Ma famille afghane (Moje Slunce Maad; My Sunny Maad), de Michaela Pavlátová, évoque les différents points de vue sur le monde dans un pays déchiré par la guerre
Kaboul, Afghanistan, 2001. Helena (Zuzana Stivínová) est une jeune femme tchèque qui étudie les mathématiques à l’Université de Prague mais elle est désespérée par l’immaturité de ses compagnons d’études. Helena rêve d’une famille avec de nombreux enfants. Un jour, un jeune étudiant afghan, Nazir, arrive dans ses cours et elle ressent que c’est le bon, celui qu’elle attendait. Par amour, Helena décide de tout quitter pour suivre celui qui deviendra son mari, Nazir (Hynek Cermák). Elle part vivre à Kaboul auprès de la famille de Nazir : le grand-père (Miroslav Krobot), la grand-mère (Eliska Balzerová), son beau-frère Kaiz (Ivan Trojan), sa femme Roshangol (Berenika Kohoutová) et leurs trois enfants.
Portant désormais la burqa, Helena devient Herra et apprend le dari (persan afghan, farsi oriental; NDLR) avec le grand-père de la famille et devient alors la témoin et l’actrice des bouleversements que sa nouvelle famille afghane vit au quotidien. En portant son regard de femme européenne, sur fond de différences culturelles et générationnelles, elle voit, dans le même temps son quotidien ébranlé par l’arrivée de Maad (Shahid Maqsoodi), un orphelin peu ordinaire qui deviendra son fils adoptif.
Les talents de cinéaste d’animation de Michaela Pavlátová sont connus et reconnus et ses courts lui ont valu une nomination à l’Oscar 1993 avec Reci, Reci, Reci, un Ours d’Or pour Repete à Berlin en 1995, un Cristal à Annecy en 2012 pour Tram. Le film de Michaela Pavlatova, Ma famille afghane, est adapté du roman Frišta, My sunny Maad, de Petra Procházková. La réalisatrice juge cette œuvre profondément humaine et estime que l’auteure, en s’inspirant de son propre parcours, a su transposer avec humanité, empathie et sans aucun jugement les efforts des femmes afghanes pour vivre libres dans l’Afghanistan dans l’ère post-Talibans.
Michaela Pavlatova et Petra Procházková partagent la même opinion comme le mentionne la cinéaste :
« Je condamne, tout comme Petra, les violences infligées aux femmes derrière les murs de leurs foyers et toute violation de leurs droits. Cette situation initiale des femmes afghanes, décrites dans le roman me met mal à l’aise, en tant qu’européenne, et me semble inacceptable et condamnable. Grâce à son regard singulier, Petra envisage ce monde de l’intérieur et témoigne d’une sensibilité palpable. Il s’agit d’êtres humains, de chair et de sang, tous différents et singuliers, qui vivent en Afghanistan. Même dans un enfer aussi banal soit-il, les femmes peuvent vivre un véritable et grand amour, de petites joies et de grands chagrins qui méritent notre attention. »
Ma famille afghane décrit la vie quotidienne des Afghans qui composent avec les pots-de-vin, les menaces et les attentats à la bombe. À travers le regard occidental d’Herra, les spectateurs prennent progressivement conscience de l’immense choc des cultures qui est de plus en plus accentué, en particulier en ce qui concerne la situation des femmes. Cependant, Michaela Pavlatova parvient à garder une retenue bienvenue par rapport aux risques de dramatisation et de jugement de valeur de son sujet.
En développant un style esthétique des dessins très proche des croquis dessinés à la main, Michaela Pavlatova a évité le recours aux marionnettes ou la 3D. Travaillant normalement seule, Michaela Pavlatova a dû faire des concessions et travailler en équipe pour ce long métrage. La cinéaste a expliqué en détail ses objectifs et le résultat esthétique final escompté. Elle n’était absolument pas intéressée à apporter de nouvelles techniques ni des effets spéciaux, mais à donner une esthétique devait être aussi réaliste que possible et aussi esquissée que possible. Le résultat parle de lui-même et donne une immense humanité à ces personnages dont les mouvements sont mesurés mais naturels, ce qui permet au public de se concentrer sur ce qui se passe dans leur tête.
La cinéaste pragoise Michaela Pavlatova a apprécié la grande force du roman qui repose sur un humour tendre et un sens de l’observation du quotidien de la famille, deux qualités de la nouvelle qu’elle a réussi à retranscrire avec poésie et délicatesse dans son film d’animation. Ma famille afghane décrit l’universalité de cette histoire en montrant des couples, des familles et des amis, tous en quête de bonheur et de tolérance, de paix et de reconnaissance, face à des événements inattendus qui se déroulent autour d’eux. La réalisatrice adopte un angle narratif subtil et original pour traiter avec pudeur le sujet de la condition de la femme en Afghanistan, optant pour une œuvre d’animation, ce qui permet de rendre accessible à un large public.
Firouz E. Pillet
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