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Mostra 2022 : Vera, de Tizza Covi et Rainer Frimmel, présenté dans la section Orizzonti, suit le quotidien de Vera Gemma, entre paillettes et désabusement

Vera vit dans l’ombre d’un père célèbre. Lassée de sa propre vie et de ses relations superficielles, elle erre dans la haute société romaine. Lorsque son chauffeur privé, Walter Saabel, blesse un garçon de huit ans dans un accident de voiture dans une banlieue de Rome, une relation intense commence avec le garçonnet et son père. Mais elle se rend vite compte que, même dans ce monde, elle n’est qu’un outil pour les autres.

Vera de Tizza Covi et Rainer Frimmel
Image courtoisie La Biennale di Venezia

Dès les premières séquences, la caméra du tandem formé par Tizza Covi et par Rainer Frimmel suit Vera dans ses déambulations quotidiennes, le plus souvent filmée de dos, mettant en valeur sa silhouette filiforme et élancée, sa chevelure blonde décolorée, ses tenues gothiques, son élégance décalée comme quand elle porte une fourrure, certes courte, mais en plein été.

Sa richesse ouvertement affichée avec des vêtements de marque chics et des sacs à main assortis, sa jeunesse artificiellement préservée à grand renfort de botox et de prothèses mammaires qu’elle ne trouve pas assez imposantes à son goût, sa tendance à se photographier par le truchement de selfies à toutes les occasions, n’importe quand et n’importe où pour poster plus tard ces portraits sur internet… Bref, une multitude d’éléments dénotent une superficialité comme mode d’existence, interrogent sur les motivations des deux cinéastes à avoir voulu consacrer un long métrage à Vera Gemma.

Tizza Covi, née à Bolzano mais qui a vécu à Paris, à Berlin et à Vienne souligne :

« Ce sont en fait toutes les choses que j’ai toujours condamnées sans pitié qui ont suscité mon intérêt. »

Son acolyte viennois Rainer Frimmel d’ajouter :

« Nous avons rencontré Vera Gemma en 2015 lors du tournage de notre film Mister Univers; elle travaillait sur un documentaire sur les artistes de cirque, en l’honneur de son défunt père Giuliano Gemma, un acteur très populaire en Italie. Quand elle s’est présentée, je l’ai trouvée très étrange, et nous n’avons échangé que quelques mots. »

Pour le public italien, le film Vera, avec la primeur de Vera Gemma présente au Lido de Venise, fut la surprise de la Mostra.

Les deux cinéastes assument ce choix de sujet qui étonne, tant l’univers privilégié dans lequel évolue Vera Gemma semble en décalage avec celui qu’elle côtoie, en particulier quand elle se met à fréquenter la grand-mère de l’enfant accidenté, dont on comprend rapidement qu’il s’agit d’une famille défavorisée. En visionnant Vera, on se questionne sur l’intérêt d’un tel film. Tizza Covi et Rainer Frimmel s’expliquent sur leur envie qui a motivé ce film sur Vera en mettant en exergue qu’elle leur a fourni beaucoup de matériel sur l’aspect glamour du cinéma :

« À l’origine de toute idée de film, il y a la curiosité envers la vie des autres et la tentative de comprendre en quoi consiste réellement cette vie derrière la façade. Pendant le tournage, les vraies personnes restent réelles et se transforment en même temps en personnages fictifs. Et à la fin du tournage, on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui a été inventé. »

Vera se laisse regarder et on comprend que Tizza Covi et Rainer Frimmel ont essayé de se rapprocher d’une vérité humaine plutôt que dramaturgique. Le film étonne et intrigue par sa spontanéité sans fioritures et sa volonté assumée de ne pas vouloir cacher le laid, le superficiel, la faiblesse d’une personne qui a toujours dû essayer de prouver quelque chose pour sentir qu’elle a une valeur à part entière; toujours dans l’ombre de son célèbre père, elle constate avec amertume qu’être la fille de Giuliano Gemma lui a plus fermé des portes que de les ouvrir, comme on peut le supposer.

Ainsi, Tizza Covi et Rainer Frimmel révèlent, au fil des déambulations de Vera et de ses confidences désabusées, ses déceptions, ses regrets et sa prise de conscience pour se libérer du poids que représente son père afin de tenter de devenir une femme avec sa propre identité. Mais n’est-ce pas là le lot de chaque enfant ?

— Vera Gemma
Image courtoisie La Biennale di Venezia

Cherchant à se déconnecter de la personnalité de télévision qu’elle a construite au fil des ans et des préjugés qu’elle a toujours dû essuyer, elle évolue sous nos yeux, affichant son look soigné, ses tenues sophistiquées, son chapeau rouge carmin qui coiffe sa blondeur artificielle telle une auréole. On ne doute pas un seul instant qu’elle ait des fissures dans son existence, des rêves qu’elle n’a pas encore réalisés comme celui d’avoir des enfants comme elle le confie, mais on se permet de douter que la non-réalisation de ses souhaits ne soit uniquement due au poids que représentent la carrière et la célébrité de son père.

Avec Vera, Tizza Covi et Rainer Frimmel souhaitaient souligner combien Rome est toujours une ville de cinéma, ce qui apparaît en filigranes dans le film :

« Vous le voyez à chaque coin de rue – qu’il s’agisse de personnes qui ont travaillé comme figurants pour Fellini ou d’endroits que vous reconnaissez comme décors de films de De Sica ou d’Antonioni. Impossible d’échapper au cinéma à Rome. »

Mais, apparemment, cet aspect cinématographique de Rome, perceptible à chaque coin de rue de la Ville éternelle, n’était pas le sujet de prédilection du tandem de cinéastes.

Firouz E. Pillet, Venise

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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