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Théâtre de Carouge: Charlie, librement inspiré de la nouvelle et du roman Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes

Concocté au TKM pour sa saison 2021-2022 puis présenté au Théâtre Benno Besson à Yverdon, Charlie, dans une mise en scène de Christian Denisart avec la collaboration artistique de Jos Houben, est proposé jusqu’au 17 décembre 2023 dans la grande salle du Théâtre de Carouge.

Charlie dans une mise en scène de Christian Denisart
© Yann Becker

Pour donner vie à Charlie, Christian Denisart s’est librement inspiré de la nouvelle Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes, un texte qui a marqué les esprits, tellement précurseur à l’époque de sa parution qu’il a été classé dans le registre de l’anticipation, et parfois de la science-fiction; sa mise en scène jubilatoire, questionne le bonheur, le quotient intellectuel et les injonctions de performances.

Des fleurs pour Algernon relate l’histoire de Charlie Gordon, un jeune homme âgé de trente-deux ans, mais qui a l’âge mental d’un enfant de six ans. En raison de cette déficience intellectuelle, il est fréquemment raillé par ses collègues de travail au sein de l’entreprise de regommage de pneus où il est délégué au balayage. Repéré, grâce à Miss Kinnian, par deux scientifiques, le professeur Nemur et le Docteur Strauss, pour participer à une expérience cherchant à augmenter ses capacités, Charlie se réjouit de devenir plus intelligent et espère ainsi avoir plus d’amis. Algernon, une souris blanche, l’a précédé dans cette expérience et le petit rongeur de laboratoire fait preuve d’une intelligence supérieure époustouflante. Les capacités cognitives de Charlie augmentent de manière spectaculaire.

Devenu un « génie », Charlie se met à lire des articles scientifiques en hindi ou à expliquer la musique de Béla Bartók en hongrois au grand désespoir de son entourage qui ne le comprend plus. Charlie commence des études supérieures, accumule de nombreuses connaissances, maîtrise bientôt plusieurs langues et finit par dépasser les docteurs à leur grand dam. Plus Charlie apprend avec une facilité déconcertante, moins il parvient à comprendre le monde qui l’entoure et moins son entourage le comprend. Encore plus seul qu’auparavant, il peine à trouver le bonheur. Son destin est étroitement lié à celui d’Algernon et quand la souris blanche commence à régresser, Charlie comprend son inéluctable destin. Il doit se préparer à subir, dans sa chair et dans son esprit, son propre déclin.

Portée par une magnifique distribution romande de dix artistes – Pascal Schopfer (Charlie Gordon), Loredana von Allmen (Miss Kinnian), Alexandre Bonstein (Professeur Nemur), Thierry Baechtold (Docteur Strauss), Giulia Belet (Fanny), Matthieu Sesseli (Joe Carp), Sébastien Gautier (Gimpy) – la mise en scène de Christian Denisart, qui a sollicité le comédien et metteur en scène belge Jos Houven pour une fructueuse collaboration artistique, distille humour, poésie, lyrisme, suspense dans cette quête du bonheur. Le metteur en scène invite ici le public à s’interroger sur des questions éthiques et métaphysiques : l’intelligence rend-elle plus heureux ?

Il y a de nombreuses années, Christian Denisart a lu Daniel Keyes et a mis du temps à « infuser » cette œuvre. Le metteur en scène a choisi de la monter dans une époque où l’humain augmenté et l’intelligence artificielle priment l’humanité, la bienveillance, l’empathie, une réalité d’autant plus prégnante depuis que la majorité des êtres humains est pourvue d’un smartphone.

Dans les pièces que propose la compagnie Les Voyages Extraordinaires, la diversité du langage, réel ou inventé, est récurrente – c’est à nouveau le cas ici puisque l’excellent Pascal Schopfer fera parler Charlie dans plusieurs langues, suscitant la surprise générale de la salle, suivie de nombreux éclats de rires – et, comme à son habitude, le metteur en scène, qui a d’abord travaillé comme ingénieur du son avant de créer son propre groupe en 1989, Sakaryn, accorde un rôle primordial à la musique.

Christian Denisart a travaillé avec différents groupes et musiciens, comme Boulouris, No Square, Lee Maddeford, Barbouze de chez Fior, Koburo, Påg, entre autres. Pour Charlie, Christian Denisart a convié Laurence Crevoisier (alto, chant), Louise Knobil (contrebasse, chant) et Annick Rody (violon, chant) à jouer en direct sur scène.

À leurs côtés, les dix comédiens, vêtus selon les codes de la mode des années cinquante, assument plusieurs rôles et se livrent à des chorégraphies magnifiquement orchestrées et remarquablement exécutées. Au centre de la scène, un puits de lumière éclaire Charlie, silhouette centrale qui évolue avec une incroyable élasticité dans une chorégraphie symbiotique, accompagné par ces comédiennes et comédiens qui dansent, chantent, déplacent avec dextérité et vélocité les décors, permettant à d’autres comédiennes et comédiens d’exécuter un exercice digne de l’art circassien, ce qui permet de ressentir la touche de Jos Houben qui a été formé à l’École Jacques Lecoq à Paris où il enseigne aujourd’hui.

Pour Christian Denisart, la question centrale de la nouvelle comme du roman est intemporelle : l’œuvre de Daniel Keyes questionne les conditions du bonheur, une question d’autant plus cruciale à l’heure où la primauté est donnée à la rentabilité et aux performances extrêmes, physiques, intellectuelles, génétiques au détriment du bonheur et de l’humanité. Rencontre avec Christian Denisart et Jos Houben:

Entretien téléphonique avec Pascal Schopfer:

 

Firouz E. Pillet

www.theatredecarouge.ch

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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