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Mostra 2022 – Orizzonti Extra : Goliath d’Adilkhan Yerzhanov, un western machiavélique dans le Far-East kazakh !

Une des particularités du cinéma kazakh est de pouvoir jouir de paysages extraordinaires à perte d’horizon, ce dont tou.te.s les cinéastes du pays tirent avantage dans leur narration visuelle. Aydar Sharipov, le directeur photographie de Goliath, ne fait pas exception, d’autant plus que le film d’Adilkhan Yerzhanov se revendique du western moderne ; il s’ouvre donc sur des panoramiques soutenus par le son guttural de psalmodies chamaniques.

Goliath d’Adilkhan Yerzhanov
Image courtoisie La Biennale di Venezia

La première scène pose le décor psychologique de Goliath : des hommes servent de punching-balls, plus que sparring-partners, puisqu’ils ne répliquent pas, à un autre. Poshaev (Daniyar Alshinov) est le chef criminel du village, Karatas, en réalité, il en est le chef tout court. Une fois son entraînement, qui sert aussi de rappel de soumission à ses hommes, est terminé, la troupe prend les armes et se rend dans une maison isolée où ils vont assassiner Karina, une femme qui s’est plainte à la police de leurs agissements.

Adilkhan Yerzhanov  ponctue la narration de son film par des cartons de citations du Prince de Machiavel – procédé un peu didactique, mais efficace pour situer, tels les actes d’une tragédie grecque, la progression du récit.

« Les hommes doivent être caressés ou détruits, car ils se vengent des offenses légères, mais des graves ils ne le peuvent pas. L’offense qu’on fait à un homme doit être faite de telle sorte qu’on n’ait pas à craindre sa vengeance. »

On ne peut pas dire que le roitelet local, avec sa milice et ses propres lois, caresse beaucoup ses sujets. Dans une atmosphère de terreur, tout le monde lui est redevable, tout le monde travaille directement ou indirectement pour lui, tout le monde reçoit de l’argent de lui, c’est lui qui décide qui habite où.  Karatas est un no man’s land judiciaire, même les contrats passés à un plus haut niveau avec des entreprises étrangères pour l’extraction du tungstène ne l’intéressent pas. Sa loi prévaut et lorsqu’elle n’est pas respectée, il ne s’embrasse pas de beaucoup de nuances dans ses jugements qui se résument à de lourdes punitions corporelles ou la sentence de mort. Arzu (Berik Aytzhanov), le mari de Karina, est infirme et doit élever seul sa petite fille. Il semble tellement accablé par le destin, qu’il paraît impensable qu’il puisse vouloir se venger de Poshaev qui, malgré sa force démonstrative, porte tout de même un pendentif autour du coup contre le mauvais œil.

Pour une raison inexplicable, Poshaev apprécie Arzu. Si ses hommes se méfient de lui, Poshaev laisse le bénéfice du doute au veuf, le prenant même sous son aile en lui offrant un poste de gardien sur un chantier de construction et un lieu où se loger. Ce qui ne l’empêche pas de tuer d’autres membres de la famille d’Arzu pour des peccadilles, une histoire de frigo. Quand Arzu est amené vers l’imam de Karatas pour qu’il lui fasse la leçon concernant la vengeance, il commence par lui citer un hadith – faire un mauvais acte contre un mauvais acte, n’en fait pas un bon acte. En aparté, il lui en dit un autre : Dieu n’aime pas ceux qui font le mal. Cette petite remarque, envoyée mine de rien au milieu de cette atmosphère de terreur totale, laisse entendre que sa femme assassinée qui avait osé s’adresser à la police n’est peut-être pas la seule dans la région à ne plus vouloir vivre dans l’air vicié du mal absolu. Au fil du récit, d’autres personnes à la botte du despote local le poussent à le supprimer. Le fait que l’idiot du village se charge de la tâche les arrangerait : facile de s’en débarrasser s’il y parvient, s’il n’y arrive pas, ils ne se seront pas mouillés dans une entreprise qui pourrait leur être fatale.  Arzu ne semble cependant pas vouloir se lancer dans un acte vengeur, sa priorité allant à sa fille dont il s’occupe avec amour et qu’il ne compte pas rendre totalement orpheline.

Goliath d’Adilkhan Yerzhanov
Image courtoisie La Biennale di Venezia

Reprenant les codes du western brutal où il ne se passe pas grand-chose d’autre que la représentation de la routine de la brutalité, de l’emprise et de la terreur sur des habitant.es qui ne savent pas comment se rebeller, encore moins se libérer, Goliath étire le temps du récit jusqu’à ce que les choses s’accélèrent soudainement dans le dernier quart du film.

« Vous devez donc savoir qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois, l’autre avec la force ; la première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent, ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. »

Cela promet un grand final à la western-spaghetti ! Les deux acteurs principaux, aux rôles opposés, moralement et physiquement, aux registres de jeu correspondants, possèdent une présence magnétique à l’écran qui rend le duel final spectaculaire.

« J’ai enseigné aux tyrans comment on conquiert le pouvoir, mais j’ai enseigné aussi aux peuples comment on renverse les tyrans. »

Quand on voit l’état du monde, cela est tout de même plus facile à dire qu’à faire. L’idée, véhiculée par le genre cinématographique comme par le mythe de David contre Goliath, qu’un.e sauveur.e sorte du rang porte libérer les peuples de leurs tyrans, doit s’appréhender comme un encouragement symbolique au fait que c’est l’union qui fait force et peuple face à l’oppresseur.

D’Adilkhan Yerzhanov ; avec Berik Aytzhanov, Daniyar Alshinov, Dmitrij Chebotarev, Alexandra Revenko, Rabiya Abish, Yerken Gubashev; Kazakhstan, Russie ; 2022 ; 93 minutes.

Malik Berkati

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