Cinéma / KinoCulture / Kultur

Stürm : Bis wir tot sind oder frei (La Liberté ou la mort), d’Oliver Rihs, retrace le parcours rocambolesque de Walter Stürm, défendu avec conviction et passion par l’avocate Barbara Hug

Oliver Rihs s’est penché sur le parcours mémorable du roi de l’évasion suisse, Walter Stürm, l’adaptant au cinéma et révélant à l’écran la romance qui se noue avec l’avocate Barbara Hug qui le défend. Sa version du récit reste très fidèle tant à la personne qu’à l’histoire de ce célèbre militant de gauche, Walter Stürm, le criminel le plus connu de Suisse, qui a commencé à commettre ses vols dans les années septante et dont la « carrière » de criminel a atteint son apogée dans les années quatre-vingts et nonante. Walter Stürm a marqué les Helvètes, faisant régulièrement les gros titres des quotidiens du pays. Cette adaptation cinématographique de l’histoire de Walter Stürm réunit à l’écran d’excellents acteurs suisses-allemands : Joel Basman (Wolkenbruch), Marie Leuenberger (L’ordre divin), Anatole Taubman et Jella Haase (Fack ju Göhte).

Stürm: Bis wir tot sind oder frei (Stürm: La Liberté ou la mort) d’Oliver Rihs
© 2021 Ascot Elite Entertainment Group. All Rights Reserved.

Falsifiant des documents, porteur de nombreux passeports aux identités les plus variées, changeant souvent d’apparence, s’affublant de postiches et de moustaches, Walter Stürm n’avait pourtant rien pour virer délinquant. Issu d’une famille bourgeoise d’industriels de Goldach, dans le canton de Saint-Gall, Walter Stürm a intéressé la justice dès l’âge de dix-neuf ans. Vouant une passion pour les voitures de sport, le jeune carrossier s’engage sur la mauvaise voie, larguant les amarres avec la vie dorée de sa famille : en 1963, il s’était offert une Lotus en vendant des voitures volées.

Le film s’ouvre sur des manifestations de jeunes exigeant une révision du système carcéral suisse. L’avocate Barbara Hug (Marie Leuenberger) est consternée par le système judiciaire en Suisse dans les années 1980. Les jeunes veulent des changements, descendent dans la rue et sont enfermés par la police. Oliver Rihs opte pour des plans différents, parfois plongeants, parfois aériens, parfois américains, parfois rapprochés, immergeant le public au cœur de la manifestation. Dans son combat contre le système judiciaire rétrograde des années 1980, l’avocate idéaliste Barbara Hug trouve un allié inattendu en la personne du criminel Walter Stürm.

Au même moment où elle rencontre Walter Stürm, qui se retrouve souvent derrière les barreaux, mais parvient généralement à s’échapper, la volonté de liberté de ce dernier se mêler intrinsèquement à la demande de changement que revendiquent les masses. Barbara Hug veut utiliser la popularité de Stürm comme roi de l’évasion pour son objectif de réformer le système pénal suisse. Mais comme le montre avec subtilité et par touches progressives le film d’Oliver Rihs, Walter Stürm apparaît égocentrique et égotiste, utilise l’avocate qui semble sensible au charme du criminel, souvent appelé, à tort, par les médias le Robin des bois suisse alors que Walter Stürm n’a absolument rien distribué de ses nombreux vols.

Stürm : La Liberté ou la mort rappelle les divers combats de Barbara Hug, ses rencontres, plus ou moins fructueuses avec Stürm, l’aide inattendue qu’elle lui procure en lui permettant de fuir en Allemagne auprès de militants de gauche. Le film d’Olivier Rihs reconstitue une scène historique alors que Barbara Hug doit affronter en justice l’avocat “Bünzli” Rothenburg (Anatole Taubman) pour protéger ses clients d’être jetés dans ce système judiciaire. Tout au long de son film, Oliver Rihs laisse entendre que Walter Stürm s’incline devant la logique de Barbara Hug et que l’avocate succombe à la fascination de son irrépressible désir de liberté. Stürm devient le dossier-clef de l’avocate militante et la tentation contre laquelle Barbara Hug doit résister.

Le début de ce partenariat insolite fait entrer ce tandem improbable dans les cercles politiquement révolutionnaires mais n’empêche pas Walter Stürm de continuer à mener ses vols et ses fuites. Plus Barbara Hug et Walter Stürm traitent l’un avec l’autre, plus il devient clair que les objectifs de vie des deux sont difficiles à concilier et que les conflits deviennent de plus en plus fréquents. Le film rappelle que Walter Stürm a entamé une grève de la faim derrière les barreaux, il a finalement franchi une ligne qui désempare les gardiens comme les autorités.

On ressort de cette projection séduit par le jeu des acteurs, toutes et tous excellent.es, et par la mise mise en scène judicieuse et efficace. Avec justesse et brio, Oliver Rihs a su souligner combien la figure de Walter Stürm a brisé l’image idyllique d’une Suisse paisible et parfaite que le pays voulait vendre à l’Europe et au monde entier. Vingt-trois ans après le suicide de Walter Stürm, le film d’ Oliver Rihs rappelle tous les chapitres de la vie tumultueuse de cet activiste, escroc et icône politique, soulignant qu’il a non seulement bouleversé le gouvernement suisse avec les manifestations et les émeutes qu’il a inspirées mais qu’il a aussi forcé, grâce au soutien inconditionnel de Barbara Hug, une réforme complète du système pénitentiaire suisse. Aujourd’hui symbole de la contre-culture suisse et figure éternellement discutée pour sa morale « particulière », Walter Stürm est parvenu à s’évader de prison huit fois, tenant tout le pays en haleine pendant près de deux décennies. Avec authenticité et acuité, le réalisateur rappelle que le roi de l’évasion suisse était surtout mu par son égoïsme.

Firouz E. Pillet

j:mag Tous droits réservés

Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

Firouz Pillet has 1052 posts and counting. See all posts by Firouz Pillet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*