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Omar la Fraise, d’Elias Belkeddar revisite le film de gangsters à travers les tribulations et les pérégrinations de deux bandits français en cavale en Algérie

Omar, plus connu sous le nom d’Omar la Fraise (Reda Kateb), est un bandit à l’ancienne. Contraint à la cavale en Algérie après des déboires avec la justice française, il vit de petites magouilles, accompagné de son illustre acolyte Roger (Benoît Magimel). Après avoir régné sur le milieu du banditisme français durant des décennies, ils doivent ensemble accepter leur nouvelle vie alors qu’ils n’ont vécu jusqu’à présent que dans la débauche et la violence.

— Reda Kateb et Benoît Magimel – Omar La Fraise
© Iconoclast, Chi-Fou-Mi Productions, Studiocanal, France 2 Cinéma

Si le nom du cinéaste vous paraissent familiers, c’est peut-être parce que vous le connaissez en tant qu’auteur du clip à succès de DJ Snake Disco Maghreb. Mais Elias Belkeddar, né en France en 1983, a déjà présenté des courts métrages : d’abord Todo se puede, tourné à Mexico et qui a obtenu le prix spécial du jury à Clermont-Ferrand, puis un second court-métrage, Un jour de mariage (2018), tourné à Alger, et sélectionné à la 57ème Semaine de la Critique où il a obtenu le Prix Canal+. Dans Un jour de mariage, le cinéaste suit Karim, un voyou français qui traîne son spleen dans les rues d’Alger qui semble une ébauche de ce premier long métrage.

Avec Omar La Fraise, dont le titre anglophone est The King of Algiers, Elias Belkeddar renverse la vapeur et chamboule les clichés véhiculés habituellement sur la communauté algérienne en France : ici, les voyous français sont en cavale en Algérie.

Pour son premier long métrage, il propose une histoire de déracinement, d’exil, mais surtout d’amitié, solide et immuable qui surmonte toutes les épreuves. Posant sa caméra à Ouargla dans le Sahara et beaucoup à Alger, dans plusieurs quartiers populaires de la ville, en particulier à Bab el Oued et à Climat de France, une imposante ancienne caserne militaire française dessinée par l’architecte français Pouillon, Elias Belkeddar fait de ces quartiers de la capitale des protagonistes à part entière de son récit. Il a choisi de filmer ces endroits « qui sont peu été filmés et qui racontent une autre Algérie, les traces et les stigmates du passé. »

Motivé à tourner en Algérie et d’y faire un film qu’il n’y avait jamais vu, Elias Belkedda entraîne son public dans un roadmovie à travers ces quartiers animés de la capitale que les Algérois des quartiers résidentiels huppés évitent, mais où l’hospitalité est de mise.

Condamné à vingt ans de prison par les autorités françaises, Omar doit faire profil bas et rester discret de l’autre côté de la Méditerranée. C’est dans les méandres tortueux de la capitale qu’il pourra aisément se faire oublier. Fort heureusement, il est soutenu dans son exil par son acolyte de toujours avec lequel il a fait les quatre-cents coups. Après une vie passée dans le banditisme de haut vol, on ne tourne pas la page si facilement : il y a de la violence, de d’alcool et de la drogue. Avec Roger, Omar essaie de se ranger et se fait engager dans une pâtisserie où il rencontre l’éblouissante Samia (Meriem Amiar). Cette délicate romance permet à Elias Belkeddar d’alterner entre histoire d’amour et séquences d’action passionnantes, soutenues par le capital comique du tandem d’acteurs et mis en valeur par les décors algériens picturaux, mélangeant harmonieusement divers genres sans se cantonner uniquement au film de gangsters.

À travers cette histoire exaltante d’un gangster en quête de rédemption, Elias Belkeddar fait entrer son public dans son film par le biais de la comédie tout en abordant des thématiques sociales et sociologiques en les présentant de manière divertissante. À l’instar de ses personnages toujours très libres malgré les carcans, Elias Belkeddar a pris la liberté de solliciter, et de convaincre (!), deux légendes vivantes du cinéma hexagonal à tenir les rôles principaux dans son premier long métrage, réussissant la gageure de les réunir pour la première fois sur grand écran. Si l’on retient cet exploit, on admire sa déclaration d’amour cinématographique à l’Algérie et à ses habitants.

À peine projeté en séance de minuit à Cannes, Omar la Fraise est sorti sur les écrans romands.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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