bullet Train de David Leitch, mettant à l’affiche des stars de Hollywood (à sa tête, Brad Pitt) qui n’étaient pas en grève, à une ouverture insolite pour sa 76ème édition : un court métrage qui flirte avec l’expérimental et un long métrage du duo d’artistes-cinéastes Abel et Gordon qui produisent leurs propres spectacles et films avec, pour marque de fabrique, une veine burlesque basée sur l’absurde narratif et un jeu très physique.

Dammi

Un homme, à Paris, nous convie à son parcours disruptif dans sa ville natale qu’il a quitté enfant pour Londres. À la recherche de ses racines, de son identité, de ses langues disparues de son bagage identitaires, il erre tel un fantôme dans un monde qui l’attire mais qui l’ignore, un monde qui ne le reconnaît pas, ne l’entend pas, avec pour point d’attache l’existence de son père qui, comme lui, a changé son prénom pour se fondre superficiellement  dans une société d’accueil.

— Riz Ahmed et Souheila Yacoub – Dammi
© 2023 – AMI Paris – Vixens – Wayward Films

Film atmosphérique, avec dans le rôle-titre Riz Ahmed qui a reçu à l’occasion de la projection l’Excellence Award Davide Campari, Dammi superpose les visuels et les sons dans un cinéma ample, quasi ésotérique, à la confluence de la conception artistique de Terrence Malick. La rencontre avec une jeune femme française d’ascendance algérienne lui permet de plonger au cœur de sa quête et se confronter aux obstacles intimes qui l’empêchent de se définir et de s’approprier sa vie qui semble suspendue dans ce ventre mou qu’est cette ville, où il a été conçu. C’est ici que se nichent sa peur et sa honte existentielles, ainsi que le sentiment d’abandon. Cette jeune femme projette un pont entre lui et ses origines et fait émerger Paris comme le chaînon manquant entre Londres et Alger, cette dernière remplissant le barrage de tous ses fantasmes identitaires, car c’est bien connu, « derrière Paris, il y a toujours Alger. »

De Yann Mounir Demange; avec Riz Ahmed, Souheila Yacoub, Yousfi Henine et la participation d’Isabelle Adjani et Sandor Funtek; France; 2023; 16 minutes.

L’Étoile filante

Pour leur cinquième long métrage, le duo canado-belge Abel & Gordon retrouve leur compagnon au long cours, l’acteur  Bruno Romy, dans le rôle d’un homme, victime d’un attentat 20 ans auparavant qui retrouve son auteur et cherche à se venger. Boris (Dominique Abel), rangé de ses activités révolutionnaires, vit dans la clandestinité à Bruxelles avec sa compagne Kayoko (Kaori Ito) et leur fidèle ami Tim (Philippe Martz), qui veille sur eux et leur bar, L’Étoile filante. Pour sauver Boris, les trois compères fomentent un plan : faire passer Dom (à nouveau Dominique Abel), un neurasthénique qui se shoote aux patchs d’antidépresseurs qui a deux qualités – ressembler à Boris et être seul. Sauf que Dom n’est pas seul dans la vie, il a une ex-femme, détective privée qui plus est, Fiona (Fiona Gordon)…

— Dominique Abel et Fiona Gordon – L’Étoile filante
© Laurent Thurin Nal

Le film se compose de saynètes qui convoquent l’imaginaire de Buster Keaton et Jacques Tati, rappellent l’univers d’Aki Kaurismäki, dans la composition des décors, de  l’utilisation des couleurs vives dans un monde gris, de la musique narrative (sans bien sûr le rock finnois qui trame l’œuvre de Kaurismäki), des êtres perdus et suspendus dans leurs vies, sans temporalité manifeste avec pourtant des marqueurs sociaux de l’époque.
Le comique de situation répétitif – l’homme qui veut se venger a un petit problème technique : son bras mécanique lui joue des tours à chaque fois qu’il veut tirer sur Boris – entrave quelque peu l’élan de L’Étoile filante, teinté de poésie circassienne. L’intrigue minimaliste qui se réfère au film noir est le prétexte à des numéros parfaitement chorégraphiés entre les différents personnages, de jolis moments oniriques émaillent l’œuvre, couplés au burlesque qui souligne l’empêchement structurel de ces personnes à vivre parmi les autres et font écho, par-ci par-là, à des traits que chaque spectateur∙trice reconnaîtra dans sa propre vie.

De Fiona Gordon et Dominique Abel; avec Fiona Gordon, Dominique Abel, Kaori Ito, Philippe Martz, Bruno Romy; France, Belgique; 2023; 98 minutes.

Malik Berkati, Locarno

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Malik Berkati

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