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Sparring, de Samuel Jouy, transforme la Piazza Grande en ring de boxe

Réunissant Mathieu Kassovitz, Olivia Merilahti (chanteuse), Souleymane M’Baye (boxeur professionnel), Billie Blain, Lyes Salem devant la caméra, Samuel Jouy présente son premier long métrage au 70ème Festival de Locarno.
— Samuel Jouy
© Firouz Pillet
Samuel Jouy, ce nom vous dit quelque chose ? Samuel Jouy a joué dans de nombreuses productions pour la télévision et est donc un acteur familier des téléspectateurs du petit écran. Il effectue avec Sparring le grand saut et passe derrière la caméra. Son film fait la part belle au noble art en suivant Steve Landry, (Mathieu Kassovitz) un boxeur qui, à plus de quarante ans, a perdu plus de combats qu’il n’en a gagnés. Avant de raccrocher les gants, il accepte une offre que beaucoup refuseraient : devenir “sparring” du grand champion Tarek M’Bareck (Souleymane M’Baye). Une dernière occasion de briller auprès de sa femme et de ses enfants. Du moins c’est l’issue qu’il espère.
Tentant de vivre de la boxe alors que sa femme tient un salon de coiffure, Steve peine à payer les leçons de piano de sa fille et les factures; il nettoie les bureaux du centre-ville. Promettant à sa fille de lui offrir un piano afin qu’elle puisse s’exercer pour le concours du conservatoire, Steve place tous ses espoirs dans une ultime une rencontre avant de raccrocher ses gants; Il ne sait pas de quoi son avenir sera fait mais cet ultime combat est supposé raviver le peu de talent qu’il a et redorer son image meurtrie auprès de sa femme et de ses enfants.
Sparring
© Locarno Festival
La caméra de Samuel Jouy filme les visages et les corps au plus près, laissant les gouttes de sueur atteindre les spectateurs. Caméra sur épaule la majeure partie du temps, Jouy amène son public à suivre les entraînements comme les combats en immersion, à souffrir avec Steve alors qu’il encaisse les coups incessants de Tarek et de se se relever aussitôt pour mieux s’affaler.
Pour les spectateurs qui, comme la sous-signée, ne connaissaient pas le terme le «sparring part» avant de découvrir l’intrigue du film de Jouy, on comprend très rapidement que le sparring affronte un champion d’Europe et lui sert de punchingbal afin de mieux se préparer à ses futurs combats.
Au fil du film, on se demande quelle peut être la motivation d’un homme à se faire fracasser ? Quelle récompense peut-il espérer ? Un constat est certain : les gains de Steve sont minimes, voire dérisoires, d’où le fait que sa femme, excédée, l’incite à cesser cette activité.
Le cinéma s’est déjà intéressé à la boxe et on songe inévitablement à Raging Bull (2002), de Martin Scorcese, avec Robert De Niro ou à The Wrestler (2009) de Darren Aronofsky avec Mickey Rourke. Chez Samuel Jouy, le genre semble avoir été épuré de tous ses codes au profit du cinéma d’auteur européen.
Si le film présente toutes les facettes de la vie d’un professionnel – réunions de travail, entraînements teintés de traînées de sang, vestiaires, l’urine rouge, la colle sur les blessures – le film de Jouy développe la dimension privée et intime de la vie du boxeur que l’on voit, à part égale, évoluer avec ses enfants, faire les courses, assister aux cours de piano puis à l’audition de sa fille.
Dans l’alternance des combats et de la vie familiale, le quotidien de Steve se résume à une succession d’humiliations et le constat est implacable : la rançon est proportionnelle à la carrière. Lors de la conférence de presse, l’équipe du film s’amusait à plaisanter, se lançant des vannes dans une ambiance potache qui laissait la presse extérieure à leurs plaisanterie. Mathieu Kassovitz a quand même précisé :”Quand j’ai accepté ce rôle, j’ai insisté pour que les combats soient réels. Je ne voulais pas apprendre une chorégraphie pour faire semblant de me battre. “ Et Souleymane M’Baye d’enchaîner, en riant :”Et moi, j’ai insisté pour lui donner de vrais coups, donc, on était sur la même longueur d’ondes.”
— Souleymane M’Baye
© Firouz Pillet
Les “private jokes” se poursuivent entre les membres de l’équipe du film, laissant pour compte le parterre de journalistes venus les écouter. A l’issue de la conférence de presse, Carlo Chatrian, directeur artistique du festival, semble consterné et glisse à l’oreille de Mathieu Kassovitz, qu’il faudra préparer un discours pour la Piazza, soulignant qu’il y recevra son prix.
Quand un journaliste lui a demandé si il était difficile pour lui, qui est aussi réalisateur, de lâcher prise devant la caméra de Samuel Jouy, Mathieu Kassovitz a répondu sans hésiter: ”Absolument pas ! Quand je suis acteur, je me laisse diriger par le réalisateur.”
— Mathieu Kassovitz
© Firouz Pillet
Par rapport aux films qui ont précédé, ce qui semble novateur dans Sparring, c’est l’importance accordé à la vie privée, l’intimité du boxeur, ce qui lui confère une humanité qu’on a tendance à oublier dans les combats. D’ailleurs, cette humanité se retrouve dans les répliques de Steve quand il dit à Tarek, imbus de sa personne :”Sans moi, il n’y aurait pas des gens comme vous. Il n’y a pas besoin de me voir combattre. Je n’ai pas besoin d’avoir un style, je suis bon dans l’encaissement”.
Co-produit par Europacorp de Besson, le film a permis au public de la Piazza Grande, le 5 août, de voir Mathieu Kassovitz recevoir l’Excellence Award Moët&Chandon, réservé aux comédiens qui se sont particulièrement illustrés sur la scène internationale. Très enjoué, Mathieu Kassovitz est arrivé sur la scène de la Piazza, décontracté, n’ayant préparé aucun discours pour présenter la première projection mondiale de Sparring, à laquelle les spectateurs aller assister. En toute franchise et avec humour, l’acteur et réalisateur a avoué qu’il ne savait pas quoi dire puis a improvisé des remerciements et un laïus sur les anecdotes du tournage.
Quand on pense aux grands rôles qu ‘il a tenus, comme, par exemple, das Amen (2002), de  Costa-Gavras, la déception et la consternation étaient au rendez-vous et nous a amenés à renoncer à assister à la conversation avec Mathieu Kassovitz, au Spazio Cinema, le lendemain.

Firouz E. Pillet, Locarno

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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