Neolithica (Le Grand Secret), écrit et mis en scène par Dominique Ziegler, questionne sur l’apparition du pouvoir et de la violence au cours de l’évolution de l’humanité. Rencontre avec Dominique Ziegler
Le pouvoir, la violence, l’asservissement, l’esclavagisme, le pouvoir des hommes sur les femmes : quand sont-ils apparus ? De quand datent ces pratiques et ces us qui semblent séculaires ? Ce sont les questions que s’est posé l’auteur genevois Dominique Ziegler en écrivant son nouveau spectacle sur l’invitation de Jean Liermier, directeur du Théâtre de Carouge qui l’a convié à le présenter par le truchement du camion-théâtre, apanage du Théâtre de Carouge.
Rappelons que depuis 2016, le Théâtre de Carouge entreprend un travail d’itinérance pour renouer avec les fondamentaux du théâtre, sillonnant les communes genevoises et partant à la rencontre de leurs habitants, permettant par ce biais à des personnes peut-être peu coutumières des spectacles et du théâtre de les découvrir. {Notre critique du spectacle 2021, Carmen l’audition}
C’est lors d’une de ces représentations que nous avons rencontré Dominique Ziegler qui nous a parlé de la genèse de ce spectacle et des nombreuses lectures qu’il a faites pour se documenter et trouver des réponses à ses questions. C’est en lisant une nouvelle de Jack London qu’il s’est interrogé sur les sources du pouvoir et de la violence :
« Pour être forts, disait-on, nous ne devions pas nous battre entre nous. »
Dans sa nouvelle La force des forts, écrite en 1914, Jack London rappelait que nous ne serions rien tant que nous ne serions pas une tribu humaine capable de s’unir contre ce qui l’exploite. En composant une fresque tout en péripéties traversant l’histoire du néolithique en mode fictif, l’amoureux des mots qu’est Dominique Ziegler nous invite avec humour à un voyage aux tréfonds de nos origines, qui doit autant à Rousseau qu’aux dernières hypothèses des préhistorien.ne.s.
Pour élaborer ce texte et aborder de nombreuses thématiques, Dominique Ziegler s’est nourri de multiples références tant philosophiques que sociologiques, historiques et scientifiques et met en exergue les résonances entre l’héritage que nous avons reçu de nos ancêtres du Néolithique et ce que nous vivons aujourd’hui. Il aborde des sujets comme la prise de pouvoir, les dissensions, la domestication des animaux mais aussi celle des femmes, l’exploitation, l’apparition du capitalisme, les guerres, la violence, le féminicide, le réchauffement climatique, interrogeant les spectatrices et les spectateurs lors des virées du camion-théâtre.
Ce spectacle en plein air réunit une excellente distribution, vêtue de peaux de bêtes grâce aux costumes imaginés par Costumes Trina Lobo et Giulia Muniz : Barbara Baker (La Shaman), Jean-Alexandre Blanchet (Torolf), David Casada (Craor), Charlotte Filou (Torobar et Jogaila), Marie Ruchat (Anya et Rafik) – qui évolue d’une une scénographie signée Catherine Rankl et des décors construits par l’Atelier Devineau.
Cette troupe, mais devrait-on dire dans le présent cas cette tribu ?, de comédien·nes de premier plan invite le public à réagir en l’invectivant et le sollicitant par des questions malicieusement posées dans une dimension interactive durant ce spectacle qui parvient à synthétiser en une heure et demie une dizaine de millénaires sous forme de conte allégorique, rythmé par une musique judicieuse et appropriée. Comme à l’accoutumée, l’auteur et metteur en scène se délecte des mots, de leur saveur et de leurs jeux pour le plus grand plaisir du public.
Après avoir échangé avec des spectateurs enthousiastes, Dominique Ziegler nous a parlé de sa fable préhistorique qui nous emmène aux sources de l’humanité à la société contemporaine.
Firouz E. Pillet
Jusqu’au 18 septembre : https://theatredecarouge.ch/saison/camion-theatre
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