Nightmare Alley: dans l’univers singulier de la mise en scène de Guillermo del Toro
Au début des années quarante, alors que Roosevelt s‘apprête à engager les États-Unis dans la seconde Guerre mondiale, Stanton Carlisle (Bradley Cooper) traverse une mauvaise passe et débarque dans une foire itinérante dirigée par Clement « Clem » Hoately (William Dafoe). Il parvient à s’attirer les bonnes grâces d’une voyante, Zeena (Toni Collette) et de son mari Pete Krumblein (David Strathairn), une ancienne gloire du mentalisme. S’initiant auprès d’eux à leur art, il y voit un moyen de décrocher son ticket gagnant pour le succès et décide d’utiliser ses talents nouvellement acquis pour arnaquer l’élite de la haute société new-yorkaise de l’époque. Avec la vertueuse et fidèle Molly Cahill (Rooney Mara) à ses côtés, persuadé d’être devenu invincible, Stanton se met à échafauder un plan pour escroquer un dangereux magnat, Ezra Grindle (Richard Jenkins), aussi puissant que dangereux. Pour ce faire, il va recevoir l’aide inattendue mais bienvenue d’une mystérieuse psychiatre, la Dre Lilith Ritter (Cate Blanchett), qui pourrait bien se révéler la plus redoutable de ses adversaires…
Nightmare Alley est une nouvelle adaptation du roman Le Charlatan de William Lindsay Gresham, publié en 1946 et qui avait déjà été porté à l’écran une première fois par Edmund Goulding en 1947. Il faut noter que la version de Guillermo del Toro dure une demi-heure de plus que la première adaptation et la longueur du film (150 minutes) peut être rébarbative pour les spectateurs qui n’apprécient que modérément l’univers si spécifique du cinéaste mexicain. Pour celles et ceux qui en sont férus, ils seront comblés par l’atmosphère si particulière que développe Guillermo del Toro qui invite son public à prendre le temps de s’immerger dans son univers, ingénieux et prodigieusement singulier, avec une excellente distribution, un remarquable jeu d’acteurs, une inventivité dans la mise en scène et de la créativité avec les décors. Guillermo del Toro crée avec brio un genre visuel spectaculaire qui rappelle fréquemment l’expressionnisme allemand auquel il nous a habitués depuis El Espinazo del Diablo (L’échine du diable, 2001).
Il relate avec fantaisie l’histoire, l’ascension puis la chute d’un être normal, que tout un chacun est susceptible de connaître, du moins de côtoyer ; c’est cette personnalité a priori discrète et serviable, qui se fond dans la masse des forains qui permet à l’histoire de si bien fonctionner. À l’instar de Crimson Peak (2015), Guillermo del Toro prouve encore une fois son incroyable maestria apportant au livre de sa luxuriante cinématographie un nouveau chapitre captivant et remarquablement interprété. Ce film deviendra très certainement un classique dont la chute permet une mise en abîme redoutée mais pressentie. Seule la dernière réplique de Bradley Cooper laisse à désirer !
À vous de la découvrir !
Firouz E. Pillet
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