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Mostra 2022 : Trois nuits par semaine, de Florent Gouëlou, présenté dans la Settimana della Critica, suit la quête identitaire d’un jeune homme plongé dans l’univers des drag queens

Avec Trois nuits par semaine, Florent Gouëlou signe un premier long métrage très réussi et empli d’audace, qui mêle harmonieusement histoire d’amour et quête identitaire en immergeant le protagoniste, Baptiste, et par la même occasion le public, dans le monde haut en couleurs et contrasté des drag queens.

— Trois nuits par semaine de Florent Gouëlou
Image courtoisie Settimana Internazionale della Critica

Le film de Florent Gouëlou s’ouvre sur des photographies de visages de drag queens, belles, somptueuses, couvertes de paillettes, opulentes mais toujours un brin mystérieuses. Baptiste (Pablo Pauly), en couple avec Samia (Hafsia Herzi) depuis huit ans, découvre un monde qui lui est inconnu : celui du drag. Le jeune homme est armé de son appareil photo qu’il dégaine pour saisir des moments volés, comme quand une drag, de dos, en robe de soirée, talons aiguilles et bas nylon, urine debout, jambes écartées.

À vingt-neuf ans, Baptiste éprouve de plus en plus le sentiment de ne rien faire de son existence centrée sur un travail de petit chef de rayon dans une grande enseigne multimédia. Il retrouve sa compagne Samia, infirmière, qui distribue des préservatifs et fait des dépistages auprès des prostituées et des drag queens dans les rues de Paris. C’est lors d’une de ces soirées au casino de prévention que Baptiste va fait une rencontre existentielle avec Cookie Kunty (Romain Eck).

Sa vie conjugale avec Samia s’essouffle et quand Cookie fait irruption dans sa vie, en manteau léopard, maquillée et à la chevelure blonde platine, Baptiste ressent immédiatement une attirance. Entre provocation et séduction, Cookie intrigue, amuse et attire Baptiste qui devient rapidement obnubilé par la personnalité fascinante de Cookie. Puis, au fil des rencontres, Baptiste prend conscience qu’il s’agit plus d’une historie d’amour que d’une simple attirance. Bien que se pensant hétérosexuel, ce que ne manquent pas de lui rappeler les autres membres du club de drag queens, Baptiste réalise qu’il a fait la rencontre de sa vie, ce que lui martèle sa sœur Cassandre lors de ses visites ponctuelles, l’incitant à assumer cette histoire et à la vivre pleinement.

— Romain Eck et Pablo Pauly – Trois nuits par semaine
Image courtoisie Settimana Internazionale della Critica

Le coup de foudre que ressent Baptiste pour Cookie lui ouvre un champ de possibilités qu’il n’avait pas osé envisager, mais quand Cookie redevient Quentin, Baptiste hésite, sombrant dans de valses hésitations, en perte de repères, en particulier vis-à-vis de Samia qui a tout perçu, avant Baptiste même. Dans une réplique, Baptiste veut convaincre Quentin qu’il l’aime tout autant que Cookie et résume ainsi ses sentiments pour la même personne à deux visages : « J’aime à la fois Scarlett Johansson et Voldemort, la plus belle des filles et le plus gentil des garçons ».

Ce premier long métrage du Français Florent Gouëlou, présenté en ouverture hors compétition de la Settimana della Critica de la 79e Mostra de Venise, surprend initialement, puis séduit, par touches progressives subtilement amenées. À l’instar du protagoniste, le public prendre son temps avant de s’immerger avec bonheur, délaissant ses préjugés au vestiaire, et se laissant porter par les doutes et les questionnements liés à la double vie.

Avec justesse, finesse et véracité, Florent Gouëlou a su représenter le côté scène, fait de tenues bariolées, de rires, de blagues parfois scabreuses, de paillettes, de bonne humeur et d’une apparente légèreté qui cache l’envers du décor, ses moments de doutes, des émotions complexes et une certaine solitude des drag queens face à une société qui les stigmatise encore et toujours.

On soulignera la dimension socio-politique de Trois nuits par semaine alors que pour faire taire des homophobes, des personnes queer mettent la musique de Divine à tous décibels, occupant l’espace tant physiquement que sur le plan sonore. Mentionnions l’excellente bande-son qui comporte des morceaux tels que I Feel Love de Donna Summer, Utopie de Goldfrapp, You’re Think You’re A Man de Divine, Epopée solaire de Juliette Amante ou encore Cover Me Over  de Slow Joe & the Ginger Accident.

Florent Gouëlou signe un film de fiction, teinté d’une histoire d’amour bienvenue et subtilement élaborée, mais tout est si bien observé et si bien restitué que l’on vient à oublier l’intention fictionnelle en croyant regarder un documentaire. Il distille avec bonheur une atmosphère certes très codifiée, mais délicieusement transgressive et festive et rend à un très bel hommage à ces belles de nuit, passées expertes dans l’art du transformisme.

Firouz E. Pillet, Venise

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Firouz Pillet

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