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Martigny : la Fondation Gianadda, rend hommage à Albert Anker et au regard que le peintre a posé sur les enfants et les adolescents. Rencontre

Depuis février et jusqu’au 30 juin 2024, la fondation octodurienne propose une exposition intitulée Anker et l’enfance qui permet de découvrir les tableaux et les illustrations liés aux jeunes années de la vie.
Celui que les historiens d’art appellent souvent le « peintre national » de la Suisse en raison de ses représentations populaires de la vie sociale de son pays au XIXe siècle fait indubitablement partie de notre univers visuel collectif.

Avec Alberto Giacometti, Albert Anker (1831-1910) fait partie des plus célèbres artistes suisses. Même les Suissesses et les Suisses qui ne visitent jamais ou rarement des expositions d’art connaissent ses représentations d’écoliers et d’enfants ou de paysans au repos. L’exactitude photographique de ces représentations offre un témoignage tant historique qu’anthropologique et sociologique de la fin du XIXe siècle, tout particulièrement de la vie des communautés paysannes traditionnelles.

Vingt ans après une exposition thématique, un nouveau rendez-vous avec les œuvres d’Anker

En 2004, la Fondation Pierre Gianadda avait présenté, la première rétrospective d’Albert Anker en Suisse romande, après celle organisée à Neuchâtel en 1910, l’année de son décès. Cette nouvelle exposition, encore concocté sous la houlette de Léonard Gianadda, invite son public à redécouvrir les tableaux que l’artiste bernois a consacrés à l’enfance et à l’adolescence.

Sur les huit-cents toiles peintes par Anker de 1848 à 1902, plus de cinq-cents représentent des enfants. Prenant pour modèles ses proches, à commencer par ses propres enfants, le peintre et illustrateur signe ainsi des portraits individuels, d’enfants jouant, étudiant seul ou avec d’autres, en compagnie de leurs grands-parents. En effet, dans les œuvres de l’artiste bernois, les extrêmes de la vie se rencontrer toujours : une fillette convalescente se rétablit auprès de son grand-père et de son petit-frère, un garçonnet se prépare pour l’école muni de son ardoise, une adolescente fait la lecture de la Bible devant ses plus jeunes frères et leurs et son aïeul. L’âge mûr semble être absent des créations d’Anker sauf des grandes compositions montrant une vente aux enchères paysanne après faillite ou les habitants de Morat accueillant des orphelins en 1798.

Contrairement aux peintures de Jean-François Millet ou de Léon-Augustin Lhermitte, Anker paraît occulter l’ardu labeur de la terre : les paysans sont représentés au repos ou les jours de fêtes, mais jamais en train de travailler. Pourtant, le travail harassant des semailles, des moissons et des récoltes est bel et bien là même si en toile de fond perce l’arrivée de l’industrialisation.

Au fil des œuvres exposées sur les cimaises de la fondation, les visiteurs perçoivent le regard aiguisé d’Anker qui fut l’un des premiers peintres à avoir pris conscience du comportement de l’enfant sur un plan psychologiques et à le restituer de manière exhaustive et réaliste dans ses tableaux. Influencé par la thèse du pasteur protestant Johann Caspar Lavater (1741-1801) qui soulignait que : « Le visage est la scène où l’âme s’expose – qui ne la saisit pas à ce moment précis, ne peut pas la peindre. », Anker est aussi imprégné des théories de Jean-Jacques Rousseau (1712-1768) ou de Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827), qui considéraient tous deux les enfants comme des êtres « innocents par nature » mais « corrompus » ultérieurement par une mauvaise éducation.

L’enfance fascine l’artiste bernois dont les créations regorgent de charmantes « têtes blondes ». Ses aquarelles et ses tableaux illustrent des fillettes et des garçonnets aux cheveux clairs qui font la fierté de l’imagerie traditionnelle helvétique. Le plus souvent vues de profil, les fillettes ou les jeunes filles se font des tresses ou portent sagement leur chevelure en chignon. Au fil de ses créations, Anker s’affirme dans le monde de l’art comme un ambassadeur incontournable de portraits d’enfants. Il y a cent cinquante ans, la diversité ne faisait pas encore partie du décor dans le canton de Berne. Cela expliquerait-il qu’un inconditionnel admirateur d’Anker, et certainement son plus grand amateur actuel, n’est autre que l’ex-conseiller fédéral Christophe Blocher ? Ce dernier avait vu sa collection présentée en 2020 sur les cimaises martigneraines.

Matthias Frehner, commissaire de l’exposition et spécialiste de la peinture suisse (et qui fut le directeur du Kunstmuseum de Berne) et Regula Berger sont partis du constat que deux tiers de l’œuvre d’Anker se consacrait à enfance et que cela bien une exposition thématique. Pour mettre en lumière cet univers, le tandem a fait appel à des tableaux tous conservés en Suisse sauf deux, provenant de la Collection du Dr Christoph Blocher, du Kunstmuseum de Berne et de celui de Soleure, du Musée gruérien de Bulle, de la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire de Winterthur, du Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne, des musées d’art et d’histoire d’Aarau et de Neuchâtel, du Kunsthaus d’Aarau et de Zurich, de la Commune d’Anet, du Kunst Museum Winterthur / Stiftung Oskar Reinhart, du Museum zu Allerheiligen Schaffhausen, de l’Historisches Museum Thurgau / Dr Heinrich Mezger-Stiftung, de collections privées suisses ainsi que du Musée archéologique municipal de Laon et du Palais des beaux-arts de Lille. Cette exposition est le reflet d’une Suisse typique des trente dernières années du XIXe siècle dans la représentation de la famille, de l’école, du jeu et de la société. Afin de permettre de réaliser les diverses étapes du procédé de création, les commissaires ont rapproché les œuvres abouties de leurs esquisses, généralement de très grands dessins.

Ainsi, l’exposition présente aussi des œuvres sur papier, des croquis et des illustrations qui permettaient à l’artiste de saisir ses modèles dans l’instant avant de le reproduire en peinture sur une toile. Ces études préparatoires servaient de support à de futurs tableaux et qui illustrent la maîtrise technique de l’artiste.

Rencontre avec Antoinette de Wolf-Simonetta, l’une des conférencières de la Fondation Pierre Gianadda.

 

Firouz-E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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