Presque, film coréalisé par Bernard Campan et Alexandre Jollien, qui en tiennent les rôles principaux, dépeint le chemin initiatique de deux hommes dont la rencontre fortuite engendra une amitié solide comme un roc
Inspiré par leur amitié à la ville, l’histoire de Presque a été un long processus quant à l’écriture et le tandem formé par Bernard Campan et Alexandre Jollien s’est fait aider par Manuel Poirier et Hélène Crémillon, qui a apporté la touche finale au scénario en y insérant les instants de tensions, ainsi que Philippe Godeau, le producteur, qui a aussi participé à l’écriture. Le duo a puisé dans leurs moments d’échanges et dans le parcours d’Alexandre pour réaliser un « feel-good movie », un film empli d’optimisme et de joie de vivre communicative, dirait-on dans la langue de Molière. Presque aborde les thèmes du handicap, des blessures de la vie, du deuil impossible à faire et de la culpabilité, le tout mâtiné de philosophie !
Louis (Bernard Campan) est directeur d’une société de pompes funèbres et, à cinquante-huit ans, il se consacre entièrement à son métier et ne peut se résoudre à prendre sa retraite. Louis semble perdu, déconnecté de ses émotions, détaché des personnes qui l’entourent même s’il les côtoie au quotidien. Igor (Alexandre Jollien) a quarante ans, un esprit vif dans un corps handicapé : il est infirme moteur cérébral car, comme il le formule si joliment, Igor a trop crapahuté dans le ventre de sa maman et s’est emberlificoté le cordon ombilical autour de son cou. Il livre des légumes bio sur son tricycle pour payer son loyer et, ignoré par les gens qui l’entourent, passe le reste de son temps dans les livres, à l’écart du monde, avec ses compagnons de route, Socrate, Nietzsche et Spinoza. A priori, les routes des deux hommes ne sont pas censées se croiser mais, Louis, au volant, quitte la route des yeux dans un moment d’inattention et renverse Igor dans un talus d’Épalinges. Ce dernier souhaite aussitôt enfourcher son tricycle mais Louis l’amène aux urgences. Igor, qui n’a que sa mère dans sa vie, étant rejeté à cause de son handicap, saisit cette chance au vol et se rend à la société de pompes funèbres de Louis pour le remercier en lui offrant un ananas … Bio, bien évidemment ! Ce sera le début d’une amitié insoupçonné entre les deux hommes qui prennent la route, de Lausanne vers le sud de la France, dans un corbillard, pour rapatrier la dépouille de Madeleine au pied des Cévennes où l’attend sa fille (Maryline Canto). Ils se connaissent peu, ont peu de choses en commun, du moins, le croient-ils …
Le film Presque retrace le périple de ces deux hommes qui deviendront, au fil des échanges et des conversations, les meilleurs amis du monde à travers la découverte de l’amitié, du corps, de la sexualité. L’un est valide, l’autre IMC, mais tous deux partagent une quête de liberté. Louis essaie de se libérer des fantômes de son passé qui l’entrave dans son présent, Igor essaie de se libérer de l’amour étouffant, empli de culpabilité, de sa mère (La Castou) qui veut tellement le protéger qu’elle l’empêche de faire des rencontres. Pour accepter sa réalité, Igor a lu abondamment les grands philosophes et les cite dans chaque situation du quotidien. À travers leur rencontre et ce chemin initiatique parcouru ensemble, ces deux personnes, a priori paumées, vont aller à la découverte de l’autre, « au sens philosophique, dépassant le jugement et s’offrant à la vie », pour reprendre les paroles des auteurs.
On ne peut qu’éprouver de la tendresse et de l’affection pour ce duo qui nous livre une leçon humaniste, nous invitant à croquer la vie telle qu’elle est et s’accepter en faisant fi du regard d’autrui comme le souligne une magnifique scène du film. Ce quatrième long-métrage de Bernard Campan marque les premiers pas d’Alexandre Jollien derrière et devant la caméra et dont la vie a fortement inspiré le film. IMC de naissance, Alexandre Jollien a passé dix-sept ans en institution spécialisée tout en parvenant à suivre une scolarité ordinaire avant de tomber sur la passion qui changera sa vie : la philosophie qui nourrit son quotidien. On comprend alors qu’Igor est son double et combien le regard de la société l’a stigmatisé, lui provoquant « souffrances, humiliations et tiraillements ».
Avec Presque, Bernard Campan et Alexandre Jollien signent une comédie dramatique qui aborde le handicap, le bonheur, le respect, la philosophie, l’acceptation de la différence te de l’altérité, bref, le vivre ensemble en harmonie !
Le film sort sur les écrans romands en ce le 19 janvier 2022.
Firouz E. Pillet
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