ZFF2018 – The Guilty (Den skyldige) de Gustav Möller – Un thriller haletant hors champ
Le premier film de Gustav Möller est un tour de force duquel et le réalisateur et son acteur principal, le toujours excellent Jakob Cedergren que les amateurs de séries ont pu voir dans Meurtres à Sandhamn, s’en sortent avec brio.
Asger Holm est muté au standard des appels d’urgence du commissariat où on l’a relégué à la suite d’une faute professionnelle ; il y réceptionne les appels dans la mauvaise humeur, désabusé, à la limite du non-professionnalisme. Son service est bientôt terminé lorsqu’il reçoit l’appel inquiétant d’une femme kidnappée, Iben – Jessica Dinnage qui joue également à merveille, juste par la voix et ses modulations. Quand la ligne est brusquement coupée, son instinct de policier actif se réveille et il se lance à la recherche de la victime et de son ravisseur. Commence une course contre la montre, avec pour seul aide son téléphone, son ordinateur et sa volonté qui le mènera au-delà de ses limites mentales dépassées par cette responsabilité qui ne tient – littéralement – qu’à un fil : la vie d’un être humain.
Tout se joue sur, à travers, (dans aurait-on même envie de dire) Jakob Cedergren qui doit faire palpiter l’intérêt du spectateur en continu pour que le hors champ de l’action ne mène pas à la lisière de l’ennui. Pour ce faire, Gustav Möller et son co-scénariste Emil Nygaard Albertsen ont fait des recherches approfondies dans des centres d’appels d’urgence et observé les éléments qui leur permettraient de mettre en image une action dramatique que l’on n’appréhende que verbalement. La performance de Jakob Cedergren est également d’incarner son personnage : au-delà du thriller qui nous tient en haleine, cette dimension d’un être qui dévoile couche par couche, à mesure du crescendo dramatique, une personnalité pétrie dans la vie que l’on ressent contrariée, acculée et en nécessité de rédemption.
Le suspense haletant est certainement dû au fait que le scénario, le jeu et la découpe du film impliquent le spectateur. En effet, tout est joué en analogique : les coups de téléphone entre les deux acteurs se sont faits en direct et de manière chronologique, ce qui sert à donner de l’intensité à l’histoire et conserver une authenticité dans les rapports entre les deux acteur.trices . Le rythme du film, et donc l’attention du spectateur, est par ailleurs tenu par un montage au cordeau – le film a été tourné avec trois caméras avec une photographie totalement immersive – qui met en situation autant Asger que celui qui le regarde se démener pour sauver Iben, ainsi qu’un design sonore fabuleux qui fait partie du dispositif narratif à part entière.
Au cinéma, l’exercice de style est périlleux et nombres de films souffrent des effets stylistiques qui prennent le pas sur l’histoire ou sur l’objet dans son ensemble. Avec The Guilty, qui évite les écueils des artifices pour faire tenir son postulat, la performance est parfaitement réussie.
De Gustav Möller ; avec Jakob Cedergren, Jessica Dinnage, Johan Olsen, Omar Shargawi ; Danemark ; 2018 ; 85 minutes.
Malik Berkati, Zurich
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