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Théâtre de Carouge : On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset ou La fureur de vivre et d’aimer, selon Jean Liermier. Rencontre

Dans une sublime mise en scène de Jean Liermier, Cyril Metzger, Adeline d’Hermy et Nastassja Tanner livrent avec brio leurs doutes sur l’amour et nous questionnent. Jean Liermier renoue avec un amour de jeunesse, une pièce qui l’a enflammé tout jeune lecteur puis jeune comédien alors qu’il incarnait Perdican au Théâtre de l’Orangerie. Cette pièce de Musset est un fil conducteur dans sa carrière, il l’avait monté en 2004 dans la salle François Simon de l’ancien Théâtre de Carouge. Et un amour de jeunesse, cela ne s’oublie pas ! Mais dans cette reprise, Jean Liermier sait surprendre son fidèle public en innovant.

On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset dans une mise en scène de Jean Liermier
@ CaroleParodi

Alfred de Musset a vingt-quatre ans lorsqu’il écrit cette pièce en 1834. Son cœur est brisé par sa séparation avec George Sand et bat encore intensément au rythme de leur passion. Il écrit à celle qui l’aime encore pour panser ses blessures tout en écrivant « On ne badine pas avec l’amour ». Camille (Adeline d’Hermy, de La Comédie-Française) et Perdican (Cyril Metzger) sont cousins et ont partagé durant toute leur enfance jeux, complicité et affection. À l’invitation du père de Perdican (Roland Vouilloz), qui souhaite les marier, les deux jeunes gens se retrouvent après dix années de séparation. Camille a reçu une éducation religieuse stricte dans un couvent et est convaincue, ou plutôt a été convaincue par une comparse de cellule, de vouer sa vie à Dieu et de fuir les passions humaines.

Mais devant la fougue et l’assiduité de Perdican, Camille hésite, s’interroge. Pendant que le Baron fête le retour de son fils devenu docteur à Paris, Maître Bridaine (Gaspard Boesch) et Maître Blazius (Frank Semelet) songent surtout à se remplir la panse et à savourer des breuvages, Dame Pluche (Christine Vouilloz) vante sa vertu auprès de Camille. Mais les jeunes gens ne veulent pas que l’on décide de leur vie à leur place. Ils s’aiment, mais peinent à l’admettre. Face à la difficulté de s’avouer leur amour, et pétris tous deux d’orgueil, maniant avec dextérité le bon usage des mots souvent savants, les deux jeunes gens se lancent dans un jeu dangereux mêlé de mensonges, de provocation et de manipulation, entraînant avec eux Rosette (Nastassja Tanner), une jeune fille du village, pure et naïve. Leur jeu ne restera pas sans conséquences. Éros côtoie Thanatos…

La pièce de Musset questionne sur l’amour, sur l’engagement, sur les faux-semblants et sur l’orgueil qui peut mener à sa perte celle ou celui qui en fait montre. Au cœur d’un univers plutôt sombre et désenchanté, Musset fait palpiter les élans passionnels et éclater les accès de rage à travers une écriture lumineuse et puissante qui évoque ces passions amoureuses qui tournent à la tragédie. Un verbe savoureux et fleuri qui séduit inlassablement Jean Liermier. Ces thématiques universelles et intemporelles traversent les époques et nous questionnent, nous, public contemporain, autant que Musset quand il couche sur le papier ses doutes, ses sentiments, sa passion déçue.

Jean Liermier s’est confié sur ce qui l’inspire avec toujours la même flamme dans cette pièce de Musset, sur ses comédien.ne.s, sur l’artiste qui assure le rôle du chœur grec (Simon Aeschmann), sur les échos de cette pièce avec notre société qui connaît de nouveaux paradigmes, entre sites de rencontres, réseaux sociaux, comédies romantiques hollywoodiennes et questions de genres.

 

La pièce d’Alfred de Musset On ne badine pas avec l’amour est proposée jusqu’au 26 mars 2023 dans la grande salle du Théâtre de Carouge.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

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