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Werk ohne Autor : Une fausse histoire vraie qui représente l’Allemagne à la Mostra de Venise 2018 et à la course aux Oscars 2019

Double actualité pour cette « Œuvre sans auteur » : le dernier film de Henckel von Donnersmarck, Werk ohne Autor, est le seul film allemand présent en compétition à la Mostra de Venise 2018 et vient d’être nommé par le jury de German Films pour représenter l’Allemagne à la course aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère – à la surprise générale puisqu’à part les critiques soumis à un embargo jusqu’à sa présentation ce soir mardi 4 septembre au festival de Venise, le film n’a éprouvé aucun public ni aucune critique. Enfin, la surprise s’arrête là, à l’entendement artistique et public, car bien sûr, ce choix est éminemment stratégique : l’Allemagne présente ainsi le film d’un réalisateur déjà oscarisé avec La Vie des autres en 2007, dans lequel jouait également Sebastian Koch, et donc déjà connu des membres de l’Académie, mais aussi une histoire qu’aime à voir l’Occident : une chronique alliant nazisme et communisme qui évolue vers une émancipation individuelle grâce à la fuite vers l’Ouest.

— Oliver Masucci – Werk ohne Autor Image courtoisie Wiedemann & Berg Film

Une histoire inventée mais inspirée par l’Histoire

Et c’est peut-être cela le plus grand problème de ce film qui n’arrive pas à donner de l’épaisseur à ses personnages : ne pas se décider à raconter un destin individuel, une romance dramatique, une chronique historique ou faire le biopic d’un artiste – l’artiste interprété par Tom Schilling faisant furieusement penser à Gerhard Richter, comme le rôle d’Oliver Masucci à Joseph Beuys ! La gloutonnerie narrative de Henckel von Donnersmarck nous noie pendant plus de trois heures dans un maelstrom d’histoires et de sentiments appartenant tous à du déjà-vu. Il n’y a aucune surprise, aucun retournement, aucun mystère : tout est prévisible, lisse et très stéréotypé (ce dernier élément pouvant ceci dit être avantageux à l’international).

— Sebastian Koch, Paula Beer, Tom Schlling – Werk ohne Autor Image courtoisie Wiedemann & Berg Film

Le futur artiste Kurt Barnert grandit pendant la période nazie et, outre le traumatisme de la fin de la guerre dû aux bombardements alliés de Dresde, l’enfant est témoin du traitement nazi accordé aux personnes ayant des problèmes psychiatriques. Sa tante tant aimée souffrant de schizophrénie a été internée de force par un médecin SS avant de disparaître (aux yeux de l’enfant, sinon bien entendu, le terme approprié est d’être assassinée). Cette partie du film est certainement la plus intéressante car la moins amidonnée même si c’est la plus tragique dans sa référence, au-delà de la Sonderbehandlung des malades mentaux, à la Solution finale.
Après la guerre, le jeune Kurt Barnert (Tom Schilling) s’inscrit à l’école des Beaux-arts de Dresde où son talent ne tarde pas à le faire remarquer. Commence dès lors pour lui le classique dilemme de l’artiste qui doit choisir entre reconnaissance – il est choisi pour effectuer des fresques à la gloire du parti – et velléité de création affranchie. A ceci s’ajoute une histoire d’amour passionnée avec l’étudiante en mode Elisabeth (Paula Beer) dont le père (Sebastian Koch) n’est autre que le chef de clinique et professeur de médecine qui, dans une autre vie, fut cadre SS. Quelques péripéties plus tard, tout ce petit monde se retrouve réfugié en République fédérale où la vie de (l’ex)-nazi se passe toujours pour le mieux alors que les jeunes tourtereaux peinent à trouver leur place, enfin plus particulièrement l’artiste qui doit se débattre avec lui-même pour trouver en lui le feu qui éclairera sa voie.

— Tom Schlling – Werk ohne Autor Image courtoisie Wiedemann & Berg Film

Le film sort le 3 octobre 2018 en Allemagne, date hautement symbolique, puisque c’est celle de la fête nationale de la République fédérale allemande. Par les temps qui courent, cette œuvre cinématographique relativement plate prend un peu de relief malgré elle : il semblerait que sur certains espaces géographiques et mentaux de l’Allemagne de cet été 2018, certains nervis nazis, qu’on aurait tort de d’étiqueter néonazis puisqu’ils décident de reprendre directement racine dans le cortex originel du mal du Troisième Reich, contaminent une partie de la population qui a oublié ses cours d’histoire. Jamais un film n’a sauvé une situation qui glisse vers l’autodestruction de l’humanité – sinon, avec le nombre de films qui ont pour sujet les réfugiés et migrants, aucun ne devrait plus mourir en mer, dans le désert ou devenir esclave sur son chemin africain ou être coursé dans une rue européenne – mais au moins il peut ouvrir les yeux de certain-e-s et/ou ramener la majorité des gens embarqués dans un jeu démoniaque dont ils ne comprennent aucun tenant et aboutissant, même pas celui de leur instrumentalisation, sur terre si ce n’est à la raison.

de Henckel von Donnersmarck; avec Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Beer, Oliver Masucci, Saskia Rosendahl,Ina Weisse, et beaucoup d’autres; Allemagne; 2018; 189 minutes.
Sortie allemande: 3.10.22018

Malik Berkati

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